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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°36 - Janvier 2005 > Interview d’une militante du - Mouvement Français du Planning Familial

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Interview d’une militante du - Mouvement Français du Planning Familial



Moman, raconte-moi une histoire ! A l’occasion de l’anniversaire de la loi Veil, retour sur le mouvement féministe de l’époque à travers cette entretien avec Monique, à l’époque militante à la section havraise du Planning Familial et mère d’une militante de No Pasaran !
NP : Quand et pourquoi es-tu rentrée au planning ? Depuis quand existait-il au Havre  ?
En 1973 ,après mes études à Tours ,je suis revenue au Havre pour y travailler.
J’avais 22 ans ,et je prenais la pilule * .
*la loi Neuwirth autorisant la contraception a été votée en 1967, incluait l’autorisation des parents pour les mineures et la majorité était à 21 ans.
Il n’était pas de bon ton d’avoir des relations sexuelles hors mariage et prendre la pilule ça signifiait qu’on assumait une vie sexuelle .
Comment se positionnait le planning familial vis à vis de la mouvance du droit des femmes ?
Le Planning existait au Havre depuis les années 56, et le débat concernant l’avortement avait déjà eu lieu en son sein  ;en 1973, le Planning national avait pris position et était moteur de la lutte.
Qui participait au planning ?
Le groupe que j’ai rejoint alors était constitué de femmes exclusivement (les médecins hommes avaient pris des distances). Le groupe était profondément éclectique : femme de médecin, médecin, femme d’ouvrier, jeunes profs, hôtelière
Les engagements étaient aussi éclectiques : motivation humaniste (protestants et francs-maçons avaient été les initiateurs du Mouvement pour une Parenté Responsable),motivation personnelle ,proches du PC ,de la LCR ou autres divers gauche et extréme-gauche ,féministes avérées ou non .
Comment fonctionniez vous ?
Nous nous sommes co-formées afin de répondre aux demandes des femmes, utilisant les compétences des unes et des autres :sociologie et pratique des dynamiques de groupe, connaissances médicales, pratique psychologique,
expérience de l’accueil des femmes des anciennes , graphisme etc
Nous avons ainsi fait de nos diversités une force, travaillé nos différences, et surtout nous nous frottions sans arrêt aux réalités des femmes lors des permanences et des réunions de groupe pour les départs à l’étranger. Nous travaillions toujours à 2 minimum dans ce mode de co-formation permanente .
Et au niveau hexagonal ?
Le MFPF est toujours une fédération nationale. Nous avions donc des instances départementales et nationales.
Le groupe du Havre a revendiqué sa particularité sur ses modes de fonctionnement et de formation, et insensiblement ses positions quant à la lutte des femmes, marquant notre implication personnelle, notre propre vécu de femme. Pas de hiérarchie dans le groupe. Des représentantes aux instances qui n’en avaient pas pour autant le pouvoir dans le groupe (j’ai été ainsi membre du CA national ).
Quelles étaient vos relations avec les partis politiques de la ville ? Comment réagissaient les gens à vos actions ?
Nous fonctionnions avec nos réseaux ,chacune ayant accès à différentes familles qui pouvaient être des partenaires au fil des différentes actions.
Le moment fort fut le passage du film Histoire d’A , qui était alors interdit et emblématique : des groupes très différents, voire opposés, ont mis à notre disposition leurs moyens humains ou logistiques afin que ce film arrive jusqu’à nous (cache-cache rocambolesque avec la police !), que la soirée de projection ait lieu sans anicroche.
Cela a permis la création d’un MLAC constitué de représentant(e)s du Planning, des différents groupes politiques, et d’ inorganisés .
Notre groupe était plutôt bien perçu ,car nous avions une vraie pratique avec les femmes et sans doute aussi parce que nous échappions volontai
rement aux conflits partisans .Ce qui nous animait était notre volonté de changer cette loi et de changer quelque chose à la condition des femmes parce que c’était la notre !
Bien sûr on nous a traitées de gouines , bien sûr nous avons dû affirmer notre légitimité à dire, et bien sûr la bataille était sur tous les plans y compris privés !
Y avait-il une réaction spécifiquement masculine ?
Nous étions au cur d’une problématique qui concerne notre corps de femme et partant de notre existence même. La situation des Murs alors était d’une énorme scission entre les sexes, mais cette scission avait commencé à vaciller avec les Suffragettes du début du siècle, le droit de vote pour les femmes et les mutations sociologiques profondes de ce siècle. Les filles arrivaient en nombre à l’Université, les filles et fils d’ouvriers aussi.
Devant l’avortement et la contraception, certains hommes considéraient que c’était à la fille de se débrouiller, que de toute façon c’était une pas grand-chose puisqu’elle couchait ! ! !
Mais il y avait tout ceux qui étaient en mouvement déjà avec ce grand tumulte, et qui s’interrogeaient, avaient à questionner leur engagement politique et leur pratique.
Il y avait les hommes qui aimaient leur compagne et la soutenaient
Il y avait des femmes murées dans leurs convictions
Pourquoi as-tu quitté le planning ? Que penses-tu du féminisme actuellement ?
J’ai quitté le planning après que la loi ait été votée et appliquée ,dans les années 80 parce que d’autres investissements me paraissaient prédominants et que mon temps devenait très compté avec une profession de passion ,deux enfants à ne pas trop rater.
Mais le groupe de copines a continué de fonctionner sur un mode de réseau ,mais aussi plus concrètement dans la mise en place de stages pour des femmes souhaitant (re)travailler, puis dans d’autres types d’insertion sociale .
J’ai vécu l’évolution de la place des femmes, la constate dans ce que vivent mes nièces et fille, il y a certainement encore à faire et à vivre, je n’en ai pas fini et vous non plus !
Et qu’est-ce que c’est bien de vouloir changer et faire changer !


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