No Pasaran - Le FN et Alsace d’Abord tentent de récupérer la douleur des familles meurtries

Au mois de septembre, le FN alsacien a lancé une nouvelle campagne demandant le rétablissement de la peine de mort pour les pédophiles, les violeurs et les assassins d’enfants. S’appuyant sur les mêmes évènements, il diffusa massivement des pétitions-tracts afin de sensibiliser la population à leurs thèses. « En France, comme en Belgique, sévissent des Dutroux et ils menacent nos enfants ! ». Le contenu du tract est un savant mélange d’attaque contre le système judiciaire « laxiste », la loi Badinter meurtrière, l’Etat, la pornographie. On y parle de morale naturelle, de retour à la peine de mort, de « Dutroux français [qui] bénéficient d’une totale impunité », de société permissive.

La récupération de fait divers est une morbide habitude de toutes les extrêmes droites. Le 23 septembre, avait lieu une marche silencieuse à Avignon, à la mémoire du jeune Romain, assassiné courant juillet. La famille et plusieurs centaines de personnes dont une majorité de lycéens et collégiens étaient réunis. Le parcours de la manifestation de recueil avait été préalablement recouvert d’autocollants jaunes et noirs que nous connaissons bien. On pouvait y lire « face à la racaille, tu n’es plus seul(e) ! ». Au moins deux membres des Jeunesse identitaires étaient présents lors de ce rassemblement et ils distribuaient des tracts présentant Romain comme un « jeune occitan » victime « de la politique d’immigration de l’Etat français ». La manipulation est évidente. En accusant l’immigration (l’assassin était d’origine étrangère) les militants identitaires ne cherchaient qu’à faire adhérer les proches de la victime à leur point de vue dans un amalgame honteux : tous les étrangers sont des assassins

Revenons à l’affaire Bodein. Le FN a été plus fin dans son approche

des familles des victimes. L’une des jeunes victimes était fille d’une famille catholique traditionaliste. C’est le chapelain de la communauté traditionaliste Saint Arbogast de Strasbourg qui est venu faire la messe en latin selon le rite Saint Pie V. Une autorisation spéciale avait été donné à l’occasion par les autorités religieuses locales. Pas étonnant dès lors de voir le premier avocat de la famille se désister au profit de maître Wallerand de Saint Just2. Et voilà comment Chrétien Solidarité met la main sur l’affaire Bodein. Cela va lui permettre de trouver une tribune pour mettre en avant sa vision de société. Si les tensions entre le FN et Chrétien Solidarité sont réelles et tenaces, il est évident qu’au niveau local, elles sont bien moindres. Les fédérations FN Bas et Haut Rhin, sont tenues par des catholiques intégristes et Bernard Antony était encore invité il y a moins d’un an en Alsace, pour un repas en son honneur.

Cela ne laisse pas beaucoup d’espace pour AdA dans cette affaire. Toutefois, Pierre Bodein dit Pierrot le fou, l’assassin présumé des deux fillettes est d’origine yenishe. Les 19 mis en accusation dans cette sordide affaire sont tous d’origine yenishe. Ceux que l’on appelait avant les « vanniers » étaient des paysans pauvres qui, pour échapper à leur triste condition ont choisi, au XIXe siècle, de partager la vie d’errance des manouches et tziganes. Originaires d’Alsace, de Moselle, de Suisse ou d’Allemagne, ils vivent une vie plus que précaire aux abords des villages, survivant grâce au commerce de leurs produits de vannerie. L’hostilité à leur égard est, en Alsace, d’une rare intensité. « En Alsace, il n’y a pas plus bas qu’un yenishe. Même dans les cimetière, personne ne veut d’eux. »3. Accusés de tous les maux, de toutes les tares, beaucoup de yenishes vivent à la marge. Ils

représentent tout ce que l’Ordre et la réussite alsacienne réfute. Les clans yenishes sont, pour la plupart, sédentarisés depuis la fin des années 1960. Mais l’inconscient collectif les associe et les confond avec « les gens du voyage ». Hors, depuis quelques semaines, Alsace d’Abord menait un combat local à coup de pétitions, tracts, rassemblements pour dénoncer l’obligation d’application de la loi sur l’aménagement de terrain d’accueil pour population non sédentarisé dans les commune. Soutien aux collectifs de riverains en colères, initiatives d’AdA, les débats font rage et les vieilles peurs et haines resurgissent. Les caravanes ne passent pas mais les chiens aboient.

Ainsi, l’affaire Bodein alimente les discours sécuritaires et xénophobes. On reparle de la peine de mort, des conditions d’incarcération trop souple, de la justice qui ne fait pas son travail, des « gitans »4 voleurs de poules et d’enfants et par extension assassin puisque Pierrot le fou, etc. Les extrêmes droites trouvent, dans l’actualité la plus sordide le moyen de faire fructifier l’ignorance, la bêtise mais aussi la rage et la douleur. Ce n’est pas bien glorieux de la part des militants identitaires, défendeurs autoproclamés de « notre » culture et de « nos » valeurs. D’ailleurs, si c’est ça notre culture et nos valeurs, je retourne dès ce soir bouffer du niglo avec les non sédentaires. H

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1. Au courant du mois de juin, Pierre Bodein à enlevé puis assassiné deux jeunes adolescentes alsaciennes, Julie et Jeanne-marie. Spieler, Bourhis et Chaton, le dernier élu AdA, étaient présents lors de la manifestation.

2. Né en 1950 Wallerand de Saint-Just est secrétaire départemental du FN dans l’Aine. Ancien gudard à Assas, vice-président de Chrétien-Solidarité, il a été défenseur de Saint-Nicolas du Chardonnet (église occupée par les catholiques intégristes de Paris), de Samir Geagea (chef des milices chrétiennes libanaises) et de l AGRIF. Il sera également le défenseur de Patrick Binder, accusé de « provocation à la discrimination et diffamation raciale ».

3. Libération du 30/07/04

4. Gitans, yenishes, tziganes, roms, manouches

H Candidature de JMLP en 2007 : Jean-Marie Le Pen a annoncé le 24 septembre dernier son intention d’être candidat aux élections présidentielles. gé de 76 ans, il a justifié sa candidature par « l’allongement de la durée de la vie ». Au cas où il passerait l’arme à gauche (un comble pour un leader d’extrême droite !), il a désigné Bruno Gollnisch, n2 du FN, comme son successeur à la tête du FN. Quant à sa fille, s’il la juge apte à être un « leader politique », il a déclaré : « A-t-elle les qualités d’un chef de parti ? Je n’en sais rien. »

H Sarkozy à la bonne chez les sympathisants FN : un sondage Ifop, réalisé entre 1999 et 2004 dans le cadre d’une étude des « profils et positionnement des sympathisants FN », place le futur président de l’UMP en deuxième position des personnalités les plus appréciées des sympathisants frontistes, juste derrière Jean-Marie Le Pen (77%) et devant Marine Le Pen (68%).

H En déclarant, le 11 octobre dernier, à propos des chambres à gaz des camps d’extermination nazis, « qu’il faut laisser les historiens en discuter », Bruno Gollnisch, le n2 du FN, montre à quel point il est dépourvu d’imagination, car il ne fait que reprendre un leitmotiv frontiste depuis le fameux « détail » de Le Pen. Sûr de son petit effet, il s’essaye ainsi à la victimisation : une enquête préliminaire a été ouverte à la demande de Perben lui-même, et le président de l’université Lyon-III où exerce Gollnisch a demandé sa suspension. Chacun y est bien entendu allé de sa condamnation, et les organisations antiracistes préparent déjà son procès. Plus intéressantes sont les réactions au sein du FN. Marine Le Pen s’est clairement désolidarisée : un de ses proches a même déclaré à Libération que « pour son prochain meeting, il n’a qu’à mettre la tenue du Ku Klux Klan et ce sera complet ». Carl Lang ne veut rien savoir de cette affaire, tout comme Bompard, qui déclare s’intéresser davantage aux problèmes politiques d’aujourd’hui qu’à ceux d’hier. Seule Marie-France Stirbois a soutenu le probable futur président du FN, et le clin d’il réviso de Gollnisch a sûremnt été droit au cur des plus radicaux : en tout cas, cette affaire nous donne un avant-goût de la foire d’empoigne à laquelle donnera lieu l’inéluctable succession de Jean-Marie Le Pen

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