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La lutte féministe pour le droit à l’avortement : It’s not over yet !
Comme ailleurs, en France la
dépénalisation du droit à
l’avortement voté par l’assemblée
nationale en 1975 ne s’est acquis que par une lutte
acharnée des mouvements féministes
mobilisés à cette époque notamment autour
du MLF : le Mouvement de libération de la Femme et du
MLAC, (Mouvement pour la libération de
l’avortement et de la Contraception).
De la lutte
pour le droit à l’avortement on ne se
souvient que trop souvent du nom d’une ministre
de la Santé (je n’ai même plus envie
d’écrire son nom), ou même que
d’une poignée de personnalités
publiques actives (certes que je respecte toujours)
dans les mouvements féministes en qui les
médias ont voulu personnifier toute une lutte.
Pourtant, du le MLF, où militaient Simone de
Beauvoir et Gisèle Halimi, il ne faut pas
oublier que ce mouvement était le fruit
d’actions collectives de nombreuses femmes
(certes beaucoup étaient également
d’un certains standing mais bon on y retrouvaient
enseignantes, universitaires, chercheuses,
fonctionnaires et secrétaires administratives).
Les années MLF
C’est le 26 août 1970
lors d’une commémoration aux anciens
combattants de Verdun que naît le MLF. Quelques
jeunes femmes avaient alors déposé une
gerbe sur laquelle était inscrit A la
Veuve du Soldat inconnu . Le lendemain, la presse
dénonce cette profanation de la tombe la plus
vénérée de la France par le
Mouvement de Libération de la Femme ,
dénomination pas encore arrêtée par
les féministes. Mais pourquoi pas ? On pour
ra juste lui reprocher de ne pas
parler des femmes , parce que La
Femme , moi j’ai toujours pas réussi
à définir ce que c’est. Mais,
toujours est-il, c’est ainsi que le MLF est
né.
Inspiré par les luttes
menées aux Etats-Unis où
l’avortement est déjà
autorisé dans quelques Etats (il le sera dans
tous en 1973), le MLF lance alors une campagne pour
briser le tabou autour de l’avortement. Si
l’avortement est un crime passible de plusieurs
années de prison depuis 1920, le mot n’est
toujours que très peu prononcé en 1970.
L’idée est de créer un
évènement choc qui forcerait les gens
à prononcer ce mot. Un manifeste est ainsi
lancé dans lequel des femmes déclarent
avoir eu recours à l’avortement dans leurs
vies et réclament l’avortement libre. Le 5
avril 1971 est publié dans le Nouvel Obs, le
Manifeste des 343 , signé par 343
femmes dont de nombreuses personnalités.
Claudine Monteil (auteurE de Simone de Beauvoir et le
Mouvement des femmes), explique dès le lendemain
: Radios, télévision et journaux
répétèrent le mot avortement,
transformant en une journée ce mot tabou de
langue en un mot prononçable .
Quelques mois plus tard,
c’est avec
les filles d’un foyer de
futures mères célibataires que le MLF
continue sa lutte pour l’avortement libre. Dans
ces foyers on enfermait des lycéennes
tombées enceintes et chassées de leurs
lycées. Ces foyers sont en fait des
espèces de maisons de correction pour jeunes
filles jugées coupables et traitées comme
telles. C’est l’occasion de commencer une
campagne en faveur de la contraception et de
l’avortement libre pour les mineures. Surtout que
parmi les filles du foyer, seulement une attendait un
enfant de son petit ami, les autres avaient
été victimes de viols ou
d’incestes. En plus, une femme qui
élève un enfant seule ? sans être
mariée ? Une telle personne ne saurait avoir sa
place dans la société, parce
qu’à ce moment là, qui ferait le
ménage, la cuisine et la couture pour les hommes
? En tout cas, c’est exactement le type
d’activité pour lesquels on les
préparait et destinait.
Mais suite à
l’occupation du foyer, une
réintégration dans le lycée a
été autorisée pour les jeunes
filles, mais seulement après leur grossesse.
En 1972, c’est autour du
procès de Marie-Claire Chevalier que
s’active la mobilisation pour le droit à
l’avortement. Marie-Claire est
arrêtée avec la faiseuse
d’anges pour avoir eu recours à un
avortement. Plusieurs manifestions sont
organisées et le jour du procès le MLF
réussit à pénétrer dans la
salle d’audience particulièrement bien
protégée par la police pour apporter son
soutien. Pendant ce temps, Gisèle Halimi,
avocate, mettra sur le tapis la réalité
des quelques 800 000 à 1 000 000 de femmes qui
avortent illégalement chaque années. A la
barre de témoins, Gisèle demande à
quelques grandes personnalités publiques
(actrices) si elles s’étaient faites
avortées et la dynamique du manifeste des
343 est relancée où plusieurs
grandes personnalités s’accusent
mutuellement d’avoir eu un avorte
ment au milieu même du
procès. Suite à cela, le jugement ne prononce que
des peines symboliques et le magistrat souligne le
caractère désuet de la loi et de la
nécessité pour les législateurs d’en
revoir les fondements.
Dans cette atmosphère bouillante,
le Mouvement de Libération de l’Avortement et la
Contraception (MLAC) se fonde en 1973 et en 1974, on modifie la
loi de 1967 dite loi Neuwirth qui autorise la
fabrication, l’importation et la vente de contraceptifs
sur ordonnance médicale, pour en prévoir le
remboursement par la sécurité sociale. La
même année, l’Assemblé Nationale vote
le projet de loi dépénalisant l’IVG.
Prévue pour une application sur un délai de 5
ans, la loi est confirmée en 1979.
Depuis, plusieurs améliorations
à l’IVG ont été apportées,
telles que son remboursement depuis 1982, l’allongement
du délai de recours à l’IVG à 12
semaines et l’autorisation des mineures d’obtenir
une IVG sans autorisation parentale en 2001. La pilule du
lendemain existe depuis 1999 et depuis fin novembre 2004,
l’IVG en ville est autorisée, c’est à
dire la possibilité d’accéder à la
pilule abortive, la Myfégine (ex-RU 486 disponible
depuis 1988 dans les hôpitaux) chez un médecin,
donc pas forcément en structure hospitalière.
Et alors, pourquoi on a
toujours besoin de lutter ?
La victoire de la Myfégine en ville
depuis le 26 novembre ne doit pas laisser dans l’ombre
les multiples entraves au droit à l’avortement qui
subsistent. Le ministre de la santé, Douste-Blazy a
demandé aux hôpitaux 850 millions d’euros
d’économie en trois ans sur leurs achats, dont une
baisse de 10 % sur les dispositifs médicaux et les
fournitures hôtelières générales et
de 5 % sur la majeure partie des prestations de services. Dans
ces conditions, qu’adviendra-t-il alors de
l’accès à l’IVG dans les
délais légaux de douze semaines à ce jour
encore difficile à appliquer ?
Déjà maintenant,
l’engorgement des services hospitaliers pour cause de
restrictions budgétaires dans le public (et le
privé), font que des femmes peuvent figurer sur liste
d’attente pendant trois à quatre semaines alors
que deux IVG sur trois ont lieu à l’hôpital
public. La coordinatrice du planning Familial
de l’Avignon explique :
Avec des lieux complètement
saturés, les femmes sont souvent contraintes de
multiplier les démarches tout en angoissant sur
le délai légal, ou de partir à
l’étranger pour subir, moyennant finance,
un acte autorisé par la loi
française et en principe gratuit. .
Elles sont 2 500 a quitter la France chaque
année pour avoir recours à l’IVG
dans des pays où les délais légaux
vont jusqu’à 14 semaines.
De plus, en Ile de France, 40 %
des structures privées ces deux dernières
années ont fermé des lits, parce que
l’acte est considéré comme non
rentable, sans compter le fait que les médecins
à pratiquer l’IVG sont peu nombreux. La
douzième semaine peut ainsi arriver très
vite, surtout que l’IVG par méthode
médicamenteuse hors établissement ne peut
être réalisée au-delà de la
fin de la cinquième semaine de grossesse
(septième semaine après le début
des dernières règles).
Si la nouvelle possibilité
de recourir à l’IVG en ville hors
structure hospitalière reste une grande
avancée, il ne faut pas que cela conduise
à une négation de l’avortement en
tant qu’objet de santé publique. Il est
important que les femmes conservent leur droit
d’effectuer une IVG dans les meilleures
conditions selon leurs besoins, au domicile ou en
structure hospitalière, qui doivent être
disponibles et accessibles pour elle dans des
délais qui leurs conviennent. Le domicile ne
doit en aucun cas se substituer aux structures
hospitalières. Il n’est pas souhaitable
que cet acte chirurgicale deviennent
complètement externalisé ou
relégué à la sphère dite
privée du
domicile.
Si l’IVG par voie
médicamenteuse à domicile peut être
rassurante pour certaines puisqu’elle permet de
choisir un environnement chaleureux et amical,
mais encore faut-il que son domicile le soit. Si
la personne se retrouve seule, ou bien souhaite
éviter sa famille, la situation devient
très délicate. Surtout que le retour
à l’hôpital pour la dernière
visite obligatoire à l’hôpital (par
transport public pour celles qui n’ont pas de
voiture) avec une coulé de sang qui reste plus
qu’abondante peut devenir rapidement humiliant,
gênant, et une épreuve très
difficile à affronter surtout seule. En gros, il
faut plus de lits disponibles dans les hôpitaux
(et pas moins de sous ou de casse de budget) pour que
les femmes puissent réellement choisir où
elle souhaite avoir son IVG dans les meilleures
conditions possibles suivant ses besoins (domicile ou
hôpital).
Outre ces détails un peu
technico-medicaux, les mentalités ne changent
pas (tous des tocards tous des faux-culs ?),
l’avortement reste un tabou, on en parle toujours
très peu dans son entourage de peur, de honte
alors que selon une étude de la Drees
(ministères de la Cohésion Sociale et de
la Santé), environ 200 000 femmes se font
avorter chaque année. Dans sa vie, une femme sur
deux sera confrontée à l’IVG. 30 %
des grossesses ne sont pas prévues
c’est-à-dire entre 350 000 à 400
000 chaque année, la moitié faisant
l’objet d’une IVG.
Pour finir, n’oublions pas
que nos chers catholiques intégristes anti-ivg
se réunissent régulièrement en
toute impunité devant les planning familiaux et
défilent chaque année dans les rues de
Paris. Ils prévoient d’ailleurs une grosse
manifestation sur Paris le 23 janvier 2005 pour
dénoncer la culture de la mort et
le génocide que représente
pour eux l’IVG. Ces derniers sont
légitimés par un climat international
ambiant de remise en cause du droit à
l’avortement, que ce soit aux Etats-Unis, en
France (tentative de l’amendement Garraud en 2004
pour instituer un délit d’Interruption
Involontaire à la Grossesse ouvrant la
brèche à la reconnaissance d’un
statut juridique à l’embryon), Italie,
Portugal, Irlande, Roumanie ou du sacro-saint Vatican.
Parce que le droit à
l’avortement et l’accès à la
contraception sont indispensable à une
sexualité libre et maîtrisée (ton
corps t’appartient non ?), viens manifester avec
nous le 15 janvier en défense du droit à
l’avortement (à l’appel de la CADAC,
du planning familial et de l’ANCIC ) à
Paris .
Emilie
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