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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°27 - Février 2004 > Politisation de la verticalité

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Politisation de la verticalité


Les yeux de Clarisse s’illuminent, elle vient d’apprendre que Mac Do recrute. Clarisse est réaliste : chômeuse en fin de droit, sans qualification, elle pourra presque toucher 70% du SMIC si Ronnie-le-clown l’embauche. Elle estime qu’elle a le droit de tenter sa chance. Quant à Bertrand lui au moins il existe, puisqu’il travaille en tant que commercial dans une fabrique de balais-chiottes. De quoi lui donner un sens à sa vie, mais Bertrand est particulièrement pénible comme garçon.


Il devrait être heureux du salaire qu’il touche, de sa femme acariâtre, mais gentille, et de ses trois gosses criards, mais adorables, de sa télé écran plasma et de l’hémoglobine qu’elle diffuse. Mais il lui manque « quelque chose » et il se demande, comme le poète, à quoi bon de vivre, à quoi bon tout ça. De temps en temps il fume un beuze devant le portrait de Bob, jauni à l’idée du temps des copains...
Ces personnes, plus ou moins imaginaires, n’appartiennent pas à la mouvance libertaire et ne participent pas aux luttes sociales. Elles sont peut être déjà passées à une manif, mais n’ont pas pu se lier à des militant-e-s qui leur ont distribué en coup de vent un tract avant de revenir discuter entre eux. Ou alors elles ont contacté un groupe, mais n’ont pas compris que les trois quarts des réunions soient consacrées à des questions techniques ou à la guerre intérieure contre l’Ennemi Ultime : _______ (*). Peut-être ont-elles des questions, veulent-elles s’investir mais sans savoir par quelle porte entrer, et surtout dans quelle salle rester.


Cet article cherche à convaincre de l’intérêt des lieux de vie alternatifs et autogérés, que ceux-ci soient permanents ou existent le temps de quelques journées, comme le VAAAG, No Border, un séjour dans une ferme alternative ou un camping militant.

Si le projet libertaire sous-jacent à nos actions politiques cherche à concilier le maximum de libertés et l’égalité économique et sociale, ce qui n’est pas une mince affaire, la molécule constituant ce mode fédératif serait le lieu. Il serait illusoire de supposer que nous pourrons avancer politiquement ensemble si nous n’arrivons pas à pérenniser l’autogestion d’un local collectif.


I- Autogestion : dispositifs
et écueils




Types de lieux autogérés


On peut tracer, pour faire simple, quelques grandes catégories aux réalités bien différentes :

les lieux temporaires. Aussi appelé « TAZ » (Zone autonome temporaire). De récentes initiatives européennes ont eu lieu : le VAAAG à l’occasion du Contre-sommet du G8 à Evian en mai 2003, No Border à Cologne (août 2003) ou Strasbourg (juillet 2002) ainsi que le village No Border en préparation dans la région de Perpignan, pour août 2004, auquel participe le réseau No Pasaran. Les campings militants des orgas libertaires (OCL, CNT, OLS, No Pasaran...) sont également autogérés.

Les squats. Ils apportent une problématique supplémentaire : celle de la lutte contre la propriété privée et pour un logement salubre pour tous, avec ou sans argent. El Paso donne un exemple de squat, mais l’on peut également citer Alter-Nation à Paris, les Tanneries à Dijon, Le Clandé à Toulouse, etc. Les optiques sont variées : le plus souvent il s’agit de se loger dans l’urgence, soutenu ou non par des associations (No Vox et le DAL assurent le gros de ce travail) ou en plus d’autogérer une partie du lieu, comme les sans-papiers et les libertaires (AC ! / OCL, CNT...) l’ont fait avec le squat « DéDAL » sur Limoges.

Les lieux autogérés payant un loyer. Sans subvention, en s’autofinançant. Cela permet cette fois-ci de pérenniser le lieu, au prix d’une moindre conflictualité avec les capitalistes et les pouvoirs publics au sujet du « logement pour tous ». Voire l’article sur l’Etincelle, ou encore la Casbah sur Nancy, le restaurant associatif « La Rôtisserie » dans le quartier de Belleville à Paris, le bar autogéré la Cordonnerie à Limoges...

Les lieux itinérants :exemple la cuisine autogérée de Montpellier « Les Radis noirs », dans laquelle sont impliquées des militant-e-s du Scalp, la caravane anticapitaliste, la cuisine autogérée de Barcelone ou celles des collectifs allemands, qui font fréquemment la tournée des TAZ anticapitalistes comme No Border ou autres...

Quant aux activités des lieux, on peut les diviser en quatre grandes catégories :

la convivialité : bar, organisation de soirée, concerts... ou tout simplement un lieu où se poser et rencontrer des personnes qui veulent vivre différement ;

L’art et la culture : dans une société capitaliste où l’expression artistique est de plus en plus formatée le lieu permet à des artistes en rupture de ban de se rencontrer et de se regrouper ;

la solidarité : un lieu autogéré peut abriter des logements, ce qui vu le nombre croissant de sans-abris est socialement nécessaire, mais peut aussi abriter des permanences juridiques ou permettre aux personnes en galère de se ressourcer, de parler, etc.

L’élaboration politique :les groupes anarchistes et/ou « luttes sociales » ont besoin de ces points de chute pour comploter.


Principes d’autogestion d’un lieu


Voilà les principaux :

> respect de l’intégrité des personnes : non-autoritarisme, respect de la vie privée, conduites non-sexistes, non-racistes et non-homophobes.

> ouverture et libre circulation : quelque soit le degré de celle-ci le lieu autogéré doit être capable d’intégrer de nouvelles personnes, dans les limites du possible. Le passage est généralement libre mais le séjour ou la participation à l’initiative peut être conditionné à la prise de connaissance et l’acceptation d’une charte.

> des mobiles et/ou perspectives politiques : les personnes ne sont pas (uniquement) ensemble parce qu’elles s’apprécient mais parce qu’elles ont des projets en commun. Le lieu n’est qu’un support qui permet à des individus de s’immobiliser pour des activités précises.

> organisation autogérée : généralement fixée par une charte écrite, elle permet les principes libertaires et de définir les tâches à effectuer, que les personnes se répartissent selon leur bon vouloir en suivant la rotation des tâches. Ainsi la division du travail à l’oeuvre dans la société capitaliste (qui reste d’ailleurs très présente, nous le verrons plus loin) est amoindrie voir gommée. Il s’agit aussi de socialiser le pouvoir et d’instaurer la démocratie directe, par la tenue d’assemblées générales et les mandats tournants, révocables à tout moment. Comme dans toutes les organisations libertaires c’est plus facile à annoncer qu’à faire.


Abus de langage


(cette partie s’appuie sur le dossier spécial lieux alternatifs parus dans le Silence de mars 2002)


Si l’on ne peut que tendre vers un idéal, tout en sachant qu’il y aura toujours des « problèmes » à résoudre (même après le bac) ce n’est pas une raison pour tout relativiser et errer au grès des vents de la mode. Tout lieu qui se dit « autogéré » ou « alternatif » ne l’est pas, dans le sens où au fur et à mesure que les saisons passent certains ne cherchent même plus à tendre vers ça. L’ « ennemi » dans ce cas là, c’est nous-même (décidemment) : on vient avec ses bonnes résolutions mais nous avons tendance à oublier que nous avons été aussi façonné-e-s par l’Etat, l’école, le système capitaliste, souvent plus profondémment que l’on croit. On peut exclure, sans sourciller, du vocable « autogéré » ces types de lieu :

> les communautés. Des ami-e-s qui louent une maison à la campagne pour vivre différemment, un jardin alternatif dont le terrain est la propriété d’un groupe de personnes, qui l’exploitent, etc. Il s’agit de solutions individuelles, voire de replis, et non pas de projets politiques ce qui suppose des dynamiques.

> les lieux construits autour d’un individu. Certaines communautés des années 70 ont viré, de part leur isolement total du reste de la société, vers ce type de travers qui est à l’opposé des idées libertaires. Un individu prépondérant sera soit le « patriarche », voire même un gourou (le terme n’est pas forcément exagéré).


Les obstacles à franchir




Quelques uns des écueils qui conduisent un lieu initalement autogéré à devenir, au mieux, un lieu de repli :

> l’isolement : non seulement l’aspect politique est abandonné dans ce cas-là, mais chacun sait qu’un groupe qui se replie sur lui-même multiplie les conflictualités et les « embrouilles » en son sein. Une personne a besoin pour son équilibre de vie sociale mais aussi d’intimité et de réalisation personnelle, difficilement possible avec le contrôle social qui se met naturellement en place au sein d’une communauté isolée. A noter que ce type d’expérience a toujours fini en échec.

Quelques solutions : inviter des collectifs et des associations le plus souvent possibles, inscrire dans la charte l’obligation de tenue de réunions introspectives, pour étudier si les engagements communs qui ont été pris sont respectés, faire le suivi des mandats, inscrire une durée maximale pour ces mandats. Et si le lieu est « tenu » toujours par les mêmes personnes, peut-être vaut-il mieux arrêter au lieu de se fatiguer pour des actes contraires à nos idées. Enfin, ne pas s’isoler c’est tout simplement participer aux luttes sociales !

>l’argent : sujet de brouille récurrent. Combien sont parti-e-s avec la caisse ? (et combien ont rendu l’argent ?) La confiance ne suffit pas et il faut trouver dans ce cas là une organisation non seulement pour la garde de l’argent mais pour sa budgétisation.

Quelques solutions : diviser la caisse entre différents budgets et différents individus mnadatés pour chacun, inscrire dans la charte que les comptes devront être régulièrement produits (et le faire), réserver les caisses aux personnes présentes depuis un certains laps de temps dans le lieu (ex : 6 mois). Si les personnes se servent, c’est aussi qu’elles en ont besoin et une caisse de solidarité, sur le modèle des tontines africaines, peut se mettre parallèlement en place. Divers types de tontine existent : un exemple : chaque personne intéressée par le projet verse 10 euros par mois dans la caisse, au bout d’un à six mois (suivant le nombre de participant-e-s) l’argent est donné à une personne qui en a besoin, puis on recommence à zéro pour une autre personne. Ce système fonctionne bien (du moment que la confiance existe) et permet aux personnes fauchées de s’offrir du nécessaire dont elles sont normalement obligées de se priver.

>la mauvaise structuration du lieu : aucun groupe de taille moyenne ne peut cohabiter très longtemps dans une pièce unique, par contre un ensemble de petites pièces ne permettra pas une vie collective. L’architecture du lieu structure en grande partie la mentalité individuelle et collective.

Solutions : choisir un lieu qui offre une ou deux grandes pièces communes, plus la cuisine, et des pièces plus petites pour les individus qui y logent ou des activits spécifiques (bibliothèque...) Attention aussi à l’accessibilité et à la visibilité du lieu, qui doit permettre à un maximum de personnes d’y accéder, y compris les personnes handicapées.


Les galères qu’on ramène avec soi : dépendance à certains types de drogues dures ou alcoolisme, qui pousse à des comportements violents. Pauvreté extrême qui conduit à une profonde destructuration des individus, etc. Une personne qui ne peut maîtriser sa violence peut foutre en l’air un groupe.

Solutions : Généralement dans ce cas là un « cordon sanitaire » se met en place autour de l’individu à problème, s’il n’est pas exclu directement. Est-ce en accord avec nos principes ? Ne vaut-il pas mieux lui parler et essayer de trouver une solution avec elle ? Ne pas oublier que tout le monde peut vivre un jour une « galère ». Eviter de créer un contrôle social vis-à-vis d’un individu, en prenant le temps de se mettre à sa place tout simplement. Par contre si la personne ne fait rien pour arranger les choses, autant « rompre le contrat », c’est peut-être mieux pour elle (car ce lieu n’améliore pas sa situation)... et aussi pour vous.

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II- L’autogestion, une réponse
asymétrique




L’asymétrie est cette capacité de trouver, à un problème donné, une solution qui n’en reprenne pas les modalités ni les buts. Par exemple la révolution non-violente qui s’est produite en Inde au lendemain de la Seconde guerre mondiale était une solution asymétrique contre le pouvoir colonial britannique et ses dispositifs. Elle a certes abouti à un autre type de société inégalitaire, et a repris le système capitaliste comme mode d’organisation, par contre ses principes de luttes étaient bel et bien asymétriques.


Le repli du milieu



L’ennemi intérieur, on l’a déjà dit, c’est nous-mêmes, ou plus exactement les mauvaises habitudes que l’on prend. Les raisons de l’engagement politique sont variées : certain-e-s sont juste là pour trouver des amis ce qui, vu la transformation de l’individualisme à laquelle on assiste, deviendra bientôt un acte politique, d’autres parce qu’ils/elles ne supportent pas la misère croissante et l’injustice, surtout dans une société d’abondance, certain-e-s la fascisation croissante, et enfin des motifs culturels entrent en jeu : les rapports sociaux, l’art, la culture que produit le capitalisme sont tellement pauvres ou affligeants qu’apparaît le désir d’avoir une vie plus riche, absence que les loisirs de masse n’arrivent pas à combler.

Le besoin d’enrichir son intériorité serait-il irréductible à l’espèce humaine, comme d’autres valeurs - la solidarité, la justice, l’amour, la liberté ? Il faut l’affirmer et repenser cet universalisme, au risque sinon de laisser un large boulevard à l’idéologie du « Choc des civilisations » et à la culture capitaliste de la « réussite » individuelle (être champion de la vente de balais chiottes et autres activités passionnantes).

L’époque est au relativisme, la vie dans la majeure partie du globe ne vaut rien.

La reprise des droits de l’homme (sic !) comme cache-sexe aux politiques impérialistes des structures capitalistes dominantes ne doivent pas nous faire oublier que si l’on ne déclare pas le respect de la vie et de son épanouissement comme irréductible (d’autres diraient sâcrés) nous laisserons la porte ouverte au pire.

Bref, tout cet ensemble de motivations nous a conduit à l’engagement politique. Les années passent, les habitudes se prennent : militer avec les personnes avec qui on s’entend le plus (pourquoi s’emmerder ?), creuser toujours les mêmes sillons sans chercher d’autres terrains propices... Le milieu politique fournit ses propres repères rassurants, donnent des représentations sociales à chacun-e ; le confort social et intellectuel guettent. Il produit également un formatage et éloigne du « reste de la société » : témoins tous ces tracts aux propos juridiques abscons, ces textes qui s’adressent aux autres militant-e-s et non pas aux sympathisant-e-s ou non-convaincu-e-s, etc.

Nous parlons d’interculturalité mais nous restons soigneusement dans notre coin idéologique, en sortir serait prêter le flanc à d’éventuelles critiques des autres tribus du coin, et autant ne pas trop prendre de risques sociaux. Ainsi une déléguée des JMF (Jeunesses musulmanes de France) qui tendra la main lors d’un debat No Vox se fera huée par des dizaines de personnes déchaînées (anarchistes et « coco Minute ») - peu importe que son association soit laïque et active sur le terrain sociale, on l’ignore et on s’en fout car « elle porte un voile, tu comprends. La jetter, c’est lui rendre service » (sic ! surtout aux intégristes).

S’instaure ainsi un machisme militant, celui du « plus radical que moi tu meurs ». Du moins dans les mots, les actes c’est plus compliqué.

Au fur et à mesure que s’écoule le fil du sable, les lieux portent de plus en plus les marques de ce pli, car nous importons en leur sein nos habitus extérieurs, qui sont, même si les libertaires font des efforts pour se déconditionner, fortement marqués par la culture de l’urgence et de la mobilité. Nous créons ainsi le moins possible de verticalité, de profondeur politique. C’est le système capitalisme qui bat la mesure et nous entraîne dans cette cinétique, qui n’est plus un moyen mais devient la finalité.


Critique de la cinétique


< cinétique : qui a trait au mouvement >


En Occident, et désormais dans une majeure partie de l’Orient, nos vies sont rythmées par les échéances : échéances de lois, de contre-sommets, de réunions, de projets. La cinétique est centrale pour signifier a priori nos existences à autrui : un humain vivant est un humain qui « bouge », reste dynamique et (ré)actif. De l’école à l’entreprise, en passant par les « sorties » déchaînées et festives ainsi que le sport, la cinétique créé une valorisation et appuie un statut social défini par ailleurs par la profession. L’impression d’être ainsi maître de sa vie est très forte, chez une partie de la population généralement issue des classes moyennes ou favorisées, qui dispose d’une marge de manoeuvre sociale, de contacts et de réseaux personnels, de moyens financiers et pratiques pour accéder à des loisirs plus élevés que les classes populaires. Le retour en fo rce de la domesticité, criant si vous regardez les annonces dans une quelconque ANPE est favorisé par des mesures comme les chèques emploi-services ou des abattements fiscaux, permettant de faire garder ses enfants ou tenir sa maison pendant que l’on soigne son individualité si précieuse. Privilège autrefois réservé aux classes bourgeoises ces nouveaux dispositifs permettent à des classes moyennes d’aboutir à un nouveau statut.

Nous assistons ainsi à l’essor d’un nouvel individualisme, marqué par l’absence d’idéologie religieuse ou politique et de projections classistes ou culturelles marquantes. Qu’elle soit source de réels plaisirs est une autre discussion à avoir. La cinétique ne peut pas être confondu avec la mobilisation, c’est à dire la capacité à s’engager dans un projet, ni avec une quelconque idée de qualité ou de profondeur. Dans ce cas là l’horizontalité se heurt à la verticalité. Prenons comme exemple la musique. Star Académy est un symptôme très parlant du capitalisme. En quelques mois il s’agit de fabriquer des produits marketings en soumettant les étapes de cette fabrication à un public, qui se liera ainsi à travers un phénomène de sympathie, par une sorte de contrat social voire de projection pour les adolescent-e-s, au nouveau bébé de l’industrie musicale. A travers toutes les étapes ford istes, à la chaîne, de la création du nouvel « artiste » seront corrigés ses « défauts » suivant les normes sociales et culturelles en court, le nec plus ultra étant de cultiver une ambivalence marquée afin de ratisser large et de permettre la résonnance chez des individus fracturés, fractionnés - la brute gentille, la femme fatale - innocente. Oxydation des oxymores. Puis, zappons nous aussi, l’ »artiste » est jeté dans l’arène du show bizz avant de sombrer lamentablement un an après.

Pendant ce temps, le musicien qui répète quatres heures par jour et qui créé sera marginalisé ; la lutte des intermittents et d’un statut qui affirme que créer demande du temps, et donc de l’argent, largement ignorée malgré des sympathies, qui n’engagent à rien. Alors que la création est subordonnée à sa propre capacité à rompre avec son environnement, pour mieux y revenir en lui apportant du sang neuf, ce travail là sera totalement méprisé. Pas assez rapide.


Le système capitalisme induit donc une forte contraction du temps, une segmentarisation des activités qui se retrouvent dans la culture de l’emploi du temps surchargé : 8 heures de travail, une heure de réunion, déjeuner avec untel, passer à la banque et faire une heure de tennis-dialectique, etc. Lorsqu’on est trop fatigué, en retard, les activités s’autorégulent. La plupart d’entre elles sont en fait des réponses à divers stimuli externes : la publicité et les médias dans leur ensemble, l’environnement social qui pousse à soigner son corps à l’extrême - plus au niveau des apparences que de la santé. Dans nos sociétés dépourvues de sens, l’acte est isolé de la réflexion et du positionnement personnel par rapport à la vie, à la politique. En cas de conflit interne, il sera toujours temps de se demander quelle est la valeur de sa vie...

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Génôme d’un devenir libertaire


Ces expériences de lieux autogestion doivent être vécues comme une rupture avec cette cinétique, création d’un espace-temps que l’on nous impose pas. L’apprentissage d’une vie en commun qui ne soit pas seulement guidée par l’intérêt privé (personnel, familiale ou clanique) mais qui permette la reconstruction d’identités sociales.

La centralité du salariat pèse dans nos vies. L’absence de travail cause des souffrances, de part le manque de ressources, de liens sociaux (sauf rares chômeurs militants). Pour celles et ceux qui ont vécu la dure réalité des squatts de tous types, les embrouilles dues à l’alcool / la came / les vols, qui sont la conséquence de la galère, cet article apparaîtra bien romantique. Ou alors, quand les lieux sont plus proprets et léchés, les existences plus éloignées du fil du rasoir, d’autres problèmes apparaissent : les lambeaux de pouvoir qui font tourner la tête des apprentis-kadors, les embrouilles politiques importantes (débat sur l’utilisation du papier chiotte, ça c’est déjà vu), etc.

Néanmoins la problématique du lieu permet de se poser une question, celle de la place que les liens sociaux élargis ont dans nos projets politiques. Pour l’instant nous lançons des campagnes politiques, s’associe qui peu et qui veut. Mais peut-être sommes-nous tombés dans un tel individualisme qu’il soit nécessaire de créer en priorité un maximum de solidarité. On l’a vu avec le mouvement contre les retraites Fillon, par exemple, le manque de liens public/privé étaient joués à l’avance car, par exemple, les profs et les ouvriers ne se fréquentent pas, restent dans leurs univers. Dès que le mouvement s’est lancé ils n’ont pu inverser la vapeur, comme ça, d’un claquement de doigt. Idem pour la récente tentative de mouvement des chômeurs ; alors que ceux-ci étaient privé de la majeur partie de leurs droits créer les liens nécessaires pour combattre ces projets politiques semblait plus dur que de subir le manque de ressources qu’ils entraînaient.

Appréhender la verticalité demande du temps.

De ces liens et de ces projets autogérés pourraient se déduire la conflictualité politique contre le capitalisme. C’est ce qui s’est produit avec un SEL en Ariège, il y a quelques années (vers 1997 de mémoire). Ce Système d’échange local (et rural), qui permettait d’échanger des biens et des services sur la base d’une monnaie fictive, a été attaqué par la « justice » pour travail au noir. Il s’agissait en fait pour des populations de s’entraider, parce qu’elles n’avaient pas le choix ou qu’elles souhaitaient vivre différemment. Une fois ces liens recréés, et le SEL attaqué, un collectif de défense de plusieurs centaines de personnes s’est mis en place pour défendre les deux accusés. Ces mêmes personnes auraient été moins séduites, à en voir le nombre de militant-e-s mobilisés dans nos collectifs on ne peut g uère en douter, par un engagement ultra-politisé dès le début.

Le problème reste toujours celui de l’amorce.

Nous pouvons envisager que pour beaucoup de monde la politique soit déductible de la solidarité, et non l’inverse. Si l’on ne tient plus à rien, si plus rien ne vaut sérieusement la peine hors défense du cercle et des intérêts personnel, il faut d’abord être lié à des altérités sociales pour avoir envie de les défendre.
Vu l’évolution de la société, les replis communautaristes, les nouvelles formes d’individualisme dans les sociétés capitalistes les plus « avancées » je ne sais même pas s’il s’agit d’une question de choix, de « peut-être » ou désormais d’une nécessité.


Raphaël

(*) écrire le nom d’une orga ou d’une personne que vous n’appréciez pas, si possible proche de vos idées pour des questions de réalisme.


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