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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°35 - Décembre 2004 > L’oppression patronale - et le renouveau syndical aux Etats-Unis

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L’oppression patronale - et le renouveau syndical aux Etats-Unis



Pourquoi s’intéresser au mouvement syndical aux Etats-Unis ? Pas seulement parce qu’il est méconnu, occulté, interdit de médiatisation, pas seulement parce que la réalité de l’exploitation et de la répression fait tomber le mythe d’un pays fondé sur la liberté, mais surtout, parce qu’il est peut-être porteur de pratiques, d’expériences, d’alliances nouvelles qui peuvent s’exporter sous une forme adaptée dans les pays européens. Tout comme les capitaux américains, les solidarités à l’oeuvre là-bas peuvent, ici, inspirer de puissante mouvements, réenchanter le monde social en étant capables d’atteindre un extraordinaire niveau de désintéressement et d’identification collectives.
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Mais, avant de rêver, ou d’entrer dans le vif du sujet, il convient, en introduction, de préciser les contours de l’environnement idéologique, profondément hostile, auquel est confronté, depuis les années Reagan, le mouvement social et syndical. Le mouvement syndical, malgré son renouveau, est dépendant de sa propre histoire, celle qui a abouti à annihiler la combativité ouvrière, pour lui substituer un syndicalisme gestionnaire, bureaucratique, voire maffieux. Qui plus est, le libéralisme triomphant a affaibli, dramatiquement, ce syndicalisme d’agent d’affaires syndicales. La survie d’un syndicalisme renouvelé est devenue une question centrale, pour le mouvement social qui se manifeste aux USA.
Mais, celui-ci est confronté au poids de l’idéologie dominante sur les consciences. Au pays de la liberté, les travailleurs, ça n’existe pas comme référent, n’existent que des clients, des consommateurs de produits. Cette croyance dans le libre marché, censé donner sa chance à tous, est très prégnante, elle a réussi à faire plus ou moins disparaître l’ouvrier de l’imaginaire social. Là-bas, seuls l’argent, la production sont créateurs de richesses. Les bas salaires sont encensés, comme la liberté industrielle de licencier, car ils permettraient de produire à bas pria des biens et des services pour tous. Le développement des droits des
consommateurs et leur juridicisation d’un côté, et de l’autre, la dissolution des droits des travailleurs, sont les deux faces d’un même système. D’un côté, la liberté formelle de choisir ses produits, d’acheter à toute heure du jour et de la nuit, y compris les dimanches, ou bien celle de vous faire livrer, chez vous, sans délai, ce que bon vous semble, ou encore la liberté d’obtenir un crédit même lorsque vous êtes déclaré en faillite. De l’autre, la baisse des salaires, la surcharge de travail, les heures supplémentaires obligatoires, l’obligation alimentaire de tenir deux, voire trois jobs pour vous en sortir, la surveillance au travail, les licenciements sans motifs avoués et sans indemnités, ainsi que l’érosion du droit de grève qui, paradoxalement, comme nous allons le voir, est devenu une arme patronale.
Ces contraintes sont la contrepartie d’une liberté frelatée, celle d’une société du risque maximum, du plongeon pour le plus grand nombre et du rebond, pour une minorité. Cette société de consommation effrénée, c’est celle où l’épargne des ménages est tombée à néant, où les faillites individuelles qui touchent surtout les classes moyennes, sont dramatiques. Depuis 1980, les faillites ont été multipliées par 7. On en recensait 200 000 en 1980, on en a dénombré 1,4 million en 1998. II n’empêche, les pressions pour acheter toujours plus, se sont encore accrues. Les fabricants de cartes de crédit dépensent 2,5 milliards $ par an pour déposer des prospectus dans les boîtes aux lettres. L’endettement moyen, uniquement par cartes de crédit par famille et par an, est de 7 000 $ (45000 F/an ou 3 750 F/mois).

I - La réalité de l’exploitation
capitaliste et du despotisme patronal

Le renforcement de l’exploitation des travailleurs s’est développé dans un contexte (1) qui le permettait : celui de l’abandon de toute référence au fordisme ou au keynésianisme, de la
domination idéologique du libéralisme économique et de ses aspects les plus néo-conservateurs. Pour la clarté de l’exposé, on distinguera ce qu’il en est, aujourd’hui, du salaire direct perçu par les ouvriers, employés, des maigres ressources du salaire indirect consenties, pour l’essentiel, aux salariés syndiqués.
La majorité des salariés est sous payée, même dans la Sillicon Valley. Pour prendre cet exemple et, mise à part l’extrême minorité de programmeurs et d’ingénieurs informaticiens qui disposent de stocks options et de millions de dollars, les assistants du service clientèle, ceux qui passent leurs journées dans des box minuscules et répondent à un rythme effréné aux clients solliciteurs, comme tous ceux qui emballent les livres, les colis, qui les postent, tous ceux-là, gagnent moins de 10 $ de l’heure. Quant aux personnels d’entretien des locaux ou de maintenance, il sont si mal payés par les sous-traitants qui les emploient, qu’ils possèdent à peine de quoi payer leurs loyers, que nombre de familles à trois, voire à quatre, se partagent la même habitation et sont obligées ide rechercher un deuxième, voire un troisième emploi.
Le pays du libéralisme triomphant, c’est bien sûr celui des inégalités sociales incommensurables (2) mais, c’est surtout et d’abord celui de la baisse du salaire direct pour le plus grand nombre et surtout et d’abord, pour les minorités ethniques de plus en plus nombreuses.
Entre 1976 et 1995, les salaires, hors inflation, ont connu une chute de 18 % pour 80 % d’Américains. La hausse de 7 % de 95 à 99 n’a pas restauré cette perte de revenus. Mais ces moyennes occultent d’autres réalités plus dramatiques, celles qui concernent la progression des franges de populations vivant en dessous du seuil de pauvreté (3). Les pourcentages sont éloquents.

Blancs Noirs Hispanique 1973 10, 7% 24, 8% 25,1 % 1999 16,1% 29,5% 40,3%
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Autres indices du taux d’exploitation, le nombre d’heures travaillées dans l’année et l’importance des heures « supplémentaires ». Depuis 20 ans, les Américains travaillent, en moyenne, 61 heures de plus dans l’année. Par comparaison, le nombre d’heures travaillées par an s’élève en Suède à 1 551 h, à 1 634 h en France et à 1 966 h aux USA, soit 332 h de plus qu’en France, soit environ 2 mois de plus (!). Quant aux heures « supplémentaires », elles ne connaissent pas de limite légale, elfes ne sont ni plafonnées (48 h en Europe) ni, pour la plupart, payées à un tarif plus élevé, â moins qu’un accord syndical ne le prévoit. II n’est pas rare, par conséquent, que des travailleurs atteignent le chiffre effarant de 70 h par semaine soit pour un, soit pour deux, soit pour trois employeurs. En effet, en 1999, 5,9 % de la main d’oeuvre soit 8 millions de salariés, travaillent à temps partiel et sont dans l’obligation de rechercher un deuxième, voire un troisième emploi.
Par ailleurs, les emplois considérés comme permanents sont, tout particulièrement dans la nouvelle économie, une espèce en voie de disparition. Du point de vue idéologique, le risque étant élevé au rang de vertu, la précarité est la règle : 1/3 de la main d’oeuvre soit 30 millions de salariés la connaissent sous différentes formes : les emplois temporaires, en leasing, en sous-traitance, à temps partiel et même à son propre compte pour une entreprise ou une autre. Le développement de l’intérim a explosé : en 1982, on dénombrait 400000 intérimaires, en 1990, 1,2 million, en 2000, 2,9 millions. Quant aux temps partiels, ils se sont d’autant plus généralisés qu’aucune législation ne définit le temps plein. Tout dépend de la définition qu’en donnent les entreprises. Pour Wal Mart [1ère chaîne de grande distribution ndc], par exemple, qui dispense des salaires très bas(4), 28 heures de travail par semaine, c’est un temps complet, ce qui permet à cette entreprise de comptabiliser 70 % de temps complet CQFD.
Le salaire indirect se définit, pour le moins, par 1a couverture des risques chômage, maladie et les congés payés. Qu’en est-il aux États-Unis  ?
Mais, d’abord, qu’en est-il du chômage ? II ne concernerait que 5,8 millions de travailleurs, soit un taux très faible, 4,2%. Mais ce chiffre est très contestable. D’une part, parce que dans cette société inégalitaire, de lutte de tous contre tous, la délinquance est importante : 2 millions de personnes sont incarcérées, les prisons sont surtout peuplées de pauvres, de jeunes appartenant aux minorités raciales qui souffrent le plus de la précarité et, qui plus est, parce que le
critère de la perte d’emploi dans un environnement précarisé et d’exclusion de toute couverture sociale, la survie pousse à la délinquance.
Si l’on comptait les personnes incarcérées, sans travail, l’on se retrouverait à 6,2 % de chômeurs. Mais la définition du chômage elle-même, reste à interroger : en effet, toute personne ayant travaillé, au moins une heure la semaine précédent son non-emploi est considérée comme une personne en activité. En outre, hormis les personnels syndiqués ou certaines catégories d’enseignants et de fonctionnaires titulaires (il en existe encore) et, mis à part les cadres dirigeants qui ont pu négocier des parachutes en or, le salarié dans l’entreprise peut être licencié, à tout moment, sans préavis et sans motif et sans indemnités de licenciement. Le droit d’embauche et de débauche est, sans conteste, une liberté souveraine de l’employeur ! Il existe, néanmoins, des indemnités de chômage versées par l’Etat fédéral. Elles sont égales à 50 % du traitement pendant 6 mois. Par comparaison, la moyenne européenne est égale à 47% mais pendant 16 mois (5).
Les Etats-Unis se caractérisent, en outre, par une absence de protection sociale universelle. Maladie, accidents du travail, retraites, pas de législation, tout dépend, soit de la liberté de l’individu de s’assurer auprès d’organismes privés, soit du bon vouloir de l’entreprise pour autant, évidemment, que la présence syndicale l’oblige. Or, pour la majorité des Américains, l’assurance médicale, fournie par  !’entreprise, est une nécessité vitale. Ces avantages se sont restreints dans la d e r n i è r e période. Tous secteurs confondus, il n’y a plus que 62 % des salariés disposant d’une assurance maladie ; ils étaient plus de 70 % en 1979. Quant au secteur privé, 49% des employés et des ouvriers en bénéficient. Par conséquent, 44 millions de travailleurs, au total, n’ont aucune assurance maladie.
Bien que les employeurs n’aient aucune obligation en la matière, les
Américains bénéficient en moyenne de 16 jours de congés annuels par an. Si la loi les contraint à accorder 13 semaines de congés pour maternité, c’est en fait un congé sans solde, non payé. De même, il n’existe pas d’allocations familiales. Quant aux crèches et autres gardes d’enfants, elles sont payantes, sans aides publiques et gérées par des organismes privés.

En fait, et c’est là une spécificité étasunienne, les avantages concédés aux salariés le sont au seul bénéfice des syndiqués. Seule la carte syndicale délivre un passeport de citoyenneté sociale. Mais, surtout, depuis les années 70, elle doit être constamment défendue.
Avant de décrire, de tracer les contours des spécificités syndicales, il reste à décrire la réalité du despotisme patronal car il possède la liberté de s’exercer presque sans entrave.
Les salariés, dans les entreprises, sont constamment surveillés. D’abord par un encadrement très important. En 1980, il y avait en moyenne un cadre ou contremaître pour 5,7 ouvriers. Par
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comparaison, le rapport est de 1 à 17,9 en France.
Le développement de l’informatique, de l’électronique a renforcé cette surveillance, les caméras sont partout, les courriers électroniques, les consultations par internet sont surveillés.
Plus généralement, règne, dans les entreprises, une ambiance de guerre psychologique, de stress, de peur, les salariés en concurrence sont dressés les uns contre les autres, y compris par des réunions d’endoctrinement contre les méfaits du syndicalisme et les bienfaits du libéralisme financier. La chasse aux fortes têtes est bien organisée, notamment, par le recours aux agences de détectives privés qui, « clandestins » dans l’entreprise, mouchardent, dénoncent, poussent les salariés repérés à la faute quand ils ne recourent pas à des expédients plus musclés. Quant aux cadres, ils sont enrôlés dans cette croisade. Ceux qui refuseraient d’y participer seraient, sans appel, licenciés pour insubordination.
Face à cette réalité contraire, ne serait-ce qu’aux droits civiques, les syndicats, même les plus combatifs, ne déposent plainte que dans 14 % des cas, et ce, pour au moins deux raisons principales : ils sont confrontés aux difficultés de rassembler des preuves toujours contestées par l’armada des consultants patronaux dont la mission est précisément de les contester. Et, quand bien même sur ce terrain, ils obtiendraient une victoire, elle serait bien dérisoire. Ce type d’infractions civiles ne tonnait pas de sanctions pénales. Si sanction il y a, elle se résume la plus souvent à l’obligation d’une promesse, affichée, de ne plus recommencer... Pour les patrons, il n’y a que des avantages à violer les faibles lois qui reconnaissent quelques droits aux travailleurs. C’est surtout lors de licenciements massifs, pendant les campagnes électorales reconduisant ou non l’existence du syndicat que le recours à la justice fait partie d’emblée de l’arsenal de la mobilisation. Ceci nous amène à décrire les particularités d’un syndicalisme américain, sans qu’il soit besoin d’évoquer certains traits maffieux ou réactionnaires.

II - Spécificités du syndicalisme
américain

Elles trouvent leur origine, leurs explications dans l’histoire du mouvement ouvrier américain. II a été, avant d’être écrasé, puis aseptisé, l’un des plus combatif du monde (6). Ce n’est pas le propos ici d’en retracer les épisodes. Qu’il suffise de dire qu’avec !a crise de 29/30, la 2 guerre mondiale, dans un environnement marqué par la guerre froide et l’anticommunisme, le syndicalisme s’est bureaucratisé jusqu’à la caricature, même si des points de résistance ont toujours survécu.
En fait, au sortir de la 2 guerre s’est imposé, pour plusieurs raisons, un syndicalisme corporatiste, docile, coupé de la
base. II concevait, pendant les 30 Glorieuses, sa fonction comme celle d’un prestataire de services, pour ses adhérents. II est par conséquent étranger à toutes formes de contestation sociale ; il décourage toutes formes de solidarité qui pourraient être interprétées comme une menace contre l’ordre public. Pendant la période du maccartisme, il a collaboré étroitement à la chasse aux communistes, trotskistes et autres radicaux. Convertie aux bienfaits du capitalisme, à la nécessité de profits financiers, la direction très réactionnaire qui s’est imposée à la tête de AFL-CIO jusqu’en 1995, a restreint le syndicalisme à une affaire concernant d’abord et surtout des spécialistes, des juristes, des économistes, des professionnels des procédures. Les travailleurs, écartés des négociations, devaient s’en remettre à ces spécialistes. Pour les dirigeants, le contact avec la base est le cadet de leurs soucis, d’autant que les cotisations des adhérents sont automatiquement prélevées sur le salaire, à charge pour l’employeur de les transmettre au siège du syndicat. II est caractéristique, à cet égard, que les permanents syndicaux se dénomment entre eux « Agents d’affaire », « Business Agents ». Ils connaissent leur business, le détail des qualifications et le langage mystérieux des contrats.
Les syndicats disposaient, disposent encore, d’énormes moyens financiers. Ce sont d’immenses organisations bureaucratiques à la hiérarchie stricte, rigide qui emploient plusieurs catégories de salariés et gèrent pour leur propre compte de multiples sociétés privées.
Jusqu’en 1995, du moins au sommet de AFL-CIO, et de la plupart des syndicats, le profil des dirigeants est celui d’un professionnel, la copie conforme ou l’image de ceux avec lesquels ils négocient, à savoir, les dirigeants d’entreprises. Qualifiés « d’hommes invisibles », très conformistes, inoffensifs et très prévisibles, ils ont adopté, pendant toute la période du fordisme, une politique des plus prudentes vis-à-vis des patrons. A l’encontre de leurs propres adhérents, ils n’ont pas adopté cette déférence car se furent, se sont encore de grands féodaux, entourés de fidèles serviteurs qui pratiquent des méthodes aristocratiques de direction et n’hésitent pas à
recourir à toutes les manoeuvres coercitives pour consolider ou conserver leurs pouvoirs. Ils disposent, à cet effet, de réseaux de communication très fermés qui leur sont exclusivement réservés. Ils ont longtemps adopté une idéologie de compétence proclamée, affirmant leur seule responsabilité qui ne saurait se partager avec les initiatives de la base et condamnant de manière agressive tout militantisme bénévole et radical.

Rien, là, de très nouveau par rapport à certains traits du syndicalisme européen, si ce n’est qu’ils sont poussés jusqu’à la caricature. La spécificité du syndicalisme nord-américain réside essentiellement dans le fait que sa compétence est limitée strictement à la défense de ses adhérents. Les syndicats ne possèdent pas de légitimité morale pour prétendre défendre tous les travailleurs. Ce modèle s’est imposé après guerre pour éloigner le militantisme des lieux de travail et pour conférer un statut de représentativité à la seule bureaucratie syndicale. Par conséquent, les avantages, la couverture sociale, la protection toute relative contre les licenciements abusifs, l’obtention de salaires plus élevés ne sont délivrés que sur la base, et uniquement sur la base, de l’appartenance syndicale. Elle confère un statut que l’on obtient et que l’on défend site par site, entreprise par entreprise. Le système de négociations collectives est totalement décentralisé et individualisé. Les représentants syndicaux, ces agents d’affaires, lorsque l’on fait appel à eux, négocient séparément des milliers de contrats dans des milliers d’entreprises. Il n’existe pas de conventions collectives fédérales, permettant d’étendre les avantages obtenus, ici et là, et la loi n’intervient pratiquement pas. II n y a pas de code du travail valable pour tous les salariés, qu’ils soient syndiqués ou non.

Pour mieux saisir cette spécificité étasunienne, la description du processus de création d’une
« section » syndicale dans une entreprise est révélatrice. Il faut d’abord que se manifeste la volonté d’un groupe d’ouvriers de base qui se mobilisent pour convaincre la majorité de leurs collègues d’adhérer, tous, et collectivement au syndicat. Ce n’est pas une mince affaire... Ce groupe doit s’affilier, faire appel, à l’une des 66 organisations syndicales, selon la corporation dont il dépend. Mais, il reste une étape décisive, les élections. II faut qu’il y ait une majorité qui vote pour adhérer collectivement au syndicat, sinon il ne peut exister. Qui plus est, selon les contrats conclus, cette élection est périodiquement remise en cause. Ces périodes de création ou de remise en cause sont pour !es militants syndicaux de base, celles de tous les dangers. Qui plus est, les élections ne sont pas contrôlées par les travailleurs mais par un organisme fédéral acquis aux bonnes grâces des milieux financiers et patronaux. Dès lors que le syndicat est créé, il n’est plus l’affaire des militants de base, mais celle des spécialistes qui débarquent pour négocier. Ce qui avait commencé par conséquent par une étincelle d’action collective dans les pires conditions est rapidement étouffé, par une longue procédure bureaucratique et de tergiversations économiques et juridiques, avant que le contrat soit conclu pour plusieurs années.

Ce type de syndicalisme a permis de laisser penser que la société américaine basée « démocratiquement » sur le contrat était une société sans classes, composée d’individus libres de contracter, ou non, avec les entrepreneurs, afin de bénéficier, ou non, d’avantages sociaux. Ce type de syndicalisme, admis pendant la période du fordisme n’est plus de mise. Avec !a guerre sociale que lui mène le libéralisme triomphant, la question de sa survie ou de son renouvellement est désormais posée avec acuité. En 1960, le taux de syndicalisation était de 50 %, en 1984 il tombe à 23,4 %, aujourd’hui il n’est plus que de 14 % en moyenne. Cette apparente désaffection renvoie à l’offensive anti-syndicale menée dès 1965, par les milieux d’affaires, le patronat puis par l’État fédéral lui-même.
Gérard Deneux

[Texte initialement paru dans à contre courant politique et syndical #157 août 2004]

L’essentiel des sources de cet article reprend les analyses contenues dans le livre « Des syndicats domestiqués. Répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis » de Kim Voss et Rick Fantasia Éditions Raisons d’agir ainsi que l’article de Rick Fantasia écrit dans la revue « Actes de !a recherche e » sciences sociales « n 138.

1) Lire à ce sujet « Le grand bond en arrière », Serge Halimi, Editions Fayard
2) 1 % d Américains les plus riches détiennent plus de 40 % de la richesse nationale - in « Le grand bond en arrière,
3) Aux USA, il correspond à un salaire horaire de 8 $ pour faire vivre une famille de 4 personnes.
4) Lire L’exception américaine » Actes de la Recherche en science sociales - n 138 et 139.
5) Avant l’entrée des nouveaux pays dans l’Union Européenne.
Lire à ce sujet « Des syndicats domestiqués. Répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis » Rick Fantasia et Kim Voss (p. 43 à 52 ) Ed. Raisons d’agir, ainsi que « Histoire populaire des États-Unis Howard Zinn Edition Agone.


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