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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°34 - Novembre 2004 > Brève sur l’utopie

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Brève sur l’utopie



Sortir des sentiers battus est souvent associé à une utopie au sens péjoratif du terme. Dans le langage courant actuel, le terme « utopie » désigne toute idée, tout projet considéré comme irréalisable, chimérique. Du grec « ou » = non et « topos » = lieu, l’utopie signifie étymologiquement un lieu inexistant. Imaginaire ou fictif ne veut pas dire impossible. L’utopie a pour vocation de projeter un idéal social. En 1516, Thomas More invente le genre littéraire avec son « court traité sur la meilleure forme de gouvernement » situé sur l’île d’Utopie. Au 18ème siècle, le mot devient nom commun ; il désigne alors le plan d’un gouvernement imaginaire à l’image de la république de Platon. Au 19ème siècle le sens courant actuel s’impose. Le sociologue Jean Servier1 établit un parallèle entre les sociétés traditionnelles et celles auxquelles aspire l’imagination utopique. Malgré la répétition des rites, la société traditionnelle tend à s’altérer et cherche à se rapprocher de la perfection des origines. Deux voies s’offrent aux aspirations utopiques : soit l’engagement politique, soit l’expérience communautaire. L’utopie en acte peut contribuer au changement social. Ce dernier peut se définir par une transformation sociale, repérable dans le temps, concernant l’ensemble du système social et aux conséquences durables. Plus qu’un changement dans la société, c’est un changement de société. Après le milieu du 19ème siècle, la vision de l’histoire est dominée par les rapports de classe. Les marxistes proposent l’avènement du communisme par la conquête du pouvoir d’Etat, au
besoin par la violence. Les anarchistes anti-autoritaires, de Proudhon à Bakounine, imaginent des collectifs d’individus librement associés. « Il apparaît finalement que la rêverie alternative procède d’un travail de réintégration de la représentation proudhonienne de la vie sociale. »2 La valeur fondamentale est celle de l’existence d’individus libres et autonomes, ce qui apparaît d’autant plus important que l’accomplissement utopique contient une face radieuse : ciment de la volonté collective et une face sombre : un modèle de rêve totalitaire. Le souci de tout contrôler peut aboutir à la tragédie. Le mouvement alternatif peut apparaître minoritaire : les communautés, les habitats groupés et les collectifs autogérés sont peu nombreux mais les effets diffusés par les expériences sont d’une importance majeure dans le changement social et culturel. Dans la société, les murs peuvent être considérées comme des normes. On distingue « ce qui se fait » de « ce qui ne se fait pas ». Rester dans les limites de la morale reviendrait à rester en conformité avec les murs. Quand la tradition et la religion perdent leur caractère autoritaire, les Hommes se réfèrent à la loi. Mais il existe une différence entre ce qui est légal et moral. L’exemple des « grands hommes » fournit des modèles de rectitude du comportement à l’égard de ce qui est bien ou mal. Non-conformiste, Louis Lecoin a obtenu après 22 jours de jeûne l’adoption du texte concernant l’objection de conscience. Le message et l’action de Gandhi ont laissé une trace profonde. L’utopie peut contredire son étymologie et naître quelque part.

Elise Delaunay

1 SERVIER Jean, L’utopie, PUF, Que Sais-je, 1993.
2 PESSIN Alain, L’imaginaire utopique aujourd’hui, PUF, p.204.


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