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> N°7 - Mars 2002
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Argentine : Assemblées casseroles et piquetsNouvelles formes de protagonisme socialNous avons reçu ce texte de nos camarades argentins qui reviennent plus profondément sur les raisons de la révolte de décembre. Ce troisiéme brouillon d’investigation sur les nouvelles formes de protagonismes sociaux cherche à discuter, depuis l’intérieur m’me du processus de mobilisation d’assemblées, piquets et autres formes d’une nouvelle subjectivité radicale, certains éléments de la conjoncture actuelle.
Le premier " brouillon " d’investigation avait comme but de penser les formes d’émergence d’une nouvelle radicalité à l’intérieur du mouvement des piquets. Plus tard, fut édité, dans le quatrième cahier de situaciones, " conversations avec le mouvement de travailleurs au chômage -MTD- de Solano " le deuxième brouillon était entièrement dédié au débat sur des expériences de savoirs non-utilitaires, sur la base des vécus de la communauté éducative " creciendo juntos ", à Moreno, dans la province de Buenos Aires. Ce troisième brouillon d’investigations continue avec les réflexions que l’on avait commence dans la quatrième déclaration du collectif, à propos de l’insurrection du 19 et 20 décembre 2001. cependant il va au delà ; il traite des assemblées, et de leur relation avec les piquets.
Il s’est agi d’un véritable " non ". Mais ça n’a pas été seulement pour exprimer un ras-le-bol. Il s’est agi d’un "non positif" : une affirmation éthique sans précédents qui nous ouvre, comme possibilité au moins, des nouveaux chemins à parcourir. Maintenant est posée, précisément, l’exigence de réaliser ce parcours ouvert devant nous en cherchant des nouvelles formes de participation, de réinvention de l’existence, de production de nouveaux liens et modalités de pensées. II - Des milliers de personnes se réunissent dans des dizaines de quartiers pour discuter ce qui a été mis en jeu dans les journées du 19 et 20 décembre. L’assemblée a été adoptée comme la forme de discussion, coordination et pensée collective pour tous ceux qui ont décidé s’organiser au delà des formes classiques de la politique. Les assemblées organisées dans la ville de Buenos Aires et alentours, dans la province de Buenos Aires, ne sont pas nées de rien. Les luttes " piqueteras " ont été celles qui ont pris en premier les rues, celles-ci, dans des conditions très différentes, ont ouvert le chemin que maintenant ont commencé à parcourir les assemblées. Ceci est la véritable fraternité entre les assemblées et les piquets. Les piquets ont montré ce qu’aujourd’hui vérifient les assemblées : qu’il est en train d’apparaître de nouvelles formes d’intervention dans la lutte pour la justice, qui ne servent plus majoritairement à renouveler les partis politiques ni les élites gouvernantes. Les piquets et les assemblées commencent à débattre de ce que sont ces nouvelles formes de protagonisme, une fois écartées les voies politiques traditionnelles. Ceux-ci sont la richesse du mouvement actuel. Il n’y a pas de demandes capables d’épuiser les potentialités du processus qui s’est ouvert. Les piquets ne demandent pas "seulement" travail, nourriture, droits. Ils demandent quelque chose en plus, qui ne peut pas ’tre énoncé comme une demande. Au-delà des demandes, on lutte pour la justice et le "changement social". Il arrive la m’me chose avec les assemblées. Au-delà du discours sociologique ñdes politiciens, "intellectuels" et journalistes- les assemblées se sont constituées autour d’un désir de justice et protagonisme social qu’aucune réussite, aussi importante soit elle, ne pourra épuiser. Ceci ne veut pas dire que la mobilisation assambléiste soit irréversible. Mais, y compris si ce mouvement s’essoufflait, qu’il se dispersait-ou pire il s’institutionnalisait- il survivrait la marque éthique des journées 19 et 20 et des expériences postérieures qui ont cherché à la développer. Parce que la justice ce n’est pas quelque chose qui peut ’tre atteint un jour ; elle existe comme lutte "pour la justice". Elle ne se réalise pas, mais elle existe toujours comme exigence qui nous organise, nous meut, nous inspire. III - Les assemblées sont un lieu d’investigation pratique. Là, on est en train d’élaborer. C’est pour ça, parce que c’est la valeur de l’expérience, qu’il n’y a pas de danger de tomber dans l’illusion d’’tre une "alternative de pouvoir". Si nous ne sommes pas capables de créer de nouvelles options, nous serons témoins d’une nouvelle frustration. Et, rien ne nous garantit, que ce ne soit pas la destine du processus. Comment éviter alors que le mouvement ne tombe dans des polarisations faciles et ne soit complètement absorbé dans le jeu de la politique "sérieuse", qui ne voit jamais au-delà de ce qui se passe au niveau des dirigeants et des gouvernements ? Les questions sur les façons de soutenir ce mouvement ouvert, actif et lié à la multiplicité des aspects que constituent notre existence, deviennent des questions fondamentales de cette expérience. IV - S’il s’agit de parcourir cet espace de liberté qui nous est ouvert, la forme de ce parcours ne peut pas perdre sa radicalité originale. De là, alors, la permanence de la consigne "qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste pas un seul ". Y compris si elle n’a pas un sens unique, dans les assemblées cette consigne prend une signification claire. Ce n’est pas, comme on pourrait l’interpréter avec légèreté, une consigne "négative", mais un refus dont la puissance vient de ce que l’on réussit à "ouvrir". "Qu’ils s’en aillent tous" veut libérer un terrain, un temps, et la possibilité d’une façon radicale de pratiquer l’expérience du lien social. Et cette expérience pratique, avec des prétentions fondatrices, est ce qu’intéresse parce qu’implique une mise en jeu très exigeante de chacun de nous. Mais pour ’tre réellement fidèles à ce qui se joue dans ce processus, il faut commencer à admettre que jusqu’à quel point nous "ne savons pas". Les assemblées sont un processus de réélaboration collective sur les formes actuelles de l’émancipation. C’est pourquoi, une des conditions fondamentales pour le développement de l’expérience assembléiste c’est la constatation qu’il n’y a pas de "bonne ligne" : la seule "ligne" possible est la recherche, l’élaboration et la mise en pratique à l’intérieur des assemblées et des piquets. Mais affirmer qu’il "n’y a pas de ligne" ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire. Au contraire : seulement nous indique que ce "faire" actuel doit ’tre capable d’assumer combien il y d’inédit et d’incertain dans cette recherche. Une fois que nous sommes décidés à abandonner les formes classiques de la politique, les luttes et les expériences que produisent de nouvelles formes d’existence sociale et individuelles se voient dépossédés de toute vieille garantie, de tout savoir "abstrait" sur "quoi faire" et de toute façon traditionnelle de penser, pour arriver à un sol ou les créations sont à l’ordre du jour. Ceci est le temps qui a été invoqué pendant les journées du 19 et 20 décembre. V - Les assemblées et les piquets pourront-ils se défaire effectivement de tout le poids des discours politiques traditionnels ("révolutionnaires" et "réformistes", "nationalistes" et "citoyens", etc.) pour s’assumer, sans contournements, comme un véritable axe d’impulsion de nouvelles expériences, comme un lieu de création radicale ? Il n’y a personne qui le sache d’avance. Mais il y a quelque chose d’encourageant. Il ne sont pas peu nombreux aujourd’hui en Argentine ñet en Amérique latine-, ceux qui développent des pratiques profondément attractives et puissantes sous l’idée qu’il n’y a pas d’autre "ligne" que d’’tre capables de penser, en situation, "sans modèles". VI - Etant donné tout ceci, il peut ’tre important de penser ce que signifie cette sensation d’’tre en train de vivre un moment historique. Si effectivement ce moment a une grande densité historique pour des milliers et milliers de personnes, il est fondamental d’exploiter ce qu’il y a derrière les images que la mémoire historique associe à cette expérience. L’émotion provient, de fait, de l’impression d’’tre en train de re-vivre des journées historiques- véritables mythes- des révolutions passées. Mais nous savons que le vertige de ces temps n’est pas un simple truc vide, un imaginaire, ces souvenirs historiques s’activent à la chaleur d’une actualité immédiate qui donne sens à chaque marche, assemblée, "cacerolazo" ou mobilisation. Ceci peut être mis en perspective. Des révolutions modernes ont surgi les partis politiques. Leur fonction essentielle était la médiation entre les mouvements et la base ñbase sociale, partis, Etats- le point clef a toujours été l’…tat, lieu imaginé comme le centre ou se trouvait le pouvoir de la société. Avec la vague des révolutions socialistes du vingtième siècle sont apparus les partis contestataires au capitalisme (communistes, socialistes, nationalistes révolutionnaires, etc.) lesquels, en dépit du fait qu’ils promouvaient une révolution contre le système ont soutenu majoritairement la m’me relation de "médiation" entre les bases et l’Etat et la même foi dans le pouvoir de de l’Etat pour transformer les sociétés. Un siècle entier de révolutions anti-capitalistes a cru, d’une façon ou d’une autre, que les sociétés pouvaient être transformées d’en haut. Cette expérience ne peut ’tre gratuite. Au contraire, c’est grâce à elle qu’aujourd’hui nous savons que ce sont les luttes de base qui poussent les changements, et commencent à créer les nouvelles formes de sociabilité. Mais ce savoir n’a pas été facile à acquérir. L’échec du modèle des "révolutions d’en haut" à impliqué un lourd poids pour les diverses luttes développées pendant la décennie passée. Tous ceux qui développaient des expériences de résistance dans les dernières années étaient vus comme "utopiques" et "inviables". Heureusement les luttes actuelles n’ont plus besoin de dire comment sera le monde demain. Leur légitimité est liée à leur capacité de produire, dans la lutte m’me, de nouvelles valeurs de justice, à partir d’initiatives et projets concrets. Les piquets et les assemblées se développent dans ces circonstances et, dans leur constitution m’me. Ils procèdent de ces nouveaux éléments d’un contre pouvoir effectif. VII - Dans le quartier de Floresta (Buenos Aires), le lendemain de l’assassinat des trois garçons ñquand l’année 2001 n’avait pas encore expiré- naissait la première assemblée populaire. Les voisins, réunis, discutaient tout type de propositions ; des pétitions, des festivals etc. Les amis des garçons tournaient silencieusement autour de assemblée sans trop d’intérêt, en réfléchissant à voix basse quoi faire, avec l’envie de raser le commissariat qui protégeait l’assassin. Quand les voisins se sont aperçus de l’apparente indifférence des garçons à propos de ce qui était discuté, ils leur ont demandé qu’est ce que l’on pouvait faire. Un des garçons prit le mégaphone et il expliqua : "moi, ce que l’on discute dans les assemblées ne m’intéresse pas trop ; ici ce qu’il faut faire c’est y être !, je ne sais pas comment, mais il faut y être, tous les jours". Celle-ci est, sûrement, une des formulations qui met le plus en évidence le sens des journées du 19 et du 20, et la suite de faits qui se sont succédés ; l’importance d’ "y être", pas seulement en tant que "donneurs d’opinions" sur ce qui devrait se passer ñcomme de tristes chefs à qui la troupe n’obéit plus-, mais "Y ETRE", simplement, faisant partie d’un devenir que plus personne ne peut prétendre contrôler, un processus qui s’autoproduit au delà ñet à travers- de chacun de nous. Ceci n’implique pas une position de passivité ni d’attente. Au contraire, ceci implique d’assumer que l’activité se développe sans centres, sans leader et sans promesses sur le futur, à partir d’un questionnement collectif sur les voies d’un nouveau protagonisme social. VIII - Les assemblées n’adoptent pas non plus une forme au hasard. Elles s’organisent comme de véritables opérations pratiques par l’intermédiaire desquelles se vérifie -et aussi o_ l’on s’approprie- les conditions dans lesquelles il nous est imparti d’agir. Nous savons que les choses ont changé : ces transformations s’expriment par des altérations dans la politique, l’économie, dans les subjectivités, enfin, dans tous les domaines de l’existence. Mais ces changements ne peuvent ’tre une excuse pour l’inaction. Le discours sur la " complexité " , qui nous dit que ce monde post-moderne est incompréhensible sauf pour les " techniciens ", cache le fait que, m’me pour eux, le monde n’est pas manipulable. Ainsi sous l’illusion que quelques-uns manient le monde, le discours de la "complexité" est un appel à la passivité de chacun d’entre nous. Les choses sont trop "complexes" pour cette idéologie "techniciste" qui nous condamne à l’impuissance, emp’chant une action de reappropriation de notre situation, de notre capacité de penser et agir en elle. Le processus assembléiste ouvre la possibilité d’abandonner cette passivité. Surtout la passivité qui découle de la " position de victime ". Avec l’apparition de ce mouvement, la question de l’appropriation des conditions personnelles et collectives peut ’tre traitée d’une autre manière, en établissant des formes de souveraineté sur les capacités et moyens que le processus m’me nous donne. C’est en ce sens qu’autant les assemblées que les piquets ont tendance à déborder ce que la militance classique voudrait d’eux. Mais affirmer ce débordement implique un travail : un refus contondant des "donneurs de ligne professionnels". Ces groupes qui possèdent une "lumière" excessive ne peuvent rien sinon appauvrir l’assemblée dans la m’me mesure qu’ils ne la respectent pas en tant que lieu d’un processus et une réflexion. Il ne participent pas du processus avec les autres. Ils "savent déjà", d’ "avance", ce qui nous convient et ce qui ne nous convient pas. Leurs interventions ñ à la différence de ceux qui apportent leurs connaissances à l’ensemble- commencent par détruire toute possibilité de socialiser une quelconque expérience. Les assemblées travaillent, cherchent, élaborent. A l’intérieur de ce processus se déploient des positions différentes. Loin de se préoccuper de cette situation, les assemblées savent jusqu’à quel point ces différences sont partie prenante du processus de pensée. La discussion divise pour unifier, plus tard réunit pour se diviser à nouveau et ainsi produit sa propre stabilité, sans fixer personne dans une position définitive, évitant de cette manière des ruptures inutiles causés par des différences narcissiques purement imaginaires. Il ne s’agit pas de réussir des consensus faciles, et encore moins, de se battre pour l’hégémonie. Ces formes de discussion reproduisent les formes de pouvoir qui sont maintenant refusées radicalement. Et, rien ne serait plus triste que de construire des petits espaces bureaucratiques pleins de minuscules pouvoirs à la mesure des "tyrans de quartier". Dominer une assemblée c’est l’annuler. En revanche, les véritables "dirigeants", sont toujours situtionnels : ce sont ceux qui travaillent mieux à l’intérieur du piquet ou de l’assemblée, en organisant une pensée collective, depuis l’intérieur, en collaborant pour que l’ensemble se potentialise lui même, en ne se séparant jamais de lui, sans la subordonner. IX - En quoi consiste l’unité des piquets et des assemblées ? Le problème de beaucoup de ceux qui prônent cette unité c’est qu’ils l’imaginent comme une "alliance politique". Ceci serait seulement une illusion, un raccourci. Une telle alliance, qui prétendrait donner une "cohérence" à la multiplicité du mouvement "d’en haut", ne serait pas fidèle à la puissance du processus. Les assemblées et les piquets se développent chacun dans leurs propres conditions. Mais indubitablement ils ont beaucoup de points fondamentaux de rencontre. Les demandes les séparent, mais l’expérience commune de fonder de nouveaux modes de participation peut impliquer des formes plus profondes d’échange. Pourquoi le lien devrait ’tre réduit à des simples "adhésions" à des "rencontres nationales" ? Pourquoi cette union devrait être seulement politique ? pourquoi continuer à imaginer des rencontres entre piqueteros et assambléistes seulement à partir des formes de représentation politique ? On parle ainsi d’"alliance de classes" : "chômeurs" et "classes moyennes", coupures de route et casseroles. Tout d’un coup, le pouvoir analyse ce qui arrive avec un langage "pseudo-marxiste" : tout se lit en termes de classes sociales, d’intérêt matériel, de rationalités fortement conditionnées par l’insertion dans la structure économique. Le modèle d’ "alliance de classes" obscurcit le processus, non seulement il l’appauvrit, mais il est aussi utilisé pour culpabiliser la "classe moyenne" - "inclus"- pour ne pas s’être mobilisée avant qu’on ne touche à sa poche ; et, de l’autre côté, pour "confirmer" que les "exclus" bougeaient parce qu’"ils n’avaient plus rien dans la poche". Il y a même, en lisant entre les lignes, une division sociale du travail "politique" entre les assemblées et les piquets : les classes moyennes -"instruites"- seraient la direction "culturelle ou idéologique" d’un mouvement dans lequel les "exclus" seraient la "force de frappe" ou "corps obéissant". "Inclus" et "exclus", classes moyennes et chômeurs ñou pauvres-, sont des catégories d’une pensée qui conçoit la politique comme une opération idéologique de l’inclusion, oubliant - à dessein- que la norme est toujours excluante et que la désirer, c’est déjà appauvrir notre existence. Inclus et exclus sont donc des catégories piégées. Il n’y pas de place pour les exclus si ce n’est justement la ou ils sont, dans les marges. Il n’y a pas d’inclusion possible ñprésente ni future- pour ceux qui ne veulent plus assister passivement à l’appauvrissement ñmatériel, intellectuel et spirituel- de leur propre vie. C’est pourquoi, le "classisme" que toutes les classes mettent en avant ("nous sommes la classe moyenne argentine" ; "les travailleurs et leurs intér’ts", etc.) est une forme d’entrave à ce qui est en train de se développer, réduisant la multiplicité émergeante aux conditions économiques dont ils proviennent. Piqueteros et assambléistes aspirent à ’tre les figures d’un questionnement sur la façon m’me de construire une autonomie réelle, non réductible à un economicisme. Cette réduction de la multiplicité du processus au "classisme" -économique- est une condition du pouvoir exige pour "représenter" chacune de ces classes dans le jeu de la politique (partis, candidats, gouvernants). Dans cette voie, on court donc le risque de l’absorption des énergies déchaînés. X - A partir des journées du 19 et du 20 a pris forme quelque chose qui était déjà en train de germer. Maintenant il est totalement visible, pour tous, que en dessous ont lieu des luttes très intenses. Elles tentent, surtout, de récupérer une dignité gravement affectée pendant des décennies. Les expériences des dernières années -en Amérique latine et dans le reste du monde- illustrent très clairement le fait qu’aucun gouvernement, par lui même, ne peut obtenir ce résultat. Y compris un éventuel gouvernement populaire devrait apprendre à respecter la souveraineté des luttes qui créent et poussent un véritable changement social. Il faut éviter dans ces deux expériences en développement ñpiquets et assemblées- les tendances à la centralisation, à la subordination de cette multiplicité. Son autonomie devrait être défendue, y compris, de l’émergence d’éventuels groupes de dirigeants/représentants surgis des assemblées et piquets, dans la mesure ou ils essaient de se substituer à la dynamique de base. L’expropriation du protagonisme populaire par des dirigeants, (peu importe leur honnêteté) est un risque majeur. Parce que, dès qu’une représentation du mouvement apparaît, apparaît aussi un exercice du pouvoir vers l’intérieur : on croit que l’on peut dire comment doit agir ou penser un " voisin " ou un " piquetero ". La centralisation sacrifie la multiplicité (qui est la force -la clef- de ces mouvements). XI - Le défi est de penser le mouvement piquetero et assambléiste comme des expériences qui peuvent se développer d’autant mieux sans centres, sans lieux privilégiés d’organisation, ni de direction. A l’opposé de ce qu’on a cru pendant des siècles sur la supériorité des structures centralisées et la séparation de la théorie et la pratique, nous savons aujourd’hui que l’intelligence traverse tout le corps, et ne vit pas enfermée dans le cerveau. Les idées n’ont pas comme source un centre, mais elles dépendent de tout un réseau sensible et perceptible. On peut penser la m’me chose du corps assambléiste et piquetero. Il serait certainement nocif qu’il y ait une cristallisation de lieux de direction et de "conscience" des mouvements, par rapport aux dirigés, ceux d’en bas, les "purement pratiques". L’expérience de l’assemblée inter-quartiers du "parque centenario", par exemple, est un moment important dans l’organisation du mouvement. Mais il faut faire attention que ce ne soit le lieu o_ se faufilent, à nouveau, les tendances à la centralisation qui se substituent au protagonisme des assemblées. Il est important, donc, de commencer à voir comment circulent les savoirs situationnels, de contrepouvoir, entre les differentes expériences de résistance. Il ne s’agit pas de simples articulations politiques, mais de véritables espaces de composition, d’échanges d’expérience, de penser ensemble, d’initiatives concrètes. L’unité ne peut être une consigne abstraite mais unité du multiple. Ce qui implique qu’il y a un labeur à part entière qui consiste dans la création d’espaces, territoires et temps propres du piquet et de l’assemblée, qui puissent permettre de se soustraire aux interpellations du journalisme, du gouvernement et des partis, pour commencer à assumer chaque aspect de la conjoncture -exclusivement- depuis la propre puissance des mouvements et la propre perception des défis et problèmes qui s’affrontent. Les assemblées et les piquets sont de véritables expérimentations sur le contre-pouvoir, sous la forme de développements de forums de discussion, d’échange, de recherche et d’action directe. Leur force est, justement, la multiplicité. Ici sont en jeu des formes nouvelles et radicales de pratiquer la liberté. 12 février 2002-02-17 Hasta siempre, Colectivo situaciones. |
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