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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°36 - Janvier 2005 > Onze questions/réponses - Au sujet de la permanence des ressources

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Onze questions/réponses - Au sujet de la permanence des ressources



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La proposition d’une campagne sur la permanence des ressources a entraîné quelques interrogations. De quoi s’agit-il ? Est-ce pertinent ? Etc. Voilà donc quelques questions qui ressortent le plus souvent, non seulement chez les militant-e-s sociaux et libertaires mais aussi posée par la population en général, lors d’une table de presse par exemple (d’où le coté réac de certaines d’entre elles).
La permanence des ressources est en débat au sein du réseau No Pasaran, et de sa commission anticapitaliste. Et comme nous avons plusieurs patates chaudes actuellement, nous n’avons pas encore tout tranché. Ce texte n’engage donc que son rédacteur

J’ai tout à fait conscience que certains propos de ce texte peuvent paraître excessifs, peut-être que la situation l’exige ? La contrepartie, c’est que vous pouvez y répondre en envoyant un mail à npmensuel@yahoo.fr et que les réponses seront publiées.
1- La permanence des ressources, c’est quoi ? Un lifting du revenu garanti ?
Non.
Même si elle peut englober cette revendication.
La permanence des ressources, c’est la garantie, pour toutes et tous, d’avoir accès tout le long de sa vie au maximum vital : logement de qualité, transports, santé, éducation, nourriture. Avec ou sans emploi. Là où cela ressemble au revenu garanti, c’est bien dans cette idée de déconnexion avec le salariat. Celui-ci est plongé dans une crise volontaire par le capitalisme : flexibilisation, chômage. Malgré cela, ce même capitalisme produit de plus en plus de richesses (dont la croissance est un indicateur) pour de moins en moins de personnes.
Il faut donc se réapproprier ces richesses dont nous contribuons, directement ou non, à la production. Il s’agit en fait de partir, dans un premier temps, de ce qu’il se fait déjà comme initiatives, en se rencontrant, et en reflétant par la suite ce que font les uns et les autres dans ses propres ini
tiatives. C’est-à-dire quitter la posture du coup de main par ci par là, pour renforcer de réels échanges.
C’est-à-dire que, dans un collectif local donné, les personnes peuvent à la fois s’investir dans des jardins collectifs, défendrent leurs droits dans les administrations, participer à des manifestations politiques plus larges, faire du soutien international, développer leur propre média. Cela existe déjà mais à l’état embryonnaire. Pire : il n’y a pas que des liens ponctuels entre ces initiatives. Un exemple : il y a trois ans ou quatre ans, à Montpellier, un Carnaval des affamés a mobilisé des centaines de personnes dans la ville, autour d’un squat et d’une cuisine populaire. Qui a relayé l’info dans sa localité ? Quels médias alternatifs en ont parlé ? Qui s’est déplacé pour soutenir ? Qui entretient la mémoire ? Quelle analyse collective de ce mouvement, dans ses forces ou faiblesses. Quels enseignements ? Néant. Un des aspects de la campagne pourrait être l’information afin que l’on reflète et que l’on se reconnaisse.
Une campagne pour la permanence
des ressources pourraient consister à lier des initiatives de solidarités, telles que celles présentées dans les numéros 33 et 34 de No Pasaran (dossier Décroissance) et des pratiques de luttes sociales dans la rue, dans les administrations. C’est-à-dire, en clair, que l’on doit viser un objectif ambitieux : les personnes qui sont partie prenante de ces initiatives doivent avoir la permanence des ressources de fait, grâce à ces initiatives. En récupérant des aides sociales d’urgence, en ayant accès à des logements de qualité, en se nourrissant grâce à des initiatives solidaires et en socialisant une partie de nos ressources dans des caisses de solidarités ou des tontines !
Je pense que c’est un des moyens de poursuivre l’offensive sociale de manière énergique et déterminée : montrer que cela marche pour les personnes qui participent !

2 - C’est-à-dire que le fruit des initiatives autogérées doit aller avant tout à ses participants ? Est-ce très égalitaire ?
C’est le cas dans les SEL, dans certaines coopératives, qui ne bénéficient qu’aux personnes qui s’investissent. L’échange passerait après le don. Hors tout le monde, même si chacun-e n’en a pas toujours conscience, a quelque chose à échanger. Pour beaucoup de personnes, le temps coûte plus cher que l’argent. Donner, ce n’est pas participer, ce n’est en rien suffisant pour une émancipation collective, du moment qu’on n’y met pas de soi-même ! Dans beaucoup d’initiatives de solidarités, les personnes intéressées veulent savoir comment donner un coup de main, lorsqu’on
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explique qu’il s’agit de faire ensemble, des blocages s’instaurent car, de l’école à l’entreprise, ces rapports d’entraide et de participation collective sont très minorisés. Il y a un pli culturel qui consiste à croire que l’on apporte à la société qu’un apport via son travail salarié un employé de banque ou un éboueur accomplira sa tâche puis donne de l’argent pour le reste, ou une heure de coups de main par-ci par-là dans une association. Cette campagne pourrait aussi combattre cette réduction de nos vies.
Il s’agit aussi de refuser, clairement les rapports de charité, cette espèce de rédemption via une générosité gluante : nous ne voulons pas dépendre des autres, comme nous ne souhaitons pas que les autres dépendent de nous. Le choix serait d’agir ensemble pour en finir avec les rapports de soumission, de dépendance.

3- En clair, il s’agit de partager la misère, pas les richesses. Les moyens des militants ne sont pas suffisants ! Qui paye ?
Il ne s’agit pas de socialiser tous ces revenus, mais une partie. Mais ça existe déjà : le timbre syndical, ce n’est rien d’autre qu’une socialisation du revenu. Seulement ce revenu circule de manière diffuse et sert, hors syndicats révolutionnaires comme la CNT, à payer une lourde bureaucratie et non pas à soutenir les salariés lors d’une grève, comme cela se fait en Allemagne par exemple.
Pour le volet aide sociale d’urgence, il s’agit de mener des actions pour que les chômeurs et précaires touchent des fonds départementaux inusités. Ces actions menées par des composantes du mouvement social se sont souvent soldées par des succès ; le problème étant qu’elles restent confidentielles, qu’elles ne sont pas médiatisées d’aucune sorte, y compris par les organes militants. Les raisons, c’est que c’est réformiste etc. Mais arracher 300 euros, alors qu’on a rien, est une urgence sociale, en dehors de toute conception idéologico-glaciale. Ou, dans ce cas là, les anarchistes au chômage doivent être cohérents et refuser le RMI, l’ASS etc. Pauvre chômeur impur qui n’est pas dans la droite ligne d’une Anarchie censée abolir ces mêmes droites lignes... Ce qui est intéressant dans ces mouvements, c’est que la population s’organise et crée un rapport de force contre l’Etat. Si l’Etat cède, il est bien obligé de prendre l’argent là où il se trouve et ce sont bel et bien les revenus des capi
talistes qui sont dans le viseur, pas ceux du SMICard.

4- La garantie des ressources, ça ne veut pas dire demander à l’Etat de servir de garant ? Est-ce que ça n’accroît pas la dépendance des individus vis à vis de l’Etat, légitimant celui-ci alors que, en tant que libertaires, on devrait plutôt le combattre ? (Ou, si on limite la garantie des ressources à un principe fonctionnant uniquement dans le cadre alternatif, quelle portée, quel impact global de ces expériences ?)
En gros, la partie étatiste  : cette revendication est-elle compatible avec nos engagements libertaires, qui prônent le fédéralisme autogestionnaire ? Plusieurs choses :
la permanence des ressources n’est pas une fin en soi ; je la vois plutôt comme un élément moteur d’une transformation sociale plus profonde. Les moyens gagnés permettraient de récupérer du temps, d’être moins dépendant des formes de salariat notamment précaire.
Les droits gagnés vis-à-vis de l’Etat peuvent renforcer l’autonomie paradoxalement. Sans le RMI, il n’y aurait pas de militant-e-s chômeurs ou précaires qui, pour une majorité, se battent contre l’Etat et pour une autre organisation sociale !
En clair, ces revendications de permanence des ressources peuvent être pertinentes lorsqu’elles sont englobées dans des dynamiques politiques de transformation de la société, et non pas considérées comme une fin en-soi.
On ne peut pas poser la question de la permanence des ressources sans poser celle de l’organisation de la société dans son ensemble, car ce n’est pas, évidemment, les travailleurs
du Tiers monde qui bosseront pour des nababs, mais nous-mêmes qui détermineront ce qui est nécessaire de faire collectivement pour mieux vivre.
Cette question du fédéralisme, nous la posons directement dans nos réseaux militants. Des groupes de No Pasaran, par exemple, s’investissent dans des initiatives de lieux et cuisines autogérées, solidaires et ce sont aussi ces initiatives et leur portée qu’il faut analyser.

5- Comment définir le niveau de ressources garanties ? Avec le principe de gratuité c’est simple, on peut imaginer d’appliquer la logique du communisme libertaire (à chacun selon ses besoins), mais, dans le système actuel, qui dit ressources dit nécessairement, au moins partiellement, ressources financières : comment fixer le niveau de redistribution de façon telle que ce niveau ne retombe pas dans le cadre RMI ? (Sinon, autant défendre le RMI...)
La gratuité rentre tout à fait dans le cadre de la permanence des ressources. Si ce terme existe, ce n’est pas par amusement (loin de là), mais parce que les actions sont tellement éclatées, disparates qu’il me semble nécessaire de trouver un lien. Pour les ressources financières, on tombe dans le rapport de force contre les capitalistes : si l’Etat augmentait les minima sociaux, l’argent ne pourrait être prélevé que sur les plus values des capitalistes, il s’agit bien d’un mécanisme de répartition des richesses. Concernant le minimum vital, on peut considérer que le SMIC au moins est une bonne base.
Ne pas oublier que la gratuité, dans le cadre de cette société là, ce n’est que du revenu indirect, c’est-à-dire que
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cela n’abolit pas l’argent dans un premier temps, mais serait permise grâce à l’impôt. Après, en tant que militant libertaire, je préfère aussi cette revendication par rapport à celle du revenu garanti. Cette dernière serait plus un levier pour permettre aux gens de souffler, car la misère et l’urgence sociale existe, et elles sont difficilement conciliables avec les abstractions des théories anarchistes. Il est quand même difficile de rétorquer à quelqu’un dans la misère que non, il ne faut pas d’argent mais qu’un jour, peut-être, les Anarchistes etc. Pour moi, en dehors du collectif autour de la revue La question sociale, présent sur les luttes, les anarchistes n’ont pas de discours social opérant en France ; nous restons enfoncés dans un dogmatisme castrateur et inefficace sans tenir compte des dynamiques politiques qui naissent autour de la question du revenu, telles que la portent les intermittents ou autres précaires. Et nous perdons sur tous les tableaux, parce que l’on ira quand même (et c’est tant mieux) soutenir les mouvements sociaux, mais en refusant d’avoir un discours et des actions propres qui incluraient nos positions libertaires, anti-étatistes, fédéralistes.
Il y a quand même quelque chose qui cloche, et ce qui cloche encore plus c’est que tout le monde le sait, le dit, mais nous nous refusons à régler réellement le problème !

6- Les gens sont trop égoïstes, ça ne marchera jamais
Etrange remarque.
Il ne faut pas oublier quelque chose : les gens c’est nous aussi. Si j’ai un orteil en flamme, je ne pense plus aux
expulsions de sans-papiers, comme tout le monde, je suppose. Nous sommes tous égoïstes, à différents degrés, suivant nos périodes de vie. Mais, c’est justement parce que nous sommes égoïstes que nous avons intérêt à nous coordonner pour la permanence des ressources. Il faut se servir de cet égoïsme, le retourner, en passant du strict individualisme à un égoïsme collectif, comme dit un camarade de la mouvance chômeur.
La question de l’égoïsme reviendrait à dire que militer ou s’inscrire dans des initiatives collectives d’émancipation, c’est se priver de quelque chose. C’est aussi à nous de démontrer que nos engagements politiques sont ou peuvent être passionnants, notamment si nous lions des initiatives solidaires aux luttes sociales.
Lors de la manif du 4 décembre, un cortège attirait l’attention  : celui particulièrement fourni de l’APEIS, une association de chômeurs dont les fondateurs étaient proches du Parti communiste. Hors, qu’a fait l’APEIS ces dernières années, pour en arriver à ce résultat explicite : des repas solidaires, des permanences juridiques, des actions pour l’accès au logement, peut-être un peu plus de solidarités et de soutiens que dans d’autres associations du même type. En juin dernier, l’APEIS a également tenu à Paris des journées sur la décroissance (elle s’est déconnectée au fil du temps avec les positions du PCF). Résultat : un cortège combatif, avec des personnes de tout âge, et visiblement contentes d’être ensemble, que l’on a pu voir ce samedi-là.
Et ce sont les luttes et les initiatives solidaires qui changent les rapports
sociaux, rien d’autre. Il n’y a vraiment aucune fatalité : l’être humain est une personne en perpétuel devenir qui se révèle, à tout âge, et quel que soit son passé, via les réalités qu’il vit. Des initiatives comme le VAAAG, par exemple, seraient sans doute à renouveler pour montrer que l’on peut vivre et s’organiser autrement.

7- La machine, qui la fait tourner ? Qui va produire les richesses ?
Actuellement, le chantage à la délocalisation et aux licenciements permet de maintenir une pression sur les salariés. En Allemagne, par exemple, certaines entreprises reviennent aux 40 heures sans augmentation de salaires, sous prétexte de concurrence. En France, Boch fait travailler une 36ème gratuite. Le gouvernement proteste, mais lui aussi veut faire travailler un jour férié pour remplir les caisses. A côté de cela, les cadeaux fiscaux ne cessent de se multiplier : facilitation des successions, réforme envisagée de l’Impôt sur la Fortune.
Là où les libéraux ont raison, d’un point de vue d’une certaine rationalité économique, c’est qu’effectivement libérer du carcan du travail, baisser les charges etc. permet, dans un premier temps, l’enrichissement de ces mêmes entreprises et peut-être, dans certains secteurs, la création d’emploi. Si l’on supprimait le SMIC, tout le monde travaillerait, c’est une évidence aussi.
Mais reste un petit détail : on ne veut pas de ce système inégalitaire et pour pouvoir vivre autrement, il faut changer de fond en comble l’organisation de notre société. Le premier des leviers, ce sont les réseaux dans lesquels nous sommes investis et où nous expérimentons déjà.

8 - Oui, mais encore une fois vous êtes trop idéalistes, certains vont en profiter pour rien faire et d’autres travailleront pour eux
Peut-on rester sans rien faire ? Oui, mais pas toute sa vie ! Les projets libertaires, ou anarcho syndicalistes, ne rentrent pas du tout dans une optique de société d’assistance mais vise à l’égalité économique et sociale d’une part et, contrairement à certaines formes de société pseudo communistes, à l’égalité devant les droits politiques : liberté d’expression, de prises de décisions, liberté d’aller et venir, liberté d’entreprendre et de s’associer avec qui l’on souhaite, au sens
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premier du terme.
Le discours les feignants vont en profiter est une simple fabrique politico-médiatique, ce sont des images d’Epinal surannées qui présentent les chômeurs comme de pauvres hères un peu débiles, alors que l’immense majorité des chômeurs souhaitent être salarié, et qu’une autre partie s’investit autrement dans votre société. Connaissez-vous beaucoup de personnes, sauf problèmes graves, qui passent leur vie à buller en regardant le blanc des murs  ? Là, je vois pas Personnellement, je vois plutôt le problème inverse : des gens qui n’arrêtent pas de courir tout le temps et qui, pour certaines, ne soufflent pas assez et ne prennent pas le temps de vivre ! C’est-à-dire qu’il faut en finir avec le mythe des 35 heures par semaine, mais englober toutes les activités dans ce temps de travail : celles des femmes réduites aux 3x8 quotidien (boulot bureau, boulot maison, dodo), les activités associatives, les productions de tout type des groupes affinitaires
Après, il s’agit de s’avoir si on s’la joue petit bras mesquin, ou si l’on fait enfin confiance à l’être humain en général. On ne se souvient que des déceptions, rarement de ce qui marche, c’est humain mais, personnellement, je vois plein de points lumineux dans la noirceur ambiante. Comme on a qu’une vie, au lieu de rester dans une posture critique, type café du commerce, il vaut peut-être mieux la passer à AGIR et donc accepter de prendre des risques sociaux, se lier avec autrui.

9 - Avec cette proposition, j’ai l’impression qu’il s’agit d’imposer une manière de vivre stricte à chacun, on est quand même loin de l’autonomie. C’est inquiétant quand on touche au culturel, c’est potentiellement glissant : comment déterminer par exemple que la pratique
des jeux vidéos n’a pas d’importance
Il ne s’agit pas d’imposer quoique ce soit puisqu’il n’y a pas de centres de décisions.
Au niveau de l’Etat, la séparation des pouvoirs classiques se situe entre le juridique, le législatif, et l’exécutif. Peut-être que dans une société communiste libertaire deux sphères pourraient cohabiter : le politique et le culturel. Le politique, par un biais autogestionnaire, se chargerait du fonctionnement global de la société : il faut se coordonner pour l’énergie, le minimum de transports en commun, l’éducation ou encore l’agriculture. Le culturel serait du ressort de groupes d’individus, réunis par affinités ou par goûts communs, autour des sujets qui leurs plaisent. Que ces deux sphères ne soient pas superposées me semble être une garantie suffisante pour maintenir un équilibre, une tension génératrice entre la liberté individuelle et les nécessités collectives. Nous avons l’habitude de raisonner sur un plan unidimensionnel, nous devrions passer à une vision multi- et interdimmensionnelle. C’est-à-dire ne plus se considérer comme ayant des tâches successives à accomplir mais insuffler du politique, du culturel, et même des affects, c’est dire que l’heure est grave, dans tout ce que l’on fait ou vit. Par exemple, dans un travail, ne plus être un rouage d’une machine mais résister aux pressions patronales, refuser de faire du sale boulot, avoir des initiatives pour créer des solidarités, créer d’autres types de liens et de solidarités avec ses collègues en lien avec des activités extérieures de la boîte.
Après, c’est clair que cette revendication s’oppose à des idées d’autonomie totale, qui me semblent purement romantique, et mieux vaut laisser le romantisme dans la sphère du culturel, de l’affinitaire Pour une raison
simple : nous sommes chacun-es limité(e)s par des contraintes : nous sommes des corps esprits avec une vie courte. Une idée de communauté autonome purement affinitaire peut-elle marcher dans un laps de temps long ?

10- Il s’agit d’un point de rupture avec le syndicalisme, bonjour la convergence

Là où il y a rupture, effectivement, c’est que l’on parte des besoins essentiels de la population au lieu de partir du travail productif, qui d’ailleurs ne relève pas du seul salariat. Tel que le propose le slogan anarcho-syndicaliste : Produire quoi, comment et pour qui ? C’est-à-dire qu’on parle des besoins essentiels avant de savoir comment les produire  : est-ce aussi absurde que cela ?
Ensuite, il faut voir que le syndicalisme a, dans son ensemble, peu ou pas suivi les mutations du salariat et de la production : aujourd’hui, en France, plus de deux tiers des contrats de travails signés ne sont pas des CDI. (1) Et la durée de ces mêmes CDI raccourcit.
Après une majorité de la population reste en CDI, encore, mais la catégorisation des salariés ne cesse de s’accentuer et l’introduction du RMA et des contrats d’ avenir (sic !) va complexifier la donne. Dans l’Education Nationale, par exemple, se côtoient des pions, des assistants scolaires, des profs soumis parfois à des régimes différents, le personnel administratif chacun avec des statuts différents. Comment lier tout cela ?

11- Désolé d’insister, mais faut du concret, camarade, comment on s’organise là maintenant tout de suite ?
Je pense qu’il faudrait commencer par refuser l’état d’urgence que nous nous imposons ! Et prendre le temps en parler entre nous, puis faire des réunions Une des méthodes consiste à partir de ce qui se fait, à l’analyser, à le promouvoir. A créer des liens. Après, bien sûr, nous devrons réinvestir en masse l’espace public. Plus haut, je parlais des actions d’urgence sociale ? Combien de personnes en ont entendu parler ? Combien savent comment l’organiser ? Nous devons partager ces savoirs sociaux dans un premier temps. Des initiatives, des actions, il y en a mais chacun-e dans son coin, et l’Etat est bien gardé
Après, il faut mettre le doigt là où ça fait mal, et appuyer fort Comment réinvestir les espaces publics ? Contourner la répression ? Par quelles activités communes nous lier ? Comment créer des convergences sans rogner l’autonomie de chaque groupe ?
Lorsqu’on se penche sur la question, il est (très) inquiétant de voir à quel point les groupes, les personnes du mouvement social ne se connaissent que peu, s’ignorent ou se méprisent, et ceci à cause d’a priori politiques ou humains. Personnellement, ça ne me dérange pas de me brouiller avec la Terre entière du moment que je sache pourquoi et que ces conflits soit réellement politiques, et non pas relevant d’une stratégie de bac à sable.
Des rencontres libres et relativement ouvertes, en évitant, néanmoins, tous les crapouillauds politiques chargés du recrutement pour leur parti, me semblent déjà une urgence.
Pour les modes d’actions (ah enfin  !), des fiches pratiques circuleront dans les prochains No Pasaran, j’avoue que j’ai du mal à les finaliser car les personnes qui savent ne voient pas l’intérêt de partager leur savoir, s’en foutent, ou encore ne veulent pas prendre le temps pour (que ce soit pour No Pasaran ou n’importe qui d’ailleurs, ce n’est pas une question affinitaire et d’ailleurs c’est bien ça le problème  !). Juste pour dire que là où on en est, on ne peut guère tomber plus bas.
Mais, peut-être, est-ce justement dans ce type de période où l’on peut créer du neuf. Alors, soit on regarde les arbres tomber, les bras ballants, soit on retrousse les manches.
Pour ma part, c’est tout choisi.

Raphaël

(avec les critiques constructives d’Audric, de la commission antika du réseau, et les remarques de Sylvain de Troyes etc.)


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