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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°36 - Janvier 2005 > La lutte féministe pour le droit à l’avortement : It’s not over yet !

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La lutte féministe pour le droit à l’avortement : It’s not over yet !




Comme ailleurs, en France la dépénalisation du droit à l’avortement voté par l’assemblée nationale en 1975 ne s’est acquis que par une lutte acharnée des mouvements féministes mobilisés à cette époque notamment autour du MLF : le Mouvement de libération de la Femme et du MLAC, (Mouvement pour la libération de l’avortement et de la Contraception).
louiseweiss
En mai 1935, Louise Weiss se rend à la Bastille pour brûler symboiquement les chaînes que brandissent les manifestantes qui réclament le droit de vote pour les femmes.
De la lutte pour le droit à l’avortement on ne se souvient que trop souvent du nom d’une ministre de la Santé (je n’ai même plus envie d’écrire son nom), ou même que d’une poignée de personnalités publiques actives (certes que je respecte toujours) dans les mouvements féministes en qui les médias ont voulu personnifier toute une lutte. Pourtant, du le MLF, où militaient Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, il ne faut pas oublier que ce mouvement était le fruit d’actions collectives de nombreuses femmes (certes beaucoup étaient également d’un certains standing mais bon on y retrouvaient enseignantes, universitaires, chercheuses, fonctionnaires et secrétaires administratives).

Les années MLF

C’est le 26 août 1970 lors d’une commémoration aux anciens combattants de Verdun que naît le MLF. Quelques jeunes femmes avaient alors déposé une gerbe sur laquelle était inscrit A la Veuve du Soldat inconnu . Le lendemain, la presse dénonce cette profanation de la tombe la plus vénérée de la France par le Mouvement de Libération de la Femme , dénomination pas encore arrêtée par les féministes. Mais pourquoi pas ? On pour
ra juste lui reprocher de ne pas parler des femmes , parce que La Femme , moi j’ai toujours pas réussi à définir ce que c’est. Mais, toujours est-il, c’est ainsi que le MLF est né.

Inspiré par les luttes menées aux Etats-Unis où l’avortement est déjà autorisé dans quelques Etats (il le sera dans tous en 1973), le MLF lance alors une campagne pour briser le tabou autour de l’avortement. Si l’avortement est un crime passible de plusieurs années de prison depuis 1920, le mot n’est toujours que très peu prononcé en 1970. L’idée est de créer un évènement choc qui forcerait les gens à prononcer ce mot. Un manifeste est ainsi lancé dans lequel des femmes déclarent avoir eu recours à l’avortement dans leurs vies et réclament l’avortement libre. Le 5 avril 1971 est publié dans le Nouvel Obs, le Manifeste des 343 , signé par 343 femmes dont de nombreuses personnalités. Claudine Monteil (auteurE de Simone de Beauvoir et le Mouvement des femmes), explique dès le lendemain  : Radios, télévision et journaux répétèrent le mot avortement, transformant en une journée ce mot tabou de langue en un mot prononçable .

Quelques mois plus tard, c’est avec
les filles d’un foyer de futures mères célibataires que le MLF continue sa lutte pour l’avortement libre. Dans ces foyers on enfermait des lycéennes tombées enceintes et chassées de leurs lycées. Ces foyers sont en fait des espèces de maisons de correction pour jeunes filles jugées coupables et traitées comme telles. C’est l’occasion de commencer une campagne en faveur de la contraception et de l’avortement libre pour les mineures. Surtout que parmi les filles du foyer, seulement une attendait un enfant de son petit ami, les autres avaient été victimes de viols ou d’incestes. En plus, une femme qui élève un enfant seule ? sans être mariée ? Une telle personne ne saurait avoir sa place dans la société, parce qu’à ce moment là, qui ferait le ménage, la cuisine et la couture pour les hommes  ? En tout cas, c’est exactement le type d’activité pour lesquels on les préparait et destinait.
Mais suite à l’occupation du foyer, une réintégration dans le lycée a été autorisée pour les jeunes filles, mais seulement après leur grossesse.

En 1972, c’est autour du procès de Marie-Claire Chevalier que s’active la mobilisation pour le droit à l’avortement. Marie-Claire est arrêtée avec la faiseuse d’anges pour avoir eu recours à un avortement. Plusieurs manifestions sont organisées et le jour du procès le MLF réussit à pénétrer dans la salle d’audience particulièrement bien protégée par la police pour apporter son soutien. Pendant ce temps, Gisèle Halimi, avocate, mettra sur le tapis la réalité des quelques 800 000 à 1 000 000 de femmes qui avortent illégalement chaque années. A la barre de témoins, Gisèle demande à quelques grandes personnalités publiques (actrices) si elles s’étaient faites avortées et la dynamique du manifeste des 343 est relancée où plusieurs grandes personnalités s’accusent mutuellement d’avoir eu un avorte
ment au milieu même du procès. Suite à cela, le jugement ne prononce que des peines symboliques et le magistrat souligne le caractère désuet de la loi et de la nécessité pour les législateurs d’en revoir les fondements.

Dans cette atmosphère bouillante, le Mouvement de Libération de l’Avortement et la Contraception (MLAC) se fonde en 1973 et en 1974, on modifie la loi de 1967 dite loi Neuwirth qui autorise la fabrication, l’importation et la vente de contraceptifs sur ordonnance médicale, pour en prévoir le remboursement par la sécurité sociale. La même année, l’Assemblé Nationale vote le projet de loi dépénalisant l’IVG. Prévue pour une application sur un délai de 5 ans, la loi est confirmée en 1979.

Depuis, plusieurs améliorations à l’IVG ont été apportées, telles que son remboursement depuis 1982, l’allongement du délai de recours à l’IVG à 12 semaines et l’autorisation des mineures d’obtenir une IVG sans autorisation parentale en 2001. La pilule du lendemain existe depuis 1999 et depuis fin novembre 2004, l’IVG en ville est autorisée, c’est à dire la possibilité d’accéder à la pilule abortive, la Myfégine (ex-RU 486 disponible depuis 1988 dans les hôpitaux) chez un médecin, donc pas forcément en structure hospitalière.

Et alors, pourquoi on a
toujours besoin de lutter ?

La victoire de la Myfégine en ville depuis le 26 novembre ne doit pas laisser dans l’ombre les multiples entraves au droit à l’avortement qui subsistent. Le ministre de la santé, Douste-Blazy a demandé aux hôpitaux 850 millions d’euros d’économie en trois ans sur leurs achats, dont une baisse de 10 % sur les dispositifs médicaux et les fournitures hôtelières générales et de 5 % sur la majeure partie des prestations de services. Dans ces conditions, qu’adviendra-t-il alors de l’accès à l’IVG dans les délais légaux de douze semaines à ce jour encore difficile à appliquer ?

Déjà maintenant, l’engorgement des services hospitaliers pour cause de restrictions budgétaires dans le public (et le privé), font que des femmes peuvent figurer sur liste d’attente pendant trois à quatre semaines alors que deux IVG sur trois ont lieu à l’hôpital public. La coordinatrice du planning Familial
manif1979.jpg
de l’Avignon explique : Avec des lieux complètement saturés, les femmes sont souvent contraintes de multiplier les démarches tout en angoissant sur le délai légal, ou de partir à l’étranger pour subir, moyennant finance, un acte autorisé par la loi française et en principe gratuit. . Elles sont 2 500 a quitter la France chaque année pour avoir recours à l’IVG dans des pays où les délais légaux vont jusqu’à 14 semaines.

De plus, en Ile de France, 40 % des structures privées ces deux dernières années ont fermé des lits, parce que l’acte est considéré comme non rentable, sans compter le fait que les médecins à pratiquer l’IVG sont peu nombreux. La douzième semaine peut ainsi arriver très vite, surtout que l’IVG par méthode médicamenteuse hors établissement ne peut être réalisée au-delà de la fin de la cinquième semaine de grossesse (septième semaine après le début des dernières règles).
Si la nouvelle possibilité de recourir à l’IVG en ville hors structure hospitalière reste une grande avancée, il ne faut pas que cela conduise à une négation de l’avortement en tant qu’objet de santé publique. Il est important que les femmes conservent leur droit d’effectuer une IVG dans les meilleures conditions selon leurs besoins, au domicile ou en structure hospitalière, qui doivent être disponibles et accessibles pour elle dans des délais qui leurs conviennent. Le domicile ne doit en aucun cas se substituer aux structures hospitalières. Il n’est pas souhaitable que cet acte chirurgicale deviennent complètement externalisé ou relégué à la sphère dite privée du
domicile.

Si l’IVG par voie médicamenteuse à domicile peut être rassurante pour certaines puisqu’elle permet de choisir un environnement chaleureux et amical, mais encore faut-il que son domicile le soit. Si la personne se retrouve seule, ou bien souhaite éviter sa famille, la situation devient très délicate. Surtout que le retour à l’hôpital pour la dernière visite obligatoire à l’hôpital (par transport public pour celles qui n’ont pas de voiture) avec une coulé de sang qui reste plus qu’abondante peut devenir rapidement humiliant, gênant, et une épreuve très difficile à affronter surtout seule. En gros, il faut plus de lits disponibles dans les hôpitaux (et pas moins de sous ou de casse de budget) pour que les femmes puissent réellement choisir où elle souhaite avoir son IVG dans les meilleures conditions possibles suivant ses besoins (domicile ou hôpital).

Outre ces détails un peu technico-medicaux, les mentalités ne changent pas (tous des tocards tous des faux-culs ?), l’avortement reste un tabou, on en parle toujours très peu dans son entourage de peur, de honte alors que selon une étude de la Drees (ministères de la Cohésion Sociale et de la Santé), environ 200 000 femmes se font avorter chaque année. Dans sa vie, une femme sur deux sera confrontée à l’IVG. 30 % des grossesses ne sont pas prévues c’est-à-dire entre 350 000 à 400 000 chaque année, la moitié faisant l’objet d’une IVG.
Pour finir, n’oublions pas que nos chers catholiques intégristes anti-ivg se réunissent régulièrement en toute impunité devant les planning familiaux et défilent chaque année dans les rues de Paris. Ils prévoient d’ailleurs une grosse manifestation sur Paris le 23 janvier 2005 pour dénoncer la culture de la mort et le génocide que représente pour eux l’IVG. Ces derniers sont légitimés par un climat international ambiant de remise en cause du droit à l’avortement, que ce soit aux Etats-Unis, en France (tentative de l’amendement Garraud en 2004 pour instituer un délit d’Interruption Involontaire à la Grossesse ouvrant la brèche à la reconnaissance d’un statut juridique à l’embryon), Italie, Portugal, Irlande, Roumanie ou du sacro-saint Vatican.
Parce que le droit à l’avortement et l’accès à la contraception sont indispensable à une sexualité libre et maîtrisée (ton corps t’appartient non ?), viens manifester avec nous le 15 janvier en défense du droit à l’avortement (à l’appel de la CADAC, du planning familial et de l’ANCIC ) à Paris .
Emilie


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