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> Onze questions/réponses - Au sujet de la permanence des ressources
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Onze questions/réponses - Au sujet de la permanence des ressources
La proposition d’une campagne sur la
permanence des ressources a entraîné quelques
interrogations. De quoi s’agit-il ? Est-ce pertinent ? Etc.
Voilà donc quelques questions qui ressortent le plus
souvent, non seulement chez les militant-e-s sociaux et
libertaires mais aussi posée par la population en
général, lors d’une table de presse par exemple
(d’où le coté réac de certaines d’entre
elles).
La permanence des ressources est en
débat au sein du réseau No Pasaran, et de sa
commission anticapitaliste. Et comme nous avons plusieurs
patates chaudes actuellement, nous n’avons pas encore tout
tranché. Ce texte n’engage donc que son
rédacteur
J’ai tout à fait conscience que
certains propos de ce texte peuvent paraître excessifs,
peut-être que la situation l’exige ? La contrepartie,
c’est que vous pouvez y répondre en envoyant un mail
à npmensuel@yahoo.fr et que les réponses seront
publiées.
1- La permanence des ressources,
c’est quoi ? Un lifting du revenu garanti ?
Non.
Même si elle peut englober
cette revendication.
La permanence des ressources,
c’est la garantie, pour toutes et tous, d’avoir
accès tout le long de sa vie au maximum vital :
logement de qualité, transports, santé,
éducation, nourriture. Avec ou sans emploi.
Là où cela ressemble au revenu garanti,
c’est bien dans cette idée de
déconnexion avec le salariat.
Celui-ci est plongé dans une crise volontaire
par le capitalisme : flexibilisation, chômage.
Malgré cela, ce même capitalisme produit
de plus en plus de richesses (dont la croissance est un
indicateur) pour de moins en moins de personnes.
Il faut donc se
réapproprier ces richesses dont nous
contribuons, directement ou non, à la
production. Il s’agit en fait de partir, dans un
premier temps, de ce qu’il se fait déjà
comme initiatives, en se rencontrant, et en
reflétant par la suite ce que font les uns et
les autres dans ses propres ini
tiatives. C’est-à-dire
quitter la posture du coup de main par ci par
là, pour renforcer de réels
échanges.
C’est-à-dire que, dans un
collectif local donné, les personnes peuvent
à la fois s’investir dans des jardins
collectifs, défendrent leurs droits dans les
administrations, participer à des manifestations
politiques plus larges, faire du soutien international,
développer leur propre média. Cela existe
déjà mais à l’état
embryonnaire. Pire : il n’y a pas que des liens
ponctuels entre ces initiatives. Un exemple : il y a
trois ans ou quatre ans, à Montpellier, un
Carnaval des affamés a
mobilisé des centaines de personnes dans la
ville, autour d’un squat et d’une cuisine populaire.
Qui a relayé l’info dans sa localité ?
Quels médias alternatifs en ont parlé ?
Qui s’est déplacé pour soutenir ? Qui
entretient la mémoire ? Quelle analyse
collective de ce mouvement, dans ses forces ou
faiblesses. Quels enseignements ? Néant. Un des
aspects de la campagne pourrait être
l’information afin que l’on reflète et que l’on
se reconnaisse.
Une campagne pour la permanence
des ressources pourraient
consister à lier des initiatives de
solidarités, telles que celles
présentées dans les numéros 33 et
34 de No Pasaran (dossier Décroissance) et des
pratiques de luttes sociales dans la rue, dans les
administrations. C’est-à-dire, en clair, que
l’on doit viser un objectif ambitieux : les personnes
qui sont partie prenante de ces initiatives
doivent avoir la permanence des ressources de fait,
grâce à ces initiatives. En
récupérant des aides sociales d’urgence,
en ayant accès à des logements de
qualité, en se nourrissant grâce à
des initiatives solidaires et en socialisant une partie
de nos ressources dans des caisses de
solidarités ou des tontines !
Je pense que c’est un des moyens
de poursuivre l’offensive sociale de manière
énergique et déterminée : montrer
que cela marche pour les personnes qui participent !
2 - C’est-à-dire que le
fruit des initiatives autogérées doit
aller avant tout à ses participants ? Est-ce
très égalitaire ?
C’est le cas dans les SEL, dans
certaines coopératives, qui ne
bénéficient qu’aux personnes qui
s’investissent. L’échange passerait après
le don. Hors tout le monde, même si chacun-e n’en
a pas toujours conscience, a quelque chose à
échanger. Pour beaucoup de personnes, le temps
coûte plus cher que l’argent. Donner, ce n’est
pas participer, ce n’est en rien suffisant pour une
émancipation collective, du moment qu’on n’y met
pas de soi-même ! Dans beaucoup d’initiatives de
solidarités, les personnes
intéressées veulent savoir comment donner
un coup de main, lorsqu’on
explique qu’il s’agit de faire
ensemble, des blocages s’instaurent car, de
l’école à l’entreprise, ces rapports d’entraide
et de participation collective sont très
minorisés. Il y a un pli culturel qui consiste à
croire que l’on apporte à la société qu’un
apport via son travail salarié un employé
de banque ou un éboueur accomplira sa tâche puis
donne de l’argent pour le reste, ou une heure de coups de main
par-ci par-là dans une association. Cette campagne
pourrait aussi combattre cette réduction de nos vies.
Il s’agit aussi de refuser, clairement les
rapports de charité, cette espèce de
rédemption via une générosité
gluante : nous ne voulons pas dépendre des autres, comme
nous ne souhaitons pas que les autres dépendent de nous.
Le choix serait d’agir ensemble pour en finir avec les rapports
de soumission, de dépendance.
3- En clair, il s’agit de partager la
misère, pas les richesses. Les moyens des militants ne
sont pas suffisants ! Qui paye ?
Il ne s’agit pas de socialiser tous ces
revenus, mais une partie. Mais ça existe
déjà : le timbre syndical, ce n’est rien d’autre
qu’une socialisation du revenu. Seulement ce revenu circule de
manière diffuse et sert, hors syndicats
révolutionnaires comme la CNT, à payer une lourde
bureaucratie et non pas à soutenir les salariés
lors d’une grève, comme cela se fait en Allemagne par
exemple.
Pour le volet aide sociale d’urgence, il
s’agit de mener des actions pour que les chômeurs et
précaires touchent des fonds départementaux
inusités. Ces actions menées par des composantes
du mouvement social se sont souvent soldées par
des succès ; le problème étant qu’elles
restent confidentielles, qu’elles ne sont pas
médiatisées d’aucune sorte, y compris par les
organes militants. Les raisons, c’est que c’est
réformiste etc. Mais arracher 300 euros, alors
qu’on a rien, est une urgence sociale, en dehors de toute
conception idéologico-glaciale. Ou, dans ce cas
là, les anarchistes au chômage doivent être
cohérents et refuser le RMI, l’ASS etc. Pauvre
chômeur impur qui n’est pas dans la droite ligne d’une
Anarchie censée abolir ces mêmes droites lignes...
Ce qui est intéressant dans ces mouvements, c’est que la
population s’organise et crée un rapport de force contre
l’Etat. Si l’Etat cède, il est bien obligé de
prendre l’argent là où il se trouve et ce sont
bel et bien les revenus des capi
talistes qui sont dans le viseur,
pas ceux du SMICard.
4- La garantie des
ressources, ça ne veut pas dire demander
à l’Etat de servir de garant ? Est-ce que
ça n’accroît pas la dépendance des
individus vis à vis de l’Etat, légitimant
celui-ci alors que, en tant que libertaires, on devrait
plutôt le combattre ? (Ou, si on limite la
garantie des ressources à un principe
fonctionnant uniquement dans le cadre alternatif,
quelle portée, quel impact global de ces
expériences ?)
En gros, la partie étatiste
: cette revendication est-elle compatible avec nos
engagements libertaires, qui prônent le
fédéralisme autogestionnaire ? Plusieurs
choses :
la permanence des
ressources n’est pas une fin en soi ; je la vois
plutôt comme un élément moteur
d’une transformation sociale plus profonde. Les moyens
gagnés permettraient de récupérer
du temps, d’être moins dépendant des
formes de salariat notamment précaire.
Les droits gagnés
vis-à-vis de l’Etat peuvent renforcer
l’autonomie paradoxalement. Sans le RMI, il n’y aurait
pas de militant-e-s chômeurs ou
précaires qui, pour une majorité,
se battent contre l’Etat et pour une autre organisation
sociale !
En clair, ces revendications de
permanence des ressources peuvent être
pertinentes lorsqu’elles sont englobées dans des
dynamiques politiques de transformation de la
société, et non pas
considérées comme une fin en-soi.
On ne peut pas poser la question
de la permanence des ressources sans poser celle de
l’organisation de la société dans son
ensemble, car ce n’est pas, évidemment, les
travailleurs
du Tiers monde qui bosseront pour
des nababs, mais nous-mêmes qui
détermineront ce qui est nécessaire de
faire collectivement pour mieux vivre.
Cette question du
fédéralisme, nous la posons directement
dans nos réseaux militants. Des groupes de No
Pasaran, par exemple, s’investissent dans des
initiatives de lieux et cuisines
autogérées, solidaires et ce sont aussi
ces initiatives et leur portée qu’il faut
analyser.
5- Comment définir le
niveau de ressources garanties ? Avec le
principe de gratuité c’est simple, on peut
imaginer d’appliquer la logique du communisme
libertaire (à chacun selon ses besoins), mais,
dans le système actuel, qui dit ressources dit
nécessairement, au moins partiellement,
ressources financières : comment fixer le niveau
de redistribution de façon telle que ce niveau
ne retombe pas dans le cadre RMI ? (Sinon, autant
défendre le RMI...)
La gratuité rentre tout
à fait dans le cadre de la permanence des
ressources. Si ce terme existe, ce n’est pas par
amusement (loin de là), mais parce que les
actions sont tellement éclatées,
disparates qu’il me semble nécessaire de trouver
un lien. Pour les ressources financières, on
tombe dans le rapport de force contre les capitalistes :
si l’Etat augmentait les minima sociaux, l’argent ne
pourrait être prélevé que sur les
plus values des capitalistes, il s’agit bien d’un
mécanisme de répartition des richesses.
Concernant le minimum vital, on peut considérer
que le SMIC au moins est une bonne base.
Ne pas oublier que la
gratuité, dans le cadre de cette
société là, ce n’est que du revenu
indirect, c’est-à-dire que
cela n’abolit pas l’argent dans un
premier temps, mais serait permise grâce à
l’impôt. Après, en tant que militant
libertaire, je préfère aussi cette
revendication par rapport à celle du revenu
garanti. Cette dernière serait plus un levier
pour permettre aux gens de souffler, car la
misère et l’urgence sociale existe, et elles
sont difficilement conciliables avec les abstractions
des théories anarchistes. Il est quand
même difficile de rétorquer à
quelqu’un dans la misère que non, il ne faut pas
d’argent mais qu’un jour, peut-être, les
Anarchistes etc. Pour moi, en dehors du collectif
autour de la revue La question sociale, présent
sur les luttes, les anarchistes n’ont pas de discours
social opérant en France ; nous restons
enfoncés dans un dogmatisme castrateur et
inefficace sans tenir compte des dynamiques politiques
qui naissent autour de la question du revenu, telles
que la portent les intermittents ou autres
précaires. Et nous perdons sur tous les
tableaux, parce que l’on ira quand même (et c’est
tant mieux) soutenir les mouvements sociaux, mais en
refusant d’avoir un discours et des actions propres qui
incluraient nos positions libertaires,
anti-étatistes, fédéralistes.
Il y a quand même quelque
chose qui cloche, et ce qui cloche encore plus c’est
que tout le monde le sait, le dit, mais nous nous
refusons à régler réellement le
problème !
6- Les gens sont trop
égoïstes, ça ne marchera
jamais
Etrange remarque.
Il ne faut pas oublier quelque
chose : les gens c’est nous aussi. Si j’ai
un orteil en flamme, je ne pense plus aux
expulsions de sans-papiers, comme
tout le monde, je suppose. Nous sommes tous
égoïstes, à différents
degrés, suivant nos périodes de vie.
Mais, c’est justement parce que nous sommes
égoïstes que nous avons
intérêt à nous coordonner pour la
permanence des ressources. Il faut se servir de cet
égoïsme, le retourner, en passant du strict
individualisme à un égoïsme
collectif, comme dit un camarade de la mouvance
chômeur.
La question de
l’égoïsme reviendrait à dire que
militer ou s’inscrire dans des initiatives collectives
d’émancipation, c’est se priver de quelque
chose. C’est aussi à nous de démontrer
que nos engagements politiques sont ou peuvent
être passionnants, notamment si nous lions des
initiatives solidaires aux luttes sociales.
Lors de la manif du 4
décembre, un cortège attirait l’attention
: celui particulièrement fourni de l’APEIS, une
association de chômeurs dont les fondateurs
étaient proches du Parti communiste. Hors, qu’a
fait l’APEIS ces dernières années, pour
en arriver à ce résultat
explicite : des repas solidaires, des
permanences juridiques, des actions pour l’accès
au logement, peut-être un peu plus de
solidarités et de soutiens que dans d’autres
associations du même type. En juin dernier,
l’APEIS a également tenu à Paris des
journées sur la décroissance (elle s’est
déconnectée au fil du temps avec les
positions du PCF). Résultat : un cortège
combatif, avec des personnes de tout âge, et
visiblement contentes d’être ensemble, que l’on a
pu voir ce samedi-là.
Et ce sont les luttes et les
initiatives solidaires qui changent les rapports
sociaux, rien d’autre. Il n’y a
vraiment aucune fatalité : l’être humain
est une personne en perpétuel devenir qui se
révèle, à tout âge, et quel
que soit son passé, via les
réalités qu’il vit. Des initiatives comme
le VAAAG, par exemple, seraient sans doute à
renouveler pour montrer que l’on peut vivre et
s’organiser autrement.
7- La machine, qui la fait
tourner ? Qui va produire les richesses ?
Actuellement, le chantage à
la délocalisation et aux licenciements permet de
maintenir une pression sur les salariés. En
Allemagne, par exemple, certaines entreprises
reviennent aux 40 heures sans augmentation de salaires,
sous prétexte de concurrence. En France, Boch
fait travailler une 36ème gratuite. Le
gouvernement proteste, mais lui aussi veut faire
travailler un jour férié pour remplir les
caisses. A côté de cela, les cadeaux
fiscaux ne cessent de se multiplier : facilitation des
successions, réforme envisagée de
l’Impôt sur la Fortune.
Là où les
libéraux ont raison, d’un point de vue d’une
certaine rationalité économique, c’est
qu’effectivement libérer du carcan du
travail, baisser les charges etc. permet, dans un
premier temps, l’enrichissement de ces mêmes
entreprises et peut-être, dans certains secteurs,
la création d’emploi. Si l’on supprimait le
SMIC, tout le monde travaillerait, c’est une
évidence aussi.
Mais reste un petit détail :
on ne veut pas de ce système
inégalitaire et pour pouvoir vivre autrement, il
faut changer de fond en comble l’organisation de notre
société. Le premier des leviers, ce sont
les réseaux dans lesquels nous sommes investis
et où nous expérimentons
déjà.
8 - Oui, mais encore une fois vous
êtes trop idéalistes, certains vont en
profiter pour rien faire et d’autres travailleront pour
eux
Peut-on rester sans rien faire ?
Oui, mais pas toute sa vie ! Les projets libertaires,
ou anarcho syndicalistes, ne rentrent pas du tout dans
une optique de société d’assistance mais
vise à l’égalité économique
et sociale d’une part et, contrairement à
certaines formes de société pseudo
communistes, à l’égalité devant
les droits politiques : liberté d’expression, de
prises de décisions, liberté d’aller et
venir, liberté d’entreprendre et de s’associer
avec qui l’on souhaite, au sens
premier du terme.
Le discours les feignants
vont en profiter est une simple fabrique
politico-médiatique, ce sont des images d’Epinal
surannées qui présentent les
chômeurs comme de pauvres hères un peu
débiles, alors que l’immense majorité des
chômeurs souhaitent être salarié, et
qu’une autre partie s’investit autrement dans votre
société. Connaissez-vous beaucoup de
personnes, sauf problèmes graves, qui passent
leur vie à buller en regardant le blanc des murs
? Là, je vois pas Personnellement, je
vois plutôt le problème inverse : des gens
qui n’arrêtent pas de courir tout le temps et
qui, pour certaines, ne soufflent pas assez et ne
prennent pas le temps de vivre ! C’est-à-dire
qu’il faut en finir avec le mythe des 35 heures par
semaine, mais englober toutes les activités dans
ce temps de travail : celles des femmes réduites
aux 3x8 quotidien (boulot bureau, boulot maison, dodo),
les activités associatives, les productions de
tout type des groupes affinitaires
Après, il s’agit de s’avoir
si on s’la joue petit bras mesquin, ou si l’on fait
enfin confiance à l’être humain en
général. On ne se souvient que des
déceptions, rarement de ce qui marche, c’est
humain mais, personnellement, je vois plein de points
lumineux dans la noirceur ambiante. Comme on a qu’une
vie, au lieu de rester dans une posture critique, type
café du commerce, il vaut peut-être mieux
la passer à AGIR et donc accepter de prendre des
risques sociaux, se lier avec autrui.
9 - Avec cette proposition, j’ai
l’impression qu’il s’agit d’imposer une manière
de vivre stricte à chacun, on est quand
même loin de l’autonomie. C’est inquiétant
quand on touche au culturel, c’est potentiellement
glissant : comment déterminer par exemple que la
pratique
des jeux vidéos n’a pas
d’importance
Il ne s’agit pas d’imposer quoique
ce soit puisqu’il n’y a pas de centres de
décisions.
Au niveau de l’Etat, la
séparation des pouvoirs classiques se situe
entre le juridique, le législatif, et
l’exécutif. Peut-être que dans une
société communiste libertaire deux
sphères pourraient cohabiter : le politique et
le culturel. Le politique, par un biais
autogestionnaire, se chargerait du fonctionnement
global de la société : il faut se
coordonner pour l’énergie, le minimum de
transports en commun, l’éducation ou encore
l’agriculture. Le culturel serait du ressort de groupes
d’individus, réunis par affinités ou par
goûts communs, autour des sujets qui leurs
plaisent. Que ces deux sphères ne soient pas
superposées me semble être une garantie
suffisante pour maintenir un équilibre, une
tension génératrice entre la
liberté individuelle et les
nécessités collectives. Nous avons
l’habitude de raisonner sur un plan unidimensionnel,
nous devrions passer à une vision multi- et
interdimmensionnelle. C’est-à-dire ne plus se
considérer comme ayant des tâches
successives à accomplir mais insuffler du
politique, du culturel, et même des affects,
c’est dire que l’heure est grave, dans tout ce que l’on
fait ou vit. Par exemple, dans un travail, ne plus
être un rouage d’une machine mais résister
aux pressions patronales, refuser de faire du sale
boulot, avoir des initiatives pour créer des
solidarités, créer d’autres types de
liens et de solidarités avec ses
collègues en lien avec des activités
extérieures de la boîte.
Après, c’est clair que
cette revendication s’oppose à des idées
d’autonomie totale, qui me semblent purement
romantique, et mieux vaut laisser le romantisme dans la
sphère du culturel, de l’affinitaire Pour
une raison
simple : nous sommes chacun-es
limité(e)s par des contraintes : nous sommes des
corps esprits avec une vie courte. Une idée de
communauté autonome purement affinitaire
peut-elle marcher dans un laps de temps long ?
10- Il s’agit d’un point de
rupture avec le syndicalisme, bonjour la
convergence
Là où il y a
rupture, effectivement, c’est que l’on
parte des besoins essentiels de la population au lieu
de partir du travail productif, qui d’ailleurs ne
relève pas du seul salariat. Tel que le propose
le slogan anarcho-syndicaliste : Produire quoi, comment
et pour qui ? C’est-à-dire qu’on parle des
besoins essentiels avant de savoir comment les produire
: est-ce aussi absurde que cela ?
Ensuite, il faut voir que le
syndicalisme a, dans son ensemble, peu ou pas suivi les
mutations du salariat et de la production :
aujourd’hui, en France, plus de deux tiers des contrats
de travails signés ne sont pas des CDI. (1) Et
la durée de ces mêmes CDI
raccourcit.
Après une majorité
de la population reste en CDI, encore, mais la
catégorisation des salariés ne cesse de
s’accentuer et l’introduction du RMA et des contrats d’
avenir (sic !) va complexifier la donne.
Dans l’Education Nationale, par exemple, se
côtoient des pions, des assistants scolaires, des
profs soumis parfois à des régimes
différents, le personnel administratif chacun
avec des statuts différents. Comment lier tout
cela ?
11- Désolé
d’insister, mais faut du concret, camarade, comment on
s’organise là maintenant tout de suite ?
Je pense qu’il faudrait commencer
par refuser l’état d’urgence que nous nous
imposons ! Et prendre le temps en parler entre nous,
puis faire des réunions Une des
méthodes consiste à partir de ce
qui se fait, à l’analyser, à le
promouvoir. A créer des liens. Après,
bien sûr, nous devrons réinvestir en masse
l’espace public. Plus haut, je parlais des actions
d’urgence sociale ? Combien de personnes en ont entendu
parler ? Combien savent comment l’organiser ? Nous
devons partager ces savoirs sociaux dans un premier
temps. Des initiatives, des actions, il y en a mais
chacun-e dans son coin, et l’Etat est bien
gardé
Après, il faut mettre le
doigt là où ça fait mal, et
appuyer fort Comment réinvestir les
espaces publics ? Contourner la répression ? Par
quelles activités communes nous lier ? Comment
créer des convergences sans rogner l’autonomie
de chaque groupe ?
Lorsqu’on se penche sur la
question, il est (très) inquiétant de
voir à quel point les groupes, les personnes du
mouvement social ne se connaissent que peu, s’ignorent
ou se méprisent, et ceci à cause d’a
priori politiques ou humains. Personnellement,
ça ne me dérange pas de me brouiller avec
la Terre entière du moment que je sache
pourquoi et que ces conflits soit réellement
politiques, et non pas relevant d’une stratégie
de bac à sable.
Des rencontres libres et
relativement ouvertes, en évitant,
néanmoins, tous les crapouillauds politiques
chargés du recrutement pour leur parti, me
semblent déjà une urgence.
Pour les modes d’actions (ah enfin
!), des fiches pratiques circuleront dans les prochains
No Pasaran, j’avoue que j’ai du mal à les
finaliser car les personnes qui savent ne
voient pas l’intérêt de partager leur
savoir, s’en foutent, ou encore ne veulent pas prendre
le temps pour (que ce soit pour No Pasaran ou n’importe
qui d’ailleurs, ce n’est pas une question affinitaire
et d’ailleurs c’est bien ça le problème
!). Juste pour dire que là où on en est,
on ne peut guère tomber plus bas.
Mais, peut-être, est-ce
justement dans ce type de période où l’on
peut créer du neuf. Alors, soit on regarde les
arbres tomber, les bras ballants, soit on retrousse les
manches.
Pour ma part, c’est tout choisi.
Raphaël
(avec les critiques constructives
d’Audric, de la commission antika du réseau, et
les remarques de Sylvain de Troyes etc.)
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