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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°35 - Décembre 2004 > A propos de Leer un video - Communiqués zapatistes du 15 au 27 août 2004

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A propos de Leer un video - Communiqués zapatistes du 15 au 27 août 2004



Ce texte diffusé en plusieurs étapes un prélude, sept parties diffusées sur sept jours consécutifs, puis un final provisoire fait un clin d’il à la création du monde ; c’est un texte anniversaire  : vingt ans après la création de l’EZLN, dix ans après l’insurrection armée au Chiapas (20 y 10), Marcos dresse une sorte d’état des lieux du fonctionnement des nouveaux gouvernements zapatistes inaugurés en août 2003 avec la création des Caracoles et des Conseils de Bon Gouvernement (CBG). Les Caracoles ont succédé aux Aguascalientes ; ils abritent maintenant les Conseils de Bon Gouvernement, assemblées décisionnelles dont les membres sont élus par les MAREZ (communes autonomes rebelles zapatistes). [Résumé]
chiapas
Première partie : un îlot
Où Marcos joue avec les symboles : d’après la légende, la ville de Mexico a été fondée au milieu d’un lac ; aujourd’hui la nation mexicaine sombre dans la mer du néolibéralisme, mais quelques îlots de résistance subsistent, dont celui que constitue l’autonomie des communautés indigènes zapatistes D’autre part, il introduit les textes suivants qui constituent en quelque sorte un premier bilan de l’expérience de gouvernement autonome zapatiste. L’évocation de la crise actuelle de la classe politique mexicaine, secouée par un énorme scandale de corruption révélé par des vidéos, sert à tracer une ligne de démarcation entre l’exercice du pouvoir tel que le conçoivent les politiciens « classiques » et le concept zapatiste basé sur la gestion collective et le service à la communauté.

Deuxième partie : deux faiblesses
Autocritique de la première année d’activité des gouvernements autonomes : elle laisse apparaître deux points faibles qui sont en fait des problèmes récurrents ; l’un concerne la place des femmes, l’autre la relation avec la structure politico-militaire.
Dans les Caracoles, l’accueil des personnes extérieures est parfois encore difficile ; mais ce que certains peuvent percevoir comme un excès de bureaucratie de la part des CBG ou des autorités autonomes est plutôt à attribuer à une dynamique propre à des personnes qui subissent depuis toujours persécutions et harcèlements constants.
Une autre erreur pointée par certains représentants de la « société civile », n’en est en fait pas une : il s’agit de la rotation constante des responsables élus qui rend difficile l’établissement de relations durables et le suivi des projets en cours. Or, ce fonctionnement n’est pas le résultat de l’incapacité des autorités mais au contraire le produit d’une décision prise dans le but d’amener tout le monde à apprendre à gouverner. Cette rotation rend la corruption impossible (la corruption réclame aussi de la continuité). Si elle rend plus difficile la réalisation de projets en revanche, elle constitue une école de gouvernement qui avec le temps portera les fruits d’une nouvelle forme de faire de la politique.
Une autre critique qui, encore une fois, n’est pas une erreur concerne le fait que les CBG puissent refuser de se mobiliser au côté d’une organisation qui en ferait la demande ou de signer une pétition. Les CBG engagent tous les zapatistes, elles n’ont donc pas toujours le mandat pour répondre aux demandes. Et puis, bien souvent les demandes sont adressées à l’EZLN, or, les CBG et l’EZLN sont deux choses différentes.
Malgré leur rôle essentiel dans la résistance, les femmes ne sont quasiment pas prises en compte. Certes, elles ont réussi à créer de nouvelles coopératives et elles sont présentes dans les Comités Clandestins Révolutionnaires Indigènes (30 à 40% des
membres sont des femmes), mais elles restent pratiquement absentes des structures de gouvernement (dans les CBG, elles sont à peine 1%). Il n’y a pas d’interdiction explicite mais une femme qui sort de sa communauté pour assister à une réunion ou assumer certaines responsabilités continue d’être mal vue. Quant à la diminution de la violence conjugale, elle est plus à attribuer à la limitation stricte de la consommation d’alcool qu’à un réel changement des mentalités. Malgré leurs discours, les zapatistes n’ont pas de quoi être fiers en matière de respect de la femme et d’égalité des droits hommes/femmes et cela est honteux. Marcos estime qu’il faut au moins révolutionner cet aspect du monde. « Rien que pour ça, toute cette histoire en vaudrait la peine. »
Une autre critique est la structure hiérarchique. La structure pyramidale n’est pas propre aux communautés indigènes et peut être liée à l’influence de l’EZLN : le fait que l’EZLN soit une organisation politico-militaire et clandestine contamine encore les processus qui se doivent d’être démocratiques.

Troisième partie : trois épaules
Où Marcos évoque el Viejo Antonio, le vieil Indien, pour imaginer une nouvelle légende fondatrice du zapatisme : ceux qui habitent sur ces terres ont à présent trois épaules. Les anciens guérilleros et les communautés indigènes ont trouvé sur leur chemin un troisième dos pour porter leur charge. Il s’agit ici de remercier la « société civile » nationale et internationale, toutes celles et ceux qui apportent leur appui de l’extérieur.
Cette année, des milliers de personnes de 43 pays se sont déplacés jusque dans les Caracoles. Le Caracol d’Oventic a recensé 537 visiteurs du Mexique et 2921 d’autres pays.
Les comptes de la première année : pour les cinq CBG confondues, les gains s’élèvent à 12 millions et demi de pesos et les dépenses à 10 millions (solde : 2 million et demi). Les chiffres varient considérablement d’un lieu à un autre. Principalement pour trois raisons : la dimension territoriale, les relations avec les « sociétés civiles » (Oventic et La Realidad sont privilégiées) et l’intensité du développement organisationnel.
Les membres des CBG ne reçoivent aucun salaire. Leur frais de nourriture et de logement sont juste pris en charge par les communautés le temps de leur mandat dans les Caracoles.

Quatrième partie : quatre mensonges
Où il est répondu point par point aux principales accusations lancées par certains intellectuels de droite, juges, et législateurs, pour s’opposer aux accords de San Andrés*, à l’initiative de la loi Cocopa**, et à leur mise en application par les communautés indigènes zapatistes (avec la création des Caracoles et des Conseils de Bon Gouvernement). Ils ont crié à la désintégration de l’Etat mexicain, à la création d’un Etat à l’intérieur de l’Etat, à l’augmentation des conflits intercommunautaires et à la violation des droits humains individuels.
Si, en effet, l’Etat nation est en pleine désintégration, les CBG fondent leur travail sur le dialogue et le respect. Ils mettent en place des systèmes parallèles et complémentaires qui cohabitent dans certains domaines avec les structures officielles.
Les CBG sont intervenus face au gouvernement de l’Etat du Chiapas dans le cas des séquestrés par la CIOAC (organisation paysanne non zapatiste) à Las Margaritas, dans celui de l’indemnisation des victimes de Zinacantán et de celle des paysans affectés par la construction d’une route dans la zone de la Selva tzeltal, dans le problème des « bicitaxis » de la côte Chiapas, entre autres.
Jusque-là, la justice institutionnelle a brillé par sa lenteur et son inefficacité. Dans le cas de Zinacantán ou le délit commis par les autorités a été flagrant et amplement documenté, le gouvernement se limite à soutenir le principe des indemnisations aux victimes sans chercher à identifier les responsables alors qu’il y a eu des blessés par balles.
Cependant, il faut bien dire qu’au cours de cette année, ce n’est pas avec l’armée ou la police que les problèmes les plus graves ont eu lieu mais paradoxalement avec les organisations et les gouvernements liés au PRD (parti qu’on peut situer au centre gauche). Certains disent que c’est le prix à payer par les zapatistes pour ne pas avoir appuyé le PRD aux élections régionales.

Cinquième partie : cinq décisions de bon gouvernement
Les CBG ont formalisé certains accords internes et ont concrétisé de nouvelles décisions. Cinq exemples :
Sur la loi de préservation des forêts, préservation de la nature : « les arbres sont coupés pour les besoins domestiques et non pour la vente » ; c’est une obligation de veiller sur les forêts et de les conserver, et leur usage requiert un permis délivré par les autorités autonomes ; pour chaque arbre
coupé, deux autres doivent être semés ; chaque territoire autonome sanctionne selon son règlement ; qui abat un arbre sans autorisation sera condamné à en semer 20 autres ; tous les permis se feront en accord avec la commission « terre et territoire ».
Sur le trafic de drogue : bien que la loi soit antérieure au commencement de la guerre, les CBG ont formalisé son interdiction : il est interdit de cultiver, de consommer et de participer au trafic : ceux qui sèment seront chassés de l’organisation. Les frais de destruction des plants sont à la charge du contrevenant. Le consommateur est condamné à 10 jours de travail d’intérêt communautaire et exclu de l’organisation pour 6 mois.
Sur la circulation des véhicules : les CBG enregistrent les véhicules qui transitent dans la zone de manière à éviter le trafic de drogue, de personnes, d’armes et de bois, les conflits entre les différentes organisations de transports mais aussi pour assurer un service de transport régulier. Dans le cas où le véhicule servirait à des actions illicites et que les personnes impliquées soient zapatistes, elles seront jugées selon les lois zapatistes, sinon elles seront remises aux autorités officielles.
Sur le trafic des migrants clandestins : dernièrement, les « passeurs » ont fait passer sur les territoires zapatistes vers les Etats-Unis de plus en plus de migrants clandestins, et ce, avec l’accord des autorités fédérales, complices et parties prenantes de ce marché. C’est pourquoi, il a été décidé de veiller à ce qu’aucun zapatiste ne participe à ce grave délit, qui est un crime contre l’humanité, et à ce qu’aucun trafiquant de migrants ne pénètre impunément dans la zone zapatiste. Tout passeur arrêté sur les territoires zapatistes recevra un avertissement mais s’il récidive, il
sera livré aux autorités compétentes pour être jugé selon les lois du Mexique. Il devra en outre restituer leur argent aux migrants, auxquels l’hospitalité (temporaire) et les soins (si nécessaires) seront offerts par la communauté à condition qu’ils respectent les règles des CBG.
A propos des élections locales chiapanèques du 3 octobre 2004 : L’Institut électoral de l’Etat du Chiapas s’est rendu dans toutes les CBG dans le but de faciliter son travail dans la zone zapatiste. Il lui a été répondu que les CBG ne pensent pas que les élections soient le véritable chemin pour défendre les intérêts du peuple, mais qu’elles respectent la volonté de ceux qui y croient. Donc, les CBG veilleront à ce qu’il n’y ait pas de problèmes et demanderont à ce que la volonté des communautés soit respectée.
Sixième partie : six progrès
En forme de bilan positif : le travail réalisé par les populations zapatistes a amélioré leurs conditions de vie, paradoxalement, malgré les difficultés liées à la mise en place de l’autonomie.
Santé, éducation : Malgré les difficultés, le service de médecine gratuite s’est maintenu toute l’année. Avec une attention particulière à la médecine préventive, des campagnes d’hygiène ont été menées dans les cinq CBG. D’autres campagnes (pas encore généralisées) ont lieu et visent à combattre les maladies chroniques et à détecter le cancer du sein. C’est possible grâce à l’aide de la « société civile ». En plus de l’appui économique, il y a l’aide solidaire de spécialistes médicaux qui viennent partager leurs savoirs. Un laboratoire de plantes médicinales est en train de s’équiper et des pharmacies dans toutes les zones sont approvisionnées
par l’argent des projets et les dons. Chaque municipalité cherche à avoir sa structure de santé communautaire.
Quant à l’éducation, cela va du bas vers le haut : des écoles sont construites dans toutes les communautés (50 cette année et 300 déjà existantes ont été équipées) Il y a des écoles secondaires et techniques et des promoteurs d’éducation sont en formation.
Alimentation, terre, habitat : Le principal problème, qui absorbe toute l’attention de la CBG d’Oventic, est celui des déplacés de Polhó (2,5 sur les 3 millions dépensés non seulement pour l’alimentation mais aussi pour la construction d’une boutique et la création d’une coopérative des femmes). La CBG avance aussi dans le projet de production de parpaings (ce qui évite des déplacements et des frais de transports), des ateliers de fabrication de chaussures, des projets d’élevage de cochons, de poules, de moutons, des plantations d’arbres fruitiers (pour améliorer l’alimentation), etc. Des projets de réseaux de distribution d’eau potable sont en cours. Des promoteurs d’agro-écologie ont été formé dans les communes pour qu’ils puissent préserver l’environnement, prendre soin du bétail et le vacciner, améliorer la production des terres reprises.
La terre, l’habitat et l’alimentation se sont améliorés et cela est lié au développement d’une commercialisation autonome.
Gouverner et se gouverner : Les zapatistes ont appris à résoudre des problèmes, à parvenir à des accords avec d’autres organisations et autorités et également avec leurs communautés. Ils ont pu constater qu’il n’était pas facile pour les gouvernants de les corrompre parce qu’ils ont appris à gouverner à tour de rôle, sans leader mais avec un gouvernement collectif. Maîtrisant plusieurs langues, ils n’ont pas besoin d’intermédiaires et peuvent comprendre tout le monde. De nombreuses organisations sont venues demander leur aide pour résoudre leurs propres problèmes.

Septième partie : sept jours en territoires zapatistes
Suit une chronique de journées aux Caracoles de Morelia, Roberto Barrios, La Garrucha, Oventic, La Realidad, dans une communauté zapatiste, et quelque part dans les montagnes du Sud-Est mexicain
L’intégralité des communiqués est disponible par envoi de mail à l’adresse : inter-amerimo@cnt-f.org
Cspcl septembre 2004

* accords sur les droits et cultures des peuples indiens signés en 1996 par l’EZLN et les représentants du gouvernement, qui n’a jamais voulu les reconnaître, encore moins créer les conditions législatives et juridiques pour qu’ils soient appliqués.
** projet de loi correspondant à ces accords établis par une commission parlementaire de concorde et de pacification.


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