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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°7 - Mars 2002 > "La République nous appelle..."

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"La République nous appelle..."


Chacun en convient, le débat droite/gauche au sein de cette campagne électorale a autant d’intérêt que celui entretenu entre les démocrates et les républicains aux Etats-Unis. Des deux côtés de l’Atlantique, le consensus est fort entre les deux courants politiques appelés à gouverner. Pour ce qui concerne la France, la question est de savoir qui, de Chirac ou Jospin, poursuivra la politique xénophobe menée à l’encontre des immigrés, la poursuite des privatisation (en particulier celle de France Télécom), réduira à la portion congrue les retraites, continuera à précariser les conditions de travail, renforcera la globalisation, la construction de l’Europe forteresse, etc.


La fracture gauche/droite a fait long feu, tant le consensus entre les organisations politiques gouvernementales est grand. Cette fracture s’est déplacée. Elle se situe entre d’un côté les “modernistes”, favorables à la globalisation, l’Europe des profits, la réduction de l’action de l’Etat à son rôle régalien ; de l’autre, les fervents défenseurs de la République. Ils nous promettent le retour d’un Etat fort, répressif à l’égard des "sauvageons", d’une République militant pour l’égalité de tous les citoyens, etc. C’est un peu vite oublier l’histoire : a-t-on connu une société égalitaire dans le cadre républicain ? L’exploitation, la domination, les inégalités n’ont jamais disparu.

Comme tout pouvoir politique institué, l’Etat-nation n’a cédé des droits qu’en fonction du rapport de forces instauré par les mobilisations populaires et du danger que peut représenter, pour la continuité du capitalisme, ces mêmes mobilisations, en proposant des alternatives sociales. Il n’y a donc pas grand chose à attendre de ce côté là non plus. Ce courant peut être qualifié de réactionnaire, au sens étymologique du terme : retour vers le passé. On y retrouve plusieurs ténors, venant d’horizons différents : Pasqua et surtout Chevènement.

En fait, la constitution de ce courant politique repose sur une analyse assez simple. La globalisation laisse beaucoup de gens sur le carreau. Ces laissés-pour-compte représentent un potentiel électoral non négligeable. Déjà en 1992, lors du vote du traité de Maastricht, une forte minorité – composée essentiellement des victimes de la construction européenne – s’était manifestée risquant de peu de faire capoter la signature du-dit traité par le gouvernement de l’époque. De même, lors des élections européennes de 1999, le RPF de Pasqua et De Villiers a fait une entrée fracassante sur la scène électorale. Il arriva en deuxième position, derrière le PS, mais devant le RPR et l’UDF. En fait l’éclatement du FN généra un vide, que certains s’employèrent à combler.

image 286 x 254Pour renforcer son organisation et s’appuyant sur l’idée qu’il faut le retour d’un Etat souverain, Chevènement, Ministre de l’intérieur démissionna du gouvernement Jospin à propos de la Corse. Jospin, en négociant les accords Matignon, cherchait à rétablir “la sérénité” sur l’île ; mais surtout, il tentait de redéfinir de nouveaux champs de compétences pour les régions, la Corse devenant une sorte de laboratoire. En effet, la construction européenne se fonde sur les régions, à l’image des landers allemands. Pour notre cher souverainiste, cela en était trop. Il se présenta comme le chevalier blanc, défenseur de l’intégrité du territoire et garant de l’Etat-nation et des valeurs qui le sous-tend.

Le mouvement antimondialisation renforce ce processus, en particulier à travers ATTAC. Cette association se propose de taxer les transactions boursières (à hauteur de 0,1%) afin de redistribuer aux plus pauvres les miettes du capitalisme. Si l’on taxe les flux de capitaux on légitime ainsi ces mêmes flux, donc la spéculation et par voie de conséquence la globalisation. En effet, le débat ne portera plus sur les conséquences humaines, sociales, écologiques… engendrées par le capitalisme, mais seulement sur le montant de la taxe. Ainsi, les spéculateurs pourront se payer une “bonne conscience” à bas prix : 0,01% de leurs exactions !

Cette association, en fait, ne se situe qu’en réaction contre la mondialisation. Devant le manque d’alternatives que connaît le mouvement révolutionnaire, elle met en avant des propositions qui se veulent crédibles. Elle milite pour que soient appliquées les résolutions pour limiter la pollution, interdire le travail des enfants… . Elle fait campagne pour que ces résolutions soient prises concrètement en compte par des organismes internationaux comme l’ONU. L’on reconnaît donc que l’internationalisme ne fonctionne plus et qu’on en a abandonné la perspective ; il serait intéressant que les militants de cette association demandent aux Irakiens et aux Timorais ce qu’ils pensent de l’ONU !

Tout ceci montre qu’ATTAC ne situe pas radicalement en rupture avec le capitalisme ; elle propose seulement de l’humaniser, en militant seulement contre la prépondérance financière au sein du capitalisme, sans remettre en cause fondamentalement ce dernier. C’est pourquoi sa perspective politique n’est autre qu’une république sociale (c’est sans doute pourquoi on retrouve côte à côte des chevènementistes – qui expulsent à tours de bras des sans papiers – et des militants prônant l’ouverture des frontières, sans que cela ne choque personne !) ; “perspective” réactionnaire s’il en est !

La République, une impasse ?

Peut-on envisager sérieusement que les Etats puissent de nouveaux retrouver suffisamment de force afin qu’ils puissent infléchir sur l’évolution de la globalisation ? Autrement dit, est-ce que les Etats peuvent être en capacité de remettre en cause la globalisation ?

C’est faire fi de la réalité. Les marchés et les multinationales acquièrent de plus en plus de puissance, limitant à la portion congrue la réalité du pouvoir que détiennent les Etats ; ces derniers ne peuvent plus déterminer ni contrôler les politiques monétaires (la preuve est dans votre poche : l’Euro !), industrielles, sociales… Par exemple, le pacte de stabilité, établi entre les pays de zone euro, impose des déficits publics inférieur à 3%. Ainsi toute politique de relance de l’emploi, sociale se voit contrainte par la limitation des dits déficits. Ce processus est renforcé par la concurrence fiscale s’exerçant entre les pays. Si un gouvernement décide de taxer plus sévèrement les profits, les investissements se feront dans d’autres contrées. Les entreprises multinationales se caractérisent, entre autres, par des capacités énormes d’investissements à l’étranger, se concrétisant par des vastes réseaux de filiales et de sous-traitants sur tous les points du globe ; elles peuvent délocaliser des unités de production dans le monde entier, en particulier là où les contraintes sociales, fiscales, sont les moins fortes.

En clair les marchés imposent de plus en plus leur diktat ; ce sont eux qui déterminent les choix politiques en fonction des finalités qu’ils se sont fixées. Ils détiennent le pouvoir sur lequel aucun contrôle ne peut être exercé tant leur autonomie est grande. Une certaine politique sociale ne leur plaît pas, alors la bourse s’effondre ; une grande politique de restructuration avec des milliers de perte d’emploi leur plaît, alors la bourse monte en flèche. Les crises qu’ont connu, le Mexique (1994), le Japon et le Sud-Est asiatique (1998) et maintenant l’Argentine, en sont les démonstrations, dont sont victimes les populations.

"Ce qu’il y a de nouveau dans la globalisation, c’est que les firmes transnationales veulent sortir l’Etat complètement de la sphère économique et, autant que possible, des sphères sociales et culturelles, pour ne lui laisser que le rôle de protecteur de la propriété privée, gardien de l’ordre social et maître d’œuvre de certaines infrastructures. C’est une vision managériale de la gouverne du monde, appelé à fonctionner comme une entreprise privée, libre de toute entrave politique et sociale."

Le courant souvérainiste/républicain n’est donc qu’une impasse, car on ne voit pas comment les Etats pourraient renverser le rapport de force en leur faveur face au marché, multinationales et autres spéculateurs. Ils le pourront d’autant moins que ce sont eux qui ont mis en place les organismes internationaux favorisant la globalisation, comme l’OMC. De même, le FMI et la Banque Mondiale ont des objectifs similaires, dont les premières victimes sont les populations du Tiers Monde.

Comme tous les autres candidats, Chevènement ne pourra réellement proposer que des politiques sécuritaires, xénophobes, dans le but de favoriser l’exploitation de la force de travail et de réprimer les opposants à cette évolution du capitalisme. Ainsi, notre cher souverainiste et républicain n’a trouvé rien à redire contre la loi sécurité quotidienne, dont un des buts principaux est de réprimer les militants luttant contre… la globalisation.

JC


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