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Le blues militant
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était une fois, des militants qui militaient. Il
militaient, ils militaient et ils militaient aussi
souvent qu’ils le pouvaient. Ils participaient
à des réunions, ils
réfléchissaient, analysaient des
situations et produisaient des idées
qu’ils avaient envie de partager. Alors, ils
militaient. Ils écrivaient des articles, des
tracts qu’ils distribuaient ensuite, ils
imaginaient des affiches qu’ils collaient sur les
murs de leur ville, ils organisaient des rencontres,
des débats, des discussions pour partager leurs
idées et s’enrichir de celles des autres.
Ce n’était pas
facile tous les jours, car ils n’étaient
pas nombreux. Beaucoup de gens leur disaient
c’est bien ce que vous faites, mais
préféraient signer des pétitions
que de manifester avec eux dans les rues ou même
que de les aider à militer.
En plus, tout cela coûtait
de l’argent. Et comme ils refusaient que les
institutions contre lesquelles ils luttaient leur en
donne (et de toute façon, elles n’auraient
pas lâché un sou pour leurs ennemis), ils
devaient trouver des solutions tous seuls. Alors, ils
organisaient des journées qu’ils
appelaient de soutien pour
réfléchir avec d’autres et qui se
terminaient par des
fêtes, parce qu’ils
étaient quant même des êtres humains
qui aimaient aussi boire des coups avec les copains,
rire, danser et chanter. Ils voyaient dans ces
fêtes l’occasion de rentrer un peu
d’argent, pour pouvoir ensuite militer. Ils se
disaient aussi qu’ils toucheraient d’autres
gens, ceux qui ne lisent pas les tracts et les
affiches. Parmi ces personnes, il y en avait une sorte
qui s’appelait les jeunes. Bien
sûr, ils étaient conscients que cette
sorte de gens se divisait en différentes
sous-catégories. Ils se disaient qu’il
était important de rencontrer ces
jeunes, parce qu’ils étaient
l’avenir du monde et aussi parce que
eux-mêmes avaient commencé à
militer quand ils étaient jeunes. Ca
voulait peut-être dire que quand on était
jeune, on est plus ouvert et davantage
capable d’écouter d’autres
idées. Et puis, on a du temps quand on est
jeune, on peut aller à des
réunions le soir par exemple, on n’a pas
de famille à charge, ni de travail lessivant.
Alors, les militants allaient dans des fêtes, des
concerts pour vendre des livres, discuter avec les
gens, donner des informations qu’on ne voyait pas
à la télévision. Ça leur
prenait beaucoup de temps et d’énergie,
mais ils le faisant de bon cur, parce
qu’ils trouvaient que leurs idées
étaient si belles, qu’ils
avaient envie d’en parler
à tout le monde.
Et puis, un jour, ils durent bien
se poser des questions. Pourquoi si peu de
jeunes s’arrêtaient à
leur table pour discuter, ou même pour regarder
des livres ? Non, les jeunes passaient, jetaient
à peine un coup d’il,
n’étaient même pas curieux de les
voir là. Ils ne faisaient que passer. Ah, si,
certains venaient leur demander où
étaient les toilettes ou bien si ils pouvaient
garder leurs sacs ou leurs pulls pendant la fête.
Peut-être que s’ils avaient été
à des fêtes pour vieux, ces
derniers leur auraient-ils confié leur dentier,
pour pouvoir faire des bisous à leur amoureux.
Ça, ils ne le savaient pas, car ils
n’allaient jamais à des fêtes de
vieux. D’ailleurs, ils ne savaient
même pas si il y avait des fêtes de
vieux.
Et non seulement les
jeunes ne faisaient que passer, mais en
plus parmi les rares qui s’arrêtaient,
certains essayaient-ils de voler des livres ou des
autocollants. Alors, les militants devaient surveiller
leurs livres ! C’était incroyable pour eux
qui savaient le temps, l’argent et
l’énergie nécessaires à la
parution d’un livre ! Et puis, ils
n’avaient pas envie de devenir des policiers
alors qu’ils passaient leur
temps à lutter contre eux
! En plus, si quelqu’un était
intéressé par un livre mais n’avait
pas d’argent, ils le lui auraient donné,
parce que le plus important, c’est que les
idées soient diffusées. Mais là,
il ne s’agissait pas de ça. Non, les
jeunes qui essayaient de voler (aussi
discrètement qu’un éléphant
dans un supermarché) étaient vêtus
d’habits très chers : des pulls avec des
marques écrites dessus, des chaussures à
100 euros fabriquées par des enfants du bout du
monde... Décidément, quelque chose
n’allait pas. Ils ne comprenaient pas.
Finalement, est-ce que Monsieur
Capitalisme aurait-il déjà gagné,
puisque ceux qui étaient l’avenir du monde
ne comprenaient même pas ce que signifiait une
fête de soutien ? Est-ce qu’il
fallait chercher d’autres catégories de
jeunes ? Mais ça ils l’avaient
déjà fait, les jeunes de la
catégorie à crête ne
discutaient pas beaucoup plus, et la catégories
de jeunes à casquette, non plus,
mais au moins avaient-ils déjà plusieurs
idées communes, même si
c’était pas les même suivant les
catégories. Ils auraient bien aimé leur
demander aux jeunes pourquoi ils se
comportaient comme ça, mais ils ne voulaient pas
discuter ! Déjà qu’ils allaient
à leur fête, ils n’allaient quand
même pas s’inviter chez eux ?!
Sans avoir trouvé de
réponse, ils décidèrent en
désespoir de cause, de demander à
d’autres militants si ils avaient constaté
la même chose et quelles solutions ils avaient.
Ils se donnaient cette dernière chance, parce
qu’ils étaient à deux doigts, mais
alors vraiment à deux tout petits doigts de
laisser tomber une bonne fois pour toutes ceux
qu’on appelle les jeunes.
Sadia
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