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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°26 - Janvier 2004 > Après l’écran plat, le tube hypocrite

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Après l’écran plat, le tube hypocrite


Dans l’audiovisuel, la règle est simple : l’hypocrisie. C’est d’ailleurs logique, la télévision se réduisant à une lucarne pour la vie politique et celle du show-biz, deux milieux où la sincérité est à fuir comme un nouveau tube de Céline.
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Bon. On peut en penser ce qu’on veut, sachant que l’hypocrisie fait quand même plus partie de la nature humaine, dans son ensemble, que du monde exclusif, étriqué et consanguin de notre chère télévision française. Je dis française pour simplifier, parce que si on considère l’origine des programmes diffusés sur le PAF, alors il vaudrait mieux dire : "La télévision de l’autre pays du fromage". Et oui, la Hollande aurait pu nous faire profiter de son progressisme législatif et de ses avancées des mœurs en terme de dépénalisation du cannabis, ou l’officialisation des maisons closes. Manque de bol, on a pas dû faire trop gaffe, parce qu’ils nous ont juste refilé Endemol. Ca pourrait être la marque d’un médicament, genre contre les hémorroïdes, que ça ne serait pas plus mal. Parce qu’en fait, Endemol ne soigne pas, elle contamine. Endemol, c’est Big Brother, (émission qui reprend crânement mais à juste titre le nom de la toute-puissance du célèbre roman de George Orwell, 1984) qui, grâce à une expansion européenne, a refourgué ses petits avatars aux autres pays modernes et industrialisés.

Comment ? Simplement en rachetant la majeure partie des principales sociétés de production françaises. Principales, donc basées à Paris. Basées à Paris, donc créées et dirigées par ceux-là même qui nous les vantent et nous les présentent, ces Arthur, Marc Olivier Fogiel ou encore Karl Zéro. Ainsi, Endemol, via sa filiale baptisée Endemol France (original, non ?), peut inonder l’hexagone de plusieurs dizaines d’heures de programmes par semaine, toutes axées sur le principe de la télé-réalité. Voilà pour le décor. On aurait pu penser que ça s’arrêterait là. Mais c’est mal connaître le système télé, qui a derrière lui un autre pouvoir non-négligeable si on veut mépriser les individus d’une société tout en leur volant un max de blé, celui de la politique. Quand Luc Ferry déclare au Monde en août 2002, qu’il considère le Loft comme "une sorte de cours d’éducation amoureuse", forcément, on n’est pas aidé. On pourrait se dire que le sanctuaire sectaire du Ministère de la Culture nous sauvera la mise et condamnera cet abrutissement explicite des masses. Ah, espoir, quand tu nous tiens ! Parce qu’en fait non, la Culture s’en fout pas mal qu’on recherche une autre télévision. La preuve : la réforme du statut intermittent. Sujet délicat, je vous l’accorde, quand on pense à tous les abus exercés en toute impunité par une minorité d’artistes (*). Toujours est-il que cette réforme va faire fondre le nombre d’intermittents basés en Province. Résultat : le peu de sociétés de production qui y sont implantées vont avoir bien du mal à trouver les techniciens et les artistes nécessaires à l’audiovisuel ou au théâtre. Donc, incessamment sous peu, on va assister à la mort de laproduction en Province, ce qui laissera le champ libre et le monopole à la toute puissance parisienne. On se délectera donc de ces soupes à la paillette et de ces rôtis de silicone, jusqu’à peut-être devenir tous semblables pour fêter l’image triomphante de la connerie humaine ; ou bien alors jusqu’à vomir sur le tapis du salon cet étrange sentiment de hargne qui nous lie l’estomac, cette sensation de plus en plus lancinante qui nous dit, au fond de nous-mêmes, qu’on est
décidément là dans l’unique but de servir la classe politique et de se faire baiser par la classe médiatique.

Alors le salut ne peut venir que de ces nids provinciaux, numériques, humains, créatifs, et donc alternatifs au robinet de l’audiovisuel officiel. Le partage, le débat, la construction logique et simple d’une autre forme de télé sera l’unique rempart contre la bêtise belliqueuse des chaînes nationales.

Parce que, comme on dit chez nous, ça manque de plastique tout ça !


HK


(*) ndc : ces propos n’engagent que leur auteur, tant mieux si des personnes sont assez malines pour se bricoler un revenu de survie. En fait il s’agit d’un bel exemple de manipulation politique, reprise aveuglément par les médias, car aucune étude n’est disponible sur ces soit-disants abus, avec des chiffres, etc. Ce que même l’Unedic avoue par contre c’est que 50 % des intermittent-e-s touchent moins que le SMIC !


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