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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°30 - Mai 2004 > Le Front National se fond dans le décor

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Le Front National se fond dans le décor


Un mois après les élections régionales, quelle analyse peut-on faire des résultats du Front national ? Tout d’abord, le parti de Jean-Marie Le Pen confirme bien qu’il est la troisième force politique du pays. Présent dans 17 régions sur 22 au second tour, il totalise en moyenne 14,7% des voix (contre respectivement 15,3% en 1998) mais pour un total de plus de trois millions de voix et une progression dans quatorze régions par rapport à 1998.


Pourtant, alors que lors de la campagne électorale, nombre de médias et d’hommes politiques avaient hurlé au loup, aucune région n’est tombé dans les mains du FN, et tout le monde semblait soulagé de ne pas avoir vécu un second 21 avril. Mais le FN est-il vraiment le perdant qu’on voit nous présenter ?
Jean-Marie Le Pen, lui-même, s’est déclaré " déçu par les résultats de cette élection " et il a d’ors et déjà annoncé sa candidature pour les présidentielles de 2007 (on le sait, c’est le seule type d’élection qui l’intéresse véritablement) et a prédit " un grand succès pour les européennes ". Les ravages de la méthode Coué, en quelque sorte… Par ailleurs, le Front national a déposé plusieurs recours : à grand renfort de publicité en PACA, suite à l’invalidation sur la liste FN de Jean-Marie Le Pen (cf. No Pasaran n°28), mais également en Limousin, jugeant "contestable" les modalités du dépouillement de vote, et en Pays de Loire, Bretagne et Auvergne pour demander une enquête sur les sources de financement du MNR. Il est vrai que la présence du parti de Bruno Mégret dans treize régions, alors que les caisses du parti sont vides, peut laisser perplexe, d’autant que les chances du MNR était quasiment nul (ses résultats ont été généralement inférieurs à 2%) et son rôle semble être celui rempli jadis par des groupuscules comme Trop d’Immigrés-La France aux Français : chiper quelques voix au FN dans l’espoir de faire grimper le score de la droite gaulliste… Un financement occulte de l’UMP n’est dans ce cas pas tout à fait aberrant.

Le FN s’incruste


Cette déception apparente du FN ne doit pas nous tromper : le vote FN s’est confirmé un peu partout en France, et tend de plus en plus à devenir non un vote de protestation, mais un vote d’adhésion, car ce ne sont pas sur les hommes (des personnalités peu connues recueillent les meilleurs résultats, alors que les candidats les plus médiatiques, comme Marine Le Pen, se sont parfois plantés) mais bien sur les idées que les électeurs ont porté leurs suffrages. Les résultats de l’extrême gauche et ceux du PS montrent que la plupart des électeurs, pour protester, votent " utile " (par antiphrase ?), c’est-à-dire jouent l’alternance PS / UMP. Avec 22% au deuxième tour en Alsace (régin qui, avec le MNR et Alsace d’Abord, totalise plus de 28% de voix pour l’extrême droite), plus de 21% en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 19% des voix dans le Nord-Pas-de-Calais et plus de 18% en Champagne-Ardenne et en Picardie, on peut dire que le FN est fortement présent aux quatre coins du pays.

Une absence de réaction


Au final, pour ces régionales, l’extrême droite totalise 16,14% des voix, que se partagent le FN, le MNR et divers mouvements comme Alsace d’Abord. Il suffit de comparer ces résulats avec le score du FN en 1998 (15,3%) alors qu’il règnait sans partage à l’extrême droite et de le mettre en perspective avec le taux de participation relativement élevé pour ces élections de mars 2004 pour réaliser que l’extrême droite " démocratique " se porte comme un charme. La réforme du mode de scrutin a certes fait passer son nombre de conseillers régionaux de 275 à 156, et donc a de fait réduit son influence dans la politique menée par les régions. Mais la quasi absence de mobilisation antifasciste, que ce soit avant le premier tour ou dans l’entre-deux-tours, la banalisation du phénomène FN à la fois dans les médias et dans l’opinion, ainsi que les inévitables arrangements locaux entre la droite et le FN et les tentatives de récupération de l’électorat frontiste par l’UMP à travers une politique toujours plus répressive laissent malheureusement présager un avenir radieux à la formation de Jean-Marie Le Pen.

Certes, l’hystérie anti-FN qui suivit le 21 avril 2002 a sérieusement entamé le peu de crédit que pouvait encore avoir l’antifascisme à la française, qui se contente trop souvent d’agiter le FN et Le Pen comme des épouvantails pour faire revenir les électeurs dans les rangs des partis "responsables", ceux-là même qui excluent et expulsent. Mais c’est à nous, antifascistes radicaux, de lui redonner du sens, en liant notre opposition aux formations d’extrême droite à un soutien sans faille à tous ceux qui, aujourd’hui, sont déjà les victimes d’un fascisme qui ne dit pas son nom. H


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