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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°23 - Octobre 2003 > " Occuper, résister pour habiter ª"

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" Occuper, résister pour habiter ª"


Movimento Nacional de Luta pela Moradia, mouvement brésilien des sans toit pour la réforme urbainePrès de 15 leaders du MNLM se réunissent une fois par an pour débattre, pendant une semaine, de la stratégie, des activités et des priorités et repartir au Para, en Alagoa, au Mato Grosso… avec un nouvel agenda pour l’année. En juillet, nous avons pu suivre les après midi de travail et visiter, par la suite, les terrains d’action du mouvement. A partir de ces rencontres et de ces témoignages, il apparaît urgent de faire connaître la lutte du MNLM.


Silvane, leader de l’Etat de Sao Paulo, insiste, quand elle présente le mouvement , sur le fait que la lutte organisée du MNLM est porteuse d’un changement de société :

"Ce n’est pas une lutte pour le logement en tant que logement : on veut un logement digne pour tout le monde certes mais on lutte aussi pour le reste…l’accès à l’éducation, à la santé, à la ville…"

…même si c’est d’abord la crise du logement qui a motivé le MNLM à s’organiser sur le territoire national. Présent dans 15 des 27 états du pays depuis 1990, il regroupe aujourd’hui un million de personnes en lutte pour l’application du droit au logement, inscrit dans les textes de la Constitution de 1988.

"Notre mission, affirme encore Silvane,, est de lutter pour stimuler, articuler et unifier nationalement les luttes engagées par les sans toit, locataires et occupants."


En effet, le Brésil, c’est d’abord des villes (elles regroupent 86% de la population totale) et des villes incapables de répondre à la pression démographique, ni en terme d’infrastructures, ni en terme d’emplois. Le paysage urbain est marqué par l’exclusion sociale, en témoignent les millions de gens vivant dans les favelas et sous les ponts… On estime que 15 millions de logements devraient être construits, sans parler des bidonvilles à régulariser et/ou à restructurer. L’exode rural a contribué à cette explosion urbaine et la spéculation immobilière limite, voire interdit l’accès à la ville équipée pour la majorité des brésiliens.

" Alors l’idée, c’est de résister et de faire !" réitère Edimar, leader du Mato Grosso, où les conflits de terre sont assez violents.

…et faire, c’est occuper.


L’ occupation d’immeubles et de terrains est en ce sens une action politique forte, un moyen à la fois, d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics, de loger les familles et de lutter contre les expulsions. Il faut se dire que 5,5 millions d’immeubles sont aujourd’hui vacants au Brésil ! L’enjeu est de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils développent des politiques urbaines efficaces et favorisent les processus de régularisation foncière.


Zoom sur la première occupation d’immeuble du centre ville de Curitiba, capitale de l’Etat du Paranà
L’occupation et l’expulsion de 50 familles de l’immeuble de la banque Banestado



Le MNLM, solidaire des familles sans logis a initié le 6 juin 2003 l’occupation d’un immeuble abandonné depuis 6 ans par la Banque Banestado, lui donnant ainsi une fonction sociale. Cette occupation a été préparée et organisée dans l’optique de loger plus de 50 familles sans toit et d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation d’urgence dans laquelle se trouve une grande partie de la population urbaine. Bien plus que l’affirmation d’un droit au logement, le mouvement revendique celui d’un droit à la ville (et de plus en plus un droit au centre de la ville) et la mise en place immédiate d’une politique urbaine adaptée. L’action prend un tout autre sens lorsqu’elle devient non seulement visible mais également porteuse de revendications légitimes. Pourtant deux mois après l’installation des familles dans une vingtaine d’appartements spatieux et confortables, l’expulsion sans projet de relogement a eu lieu dans des conditions inacceptables.

Les phases de négociations ont très vite été écourtées et la situation a dès lors basculé. Les familles ont été herbergées tantôt dans un syndicat, tantôt dans une maison religieuse, une association d’étudiants, une installation éloignée du centre ville, et ce dans la précarité la plus totale.

Aujourd’hui, les leaders de l’Etat sont clairement menacés de morts après avoir été tabassés par la police municipale. Les familles se sentent de plus en plus abandonnées. La situation demeure bloquée, le gouverneur ne semble pas préocupé ni prêt à agir.


Cette expérience montre que les mouvements sociaux sont souvent réprimés et persécutés. Le cas de Curitiba est la preuve qu’il manque une volonté politique de résoudre le problème. Le MNLM a montré qu’il était capable d’organiser la population et d’attaquer de manière radicale voire de destabiliser les véritables tenants du pouvoir au Brésil.

Cette occupation a été fortement médiatisée et a suscité de nombreux débats sur les politiques actuelles. Elle représente la première occupation d’immeuble de l’Etat du Parana, à Curitiba, ville réputée et félicitée pour son modèle économique de développement.


L’occupation est une manière de faire face à un manque de volonté politique, de se mobiliser pour une réforme urbaine cohérente, de revendiquer la primauté du droit au logement et du droit à la ville sur l’arbitrage de la propriété.


Le MNLM affirme barrer la route des spéculateurs immobiliers et des grands propriétaires terriens et porter une réflexion plus globale sur le contexte urbain et social. Le béret à l’étoile du Che sur un visage anguleux, presque austère, Anselmo, le leader du Parana, est particulièrement emblématique du mouvement sans pour autant le résumer. Sa voix porte, grave : "Il faut garder en tête une chose claire : le problème du logement est la conséquence d’un projet de mort dont la préoccupation n’est pas la population. La lutte urbaine des sans toit prend toute son importance au regard de la construction d’un projet autonome. Quel projet de ville et de société voulons nous ?"


Les actions permettent de redéfinir le contenu des revendications. Comme le disait Ilda, militante du MNLM Parana : " l’occupation de l’immeuble du Banestado à Curitiba a suscité de véritables débats sur la position du MNLM face au néo-libéralisme ! ". Les occupations portent des revendications fortes mais aussi et surtout des projets sérieux qui mettent l’accent notamment sur la qualité écologique des nouvelles constructions. Sinon, à Curitiba, par exemple, le projet était de transformer cet immeuble en coopérative de logement avec un centre d’éducation et une coopérative-cuisine.

Dans le contexte actuel de montée des politiques néo-libérales, les leaders du mouvement proposent de plus en plus de travailler à un modèle alternatif de société basée notamment sur le principe des coopératives et la remise en cause de la propriété privée.


Il est vrai qu’avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche, l’échiquier politique brésilien promet de profondes transformations sociales… La place des mouvements sociaux est d’autant plus stratégique qu’ils risquent, en adhérant, de perdre leur autonomie et leur fonction de contre-pouvoir. Le MNLM défend une une position claire sur ce point. A Antonio José, représentant de l’Etat de Sao Paulo, de dire : "Un mouvement est un mouvement, une ONG est une ONG , un gouvernement est un gouvernement. Pas de cooptation possible"

Malgré des discordances avec d’autres mouvements sociaux, et toujours sur un principe d’autonomie financière et politique, le MNLM investit et suit de près l’agenda politique et participe activement à la plateforme brésilienne pour la réforme urbaine (FNRU), constituée d’ONG, de syndicats et de divers mouvements populaires.

Si le discours révolutionnaire apparaît parfois utopique pour les gouvernements avec qui ils négocient, les "companheiros" sont capables de nuancer leurs pratiques pour avancer. Le mouvement sait se préserver en gardant une ligne politique unifiée et sans cesse réajustée.
Evidemment, la personnalité des militants du MNLM y est pour beaucoup. Tous, du plus modéré au plus radical, s’engagent dans la lutte sans compter, une lutte qui tient de la foi et de la bataille. Le MNLM fonctionne sur un militantisme qui a peu d’échos ici : certaines remarques demeurent ainsi comme des phrases clé :

"C’est une lutte 24h sur 24, 7jours sur 7" "quand tu rêves MNLM, quand tu respires MNLM, quand tu manges MNLM alors t’es un vrai militant"…

Le mouvement réussit à s’auto organiser et à renouveller sa base en permanence. La capacité du MNLM à rassembler, organiser et former des groupes de militants a permis de belles avancées sur le terrain (20 000 personnes relogées dans les années 90).

"Qui sommes-nous ? Seuls, nous sommes rien. Unis, nous sommes fort. Luttant, nous sommes le peuple. En parlant, nous sommes tout. Sans parler, nous sommes muet. En proposant, nous gagnons. Faisant pression, nous affirmons. En proposant, nous ne serons jamais vaincus"…(écrit sur le tableau dans la salle de reunions)

Comme l’union fait la force et que la mobilisation doit être universelle, il porte avec l’appui d’un certain nombre d’entités internationales comme le PGU-AL (programme de gestion urbaine d’Amérique Latine), le DAL (association française, Droit au Logement), Unione Inquiline-Italie, Développement et Paix-Canada…, la conviction " qu’ une autre ville est possible".

Juliana Smith,

Fanny Petit


Soutenir le Mouvement.

- Les moyens financiers et matériels sont limités. Les leaders se ruinent la santé et se ruinent tout court pour faire tourner la machine. Les contributions pour alimenter la lutte sont les bienvenues.

Il y a d’ailleurs des tee shirts très rouges en vente à la librairie Quilombo, 23 rue Voltaire, 75011 Paris. Vous pouvez d’ailleurs nous joindre directement :

fanny@reseau-ipam.org

juliana@reseau-ipam.org

- Une revue présentant les activités du mouvement vient de paraître en portugais, premier document écrit diffusé. Une traduction en français contribuerait largement à mobiliser davantage de gens. Si vous avez des suggestions…

- Un documentaire est en cours de montage, appel à soutien technique et financier…


Pour ceux qui veulent recevoir des infos régulières, suivre les projets et les soutenir : un collectif informel de soutien au MNLM se met en place, via la liste internet suivante : soutienmnlm@yahoo.fr


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