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AccueilJournalNuméros parus en 2004N°35 - Décembre 2004 > Réveillez-vous et - regardez un peu ce qui se passe !

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Réveillez-vous et - regardez un peu ce qui se passe !



Les évangélistes blanc-he-s et les résultats des élections américaines Par Jonathan Mozzochi pour IREHR et antiFA-Net. Traduction par puck pour le réseau no pasaran
La parabole du emier degré.jpg
Le 2 novembre, Ralph Reed paraissait calme et confiant pendant son interview diffusée à la télé sur les ondes nationales. Les AmericainEs étaient appeléEs à voter ce jour là. Les premiers résultats arrivaient et le journaliste se crispait devant l’assurance affichée de Reed. De son côté le vétéran, opérateur de la machine républicaine ne se lassait pas de sourire. Reed déclare à ce moment, à l’annonce des sondages sortants, que ses électeur-rices étaient « sur-performantEs  » sur les lieux d’un véritable champs de bataille, la Floride. Le journaliste aurait du écouter plus attentivement. Ralph Reed était en train de lui dire que ses petit-es soldats Chrétien-nes aller livrer la Floride à George Bush. Ils/elles l’ ont fait. Et George W Bush est à nouveau dans la Maison Blanche pour les 4 prochaines années.
Reed a fait un long chemin depuis le début des années 1990 quand, à la tête de la Coalition Chrétienne, il conseille, dans l’ombre, des candidats dans leurs efforts discrets mais efficaces de s’emparer des conseils d’administration des lycées et collèges locaux. Il apporte un soutien logistique et financier à des initiatives de droites et dirige des commandos conservateurs à l’intérieur même du parti Républicain. Ces commandos ont clairement pour but d’isoler et de marginaliser les républicains socialement libéraux (pour l’égalité des droits civiques). Au début de cette bataille, le grand chapiteau du parti républicain s’est fendu sous le poids des tensions idéologiques. Mais en toute apparence, le chapiteau républicain s’en est remis, s’est redressé et même bien à droite. Alors que le conseiller de Bush père, Karl Rove, (le docteur folle-amour d’une autre ère) fait couler beaucoup d’encres pour avoir récupéré un nombre record de votes républicains, il faut savoir que sa capacité à obtenir ces résultats ne sont, en grosse partie, que le fruit d’une campagne acharnée menée depuis 20 ans par Ralph Reed pour la prise de pouvoir de ses soldats chrétienNEs du parti républicain. Au lieu de représenter un handicap lourd au parti républicain, les conservateur-rices chrétienNEs sont désormais largement reconnuEs comme étant l’atout majeur du ce même parti.
La victoire de George Bush contre le candidat du parti démocrate John Kerry de 51 % contre 48 % est en train d’être accréditée à la grosse mobilisation des « électeurs-rices des valeurs morales ». Ces évangélistes protestants blancs se démarquent par leur unicité idéologique sur des sujets comme l’avortement, les droits des gays et lesbiennes, la prière à l’école et la pornographie. Ils/elles assis
tent à des messes qui rassemblent 5 000 à 10 000 fidèles, écoutent à la radion Dr. James Dobson parler des « valeurs familliales », sont à « nouveau-néEs » avec le sang du Christ et vivent en énorme majorité dans des banlieues peuplées de blanc-he-s ou dans des petits villages. Ils/elles ne sont ni plus ni moins bêtes que l’AmericainE moyenNE. En moyenne, ils/elles gagnent environ la même chose et ont au moins autant de diplômes que les autres AméricainNEs. Mais ils/elles vont à l’église. Souvent d’ailleurs. Il faut dire que ce pôle d’éclecteurs/rices a été propulsé par une campagne électorale anti-gay dans 11 états interdisant le mariage entre quiconque d’autre qu’une femme et un homme. Ces initiatives à la « défense du mariage » sont passées avec une majorité écrasante : 86 % au Mississipi, 77 % en Georgie et 62 % en Ohio, un état «  indécis » crucial. On pourrait attribuer au poids écrasant des évangélistes blanc-he-s la marge de la victoire de George Bush. CertainEs chercheurs/euses iraient jusqu’ à dire que tout cela est un phénomène récent. Mais ils/elles ont torts. Ceci a été en cours depuis longtemps.
En 1988, 31 % des évangélistes blanc-he-s se considérent comme Démocrates alors que 34  % s’identifient comme étant RépublicainNEs. Aujourd’hui, quinze années plus tard, seules 22 % des blanc-he-s évangélistes se considèrent comme Démocrates alors que 43 % sont maintenant RépublicainNEs. En 1996, un sondage du Pew Center démontre que, « le conservatisme des évangéliques protestantEs blanc-he-s est clairement la force religieuse la plus puissante en politique aujourd’hui et l’effet global de l’influence du religieux sur la politique américaine se ressent surtout lorsqu’il s’agit de débatre sur les « races » . Ceci était en 1996, quand Bill Clinton a été élu président pour la deuxième fois. Les choses se sont remarquablement empirées depuis.
Pour plusieurs protestantEs évangélistes, cette élection représente un clash de plusieurs civilisations concurrentielles une guerre des cultures. Au moment où Enoch Powell nous livre son discours « Rivers of Blood » (Rivière de sang) en 1968 en faveur d’une Angleterre « plus blanche et plus claire », Pat Buchanan (candidat plus à droite que les républicains à plusieurs élections américaines) était en train de crier sur tous les toits sa propre version américaine en 1992. Le vrai champ de bataille se situe là où la religion et le racisme s’entrecroisent. Les personnes qui soutenaient Buchanan étaient alors, et toujours encore, identifiables idéologiquement. Appelez les des Middle American Radicals ou « MARS » (AméricainEs MoyenNEs Radicaux). Au cur de la réflexion des MARS se trouve la notion qu’à l’époque post-droits civiques américaine, les blanc-he-s sont devenuEs une majorité dépossédée, obligée de se disputer le pouvoir politique en tant que nouvelle minorité i.e. blanche, en compétition avec d’autres groupes ethniques ou religieux dans une panoplie balkanisée d’identités Américaines. ExploitéEs par le haut par les élites urbaines, déracinées et cosmopolites associées aux « Etat bleus  », ces Etats démocrates de la côte est et ouest et des politiciens comme John Kerry, ils/elles se considèrent eux/elles-mêmes comme étant écraséEs par le bas par les pauvres, les minorités et surtout les immigréEs de couleur. La mobilisation anti-immigration est maintenant leur préoccupation principale.

Cette année d’élection, les MARS se sont fait le plus remarquer dans une autre mouvement d’initiatives qui a eu le plus de succès au sud ouest, plus particulièrement dans l’Etat de l’Arizona. Le fer de lance de ce groupe s’appelle « Protégeons l’Arizona maintenant » ( reprise d’un fameux auto-collant :Prions Dieux Maintenant) et à l’origine de la Proposition 200 qui impose aux imigrEes sans papierEs de fournir des preuves de leur citoyenneté Américaine pour avoir des aides auprès des services sociaux. Si cette initiative survie aux obstacles légaux quant à sa constitutionnalité, elle forcera les services sociaux de l’Etat à dénoncer les immigréEs sans-papiEres aux autorités fédérales ou de faire de la prison. Cette initiative est passée avec 56 % des votes malgré une large, même si lente, opposition Démocrate et Républicaine. Le Centre pour une nouvelle Communauté basé à Chicago a minutieusement étudié et dénoncé le lien profond entretenu avec les suprémacistes blanc-he-s prépondérants dans les mécénats financiers et politiques de cette initiative. Le succès de Proposition 200 est en train d’être suivi de près par d’autres groupes anti-immigrations, présents sur le terrain d’Etats entiers, et qui se servent de cette bataille comme référence. Un militant anti-immigrations de Georgie a annoncé à la presse que « nous sommes en train de suivre l’Arizona de très près. C’est un des Etats avant-gardistes. »

Proche de la fameuse « California Proposition 187 » anti-immigration de 1994, Proposition 200 a ouvert des brèches dans le soit-disant grand chapiteau Républicain, mettant en opposition les militants MARS, parfois, ouvertement nationalistes blanc-he-s et les intérêts capitalistes Républicains dépendant des sans papièrEs Latino travailleur/euses migrantEs. Pensez à la tristesse que ressentiraient les business agro-alimentaires et Walmart sans leur force de travail précaire, politiquement faible et fortement mobile, si parfaite pour les profits capitalistes.
Les MARS ont quelques représentants au Congrès (organe du pouvoir législatif composé du Sénat et de la Chambre des représantants tous-tes élues au suffrage universel) mais ils ne sont pas encore en position de réduire significativement les 1 millions d’immigréEs et de sans-papiEres qui arrivent aux USA chaque année. Mais, ils ont réussi à rendre la vie de ces immigréEs encore plus misérable qu’elle ne l’était déjà. Dans le Congrès américain, le PAC (PoliticalActionComitteeouComitéd’ActionPolitique : onappelleainsilescomitéspolitiquesautrequelescomitésofficielsd’unpartioucandidat. Ilsapportentdesfondsauxcandidatsetontsouventpourobjectifdefairevoterdesprojetsdeloipar
ticuliers) anti-immigration de « Réforme de l’Immigration » pourrait compter 13 supporters depuis l’élection, dont un sénateur mais 7 soutiens en moins parmi les candidats qui le soutenaient. Parmi les 20 candidats considérés comme suffisamment anti-immigration par le PAC, 18 étaient républicains, 2 démocrates assurant un soutien au moins bi-partisan. Project USA, un autre PAC anti-immigration soutenaient 7 autres candidatEs à la chambre des represantantEs, perdant cinq et en gagnant deux. Par contre, certains des gagnantEs étaient particulièrement notoires pour partager la même ideolgie que les MARS. Tom Coburn, nouvellement élu comme Sénateur Républicain de l’Etat du sud ouest de l’Oklahoma a été largement cité déclarant que les hommes noirs avaient une « prédisposition génétique » à une espérance de vie plus faible. Il a obt tenu 53 % des votes.
Ironiquement, l’invasion de Bush et l’occupation de l’Irak menace de balkaniser la coalition conservatrice qui l’a amenée au pouvoir. Pour des militantEs conservateur/rices comme Pat Buchanan, un grand général décoré de l’armée des MARS, la faillite de Bush en Irak ne représente rien d’autre qu’une trahison au mouvement conservateur. La profondeur de la consternation des MARS envers les aventures à l’étranger de Bush s’est faite remarquée quand un certains nombres de convervateur/rices sont alléEs jusqu’à soutenir John Kerry pour président. Scott McConnell, directeur de publication du journal le « Conservateur Américain » expliquait : « Bush s’est conduit comme une caricature de ce qu’un président de droite est supposé être le lancement d’une invasion dans un pays qui ne représente pas de menaces aux Etats-Unis, la distribution des profits de la guerre et sans oublier sa proposition sur l’immigration qui ravage le pays vous avez un président qui combine l’impérialisme de droite et une politique d’ouverture des frontières de gauche dans un cocktail particulièrement nocif ».
Plus globalement, les Démocrates ont perdu les élections avant même qu’ils/elles soient entréEs dans la course en manquant d’aborder les mutations profondes qui s’opèrent chez l’électorat Américain concernant l’identité nationale et de sa relation avec la thématique des « races  », éthnicités et religions. Il reste à voir si Bush devra payer les pots cassés pour avoir amener Saddam Hussein et l’Iraq dans cette spirale infernale qu’est la guerre contre la terreur. Mais une chose reste certaine : il sera attendu de Bush qu’il se prononce sur des sujets proches et si chers aux gens qui l’ont élu : l’amendement constitutionnel fédéral qui limiterait le mariage à une union entre un homme et une femme, l’aggravation de l’érosion de la séparation entre l’Eglise et l’Etat et peut être même la révision de Roe V. Wade, la décision de la Cour Suprême Américaine de 1973 légalisant l’avortement. Les Démocrates devraient se réveiller !! Ils/elles sont devenuEs une minorité électorale dans un système qu’ils/elles même défendent où le gagnant remporte tout. Reed a su comprendre il y a déjà 20 ans que les sujets charnières sont porteurs ! Il est temps que les Démocrates le comprennent aussi.

Remerciements à Devin Burghart du Centre pour une nouvelle communauté pour son aide précieuse dans la recherche.


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