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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°37 - Février 2005 > Pas de rosaires - pour nos ovaires !

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Pas de rosaires - pour nos ovaires !



La lutte pour le droit à disposer de son corps est toujours d’actualité. Alors que la France vient de fêter les 30 ans de la loi Veil, survol de la situation aux Etats-Unis, où les méthodes de Bush pour revenir sur le droit à l’avortement et, plus largement, pour contrôler la vie sexuelle ne sont pas sans rappeler les pratiques actuelles des plus fins des anti-IVG français.

L’avortement est légal aux Etats-Unis depuis un arrêt de la Cour Suprême de 1973 (affaire Roe vs Wade). Mais les pressions des anti-IVG n’ont jamais cessé, allant parfois jusqu’au meurtres de médecins perpétrés par l’Army of God. Dès janvier 2002, G.W. Bush créait une Journée nationale du caractère sacré de la vie (National Sanctity of Human Life Day), et une Journée nationale de la liberté religieuse, célébrées cette année le 16 janvier. Une semaine plus tard, le 22 janvier, une importante manifestation anti-IVG eut lieu à Washington, réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes. Un chiffre incomparable avec l’événement similaire en France, qui ne réunit chaque année que quelques centaines d’intégristes. Mais un chiffre ridicule, comparé aux 1 150 000 personnes qui manifestaient le 25 avril 2004 pour défendre le droit à l’avortement1.

Une politique des petits pas

Bush a bien compris qu’il doit avancer à pas feutrés. Alors que la presse réactionnaire lance une campagne aussi tonitruante qu’intoxicatoire, n’hésitant pas à affirmer que pour la première fois de notre histoire actuelle, la majorité des hommes et des femmes en Amérique sont contre l’avortement2, l’administration adopte le qui va piano va sano. Mais le but est clair il s’agit de régir la sexualité par de prétendues lois divines. Lors de la manifestation anti-avortement du 22 janvier 2003, Bush avait apporté son soutien aux manifestants et affirmé qu’il appuierait toute loi anti-IVG votée par le parlement. Il tient parole  : jusqu’à présent, trois principales procédures législatives ont été engagées.

Le 5 août 2002, Bush promulgue le Born-Alive Infants Protection Act qui amende les définitions légales de personne, être humain, enfant et individu afin d’inclure tout foetus qui survit à un avortement.

Le 21 octobre 2003, le Sénat, à majorité réactionnaire, adopte une loi, contresignée par Bush le 5 novembre, interdisant une pratique abortive utilisée pour les avortements tardifs. Ce qui, pratiquement, interdit tout avortement au-delà du premier trimestre de grossesse d’autant qu’aucune exception n’est prévue, pas même en cas d’avortement thérapeutique. Il s’agit de la première entrave légale directe à l’IVG depuis 1973.

Enfin, le 25 mars 2004, le Sénat adopte une loi conférant de fait une personnalité juridique au ftus, via un biais également utilisé en France par l’amendement Garraud de sinistre mémoire la sécurité . En effet, désormais l’auteur d’un crime contre une femme enceinte sera aussi poursuivi pour l’agression contre le ftus. La mesure est pour l’instant limitée, ne s’appliquant qu’en cas de crime fédéral (attentat, fusillade liée à une affaire de drogue, ou encore attaque contre une base militaire), mais il constitue un premier pas vers la reconnaissance du ftus comme individu donc protégé par la loi et la Constitution, ce qui interdira l’avortement, alors juridiquement assimilé à un meurtre. Il ne s’agit plus désormais que d’une question d’interprétation.

Main mise sur les juges

Car le système politique des Etats-Unis confère une place importante aux juges dans la procédure législative. Déjà, l’avortement avait été légalisé non par une loi, mais par une jurisprudence de la Cour Suprême. Et Bush a fait du contrôle de la jurisprudence un enjeu politique de première importance, afin d’inverser la tendance judiciaire de l’intérieur. Les partisans de l’IVG ne sont déjà qu’en très faible majorité à la Cour Suprême (5 voix contre 4), et la maladie de l’actuel président de la Cour (pro choix), qui pourrait le pousser à la démission, signifierait sans doute un renversement de majorité puisque Bush nommerait sans aucun doute à sa place un juge opposé à l’avortement.

Ce qu’il fait déjà à des niveaux inférieurs. Le 23 décembre 2004, Bush annonçait qu’il prévoyait de proposer la nomination d’une vingtaine de juges, pour la plupart ultraconservateurs, dans les cours d’appels et tribunaux fédéraux du pays au cours de son second mandat. Déjà, il y a plus d’un an, 16 des 20 noms proposés avaient été bloqués par le Sénat, pourtant à majorité Républicaine, qui jugeait les candidats trop conservateurs. Il est vrai que le système judiciaire constitue actuellement le seul rempart contre les menées de Bush. Ainsi la loi de novembre 2003 a-t-elle été déclarée anti-constitutionnelle par un juge fédéral californien le 25 mai 2004. Les déclarations de Bush et du président du groupe républicain au Sénat, condamnant cette décision, en disent long sur leur volonté de contrôle sur l’appareil politique et judiciaire du pays au nom de la liberté, bien sûr.

Victimes de la croix

Autre secteur clé à contrôler, l’éducation à la sexualité. Là aussi, la situation est déplorable. Un récent rapport parlementaire relève que 11 des 13 manuels les plus utilisés « déforment la réalité sur l’efficacité des contraceptifs, donnent de fausses informations sur les risques de l’avortement, entretiennent un flou entre science et religion, traitent comme des faits avérés des stéréotypes sur filles et garçons, et contiennent des erreurs scientifiques de base, allant jusqu’à affirmer, par exemple, que toute activité sexuelle accroît le risque de cancer de l’utérus ou que toucher le sexe d’un(e) partenaire peut provoquer une grossesse3. Le tout, évidemment, afin de promouvoir la chasteté promotion qui passe également par des cours d’éducation sexuelle dans les lycées, financés à hauteur de 1 milliard de dollars par le gouvernement fédéral4. L’an dernier, il a accordé 117 millions de dollars aux programmes qui font la promotion de l’abstinence, contre seulement 40 millions à ceux qui abordent aussi la contraception5

Et ce qui est valable pour les Etats-Unis l’est pour le reste du monde : lorsqu’il annonça qu’il débloquait 15 milliards pour la lutte contre le sida en Afrique, Bush précisa que ces fonds seraient utilisés pour promouvoir chasteté et la fidélité. Pire encore, dès mars 2001 il décidait de rétablir la Global Gag Rule (Règle du Bâillon Mondial) qui interdit au gouvernement de soutenir les organisations de planification familiale appuyant l’avortement dans d’autres pays. Cette interdiction avait été instituée en 1984 par Ronald Reagan, mais avait été levée en 1993 par Bill Clinton6. Dans le même sens, Bush a également décidé de ne pas verser la dotation de 34 millions que le Congrès américain a accordé au United Nations Population FUND (UNFPA)7. Là encore, le but est clair : il s’agit, en contrôlant directement l’utilisation des fonds et en influençant les programmes d’éducation, d’imposer de fait aux habitants du Tiers-Monde, comme à ceux des Etats-Unis, les conceptions religieuses de Bush et de son administration.

La croisade, ici, ne passe pas par les armes, mais l’effet n’est pas moins destructeur.

Alf

1 : Cf. http://www.marchforwomen.org

2 : Il s’agit du Salisbury Post. Cf. le Figaro du 17/01/05.

3 : Dépêche AFP du 02/11/04

4 : L’Express du 20/12/04

5 : Cf. http://www.gazettedesfemmes.com/communique/?F=nov_dec2003rub=1

6 : Plus d’infos sur : http://www.crlp.org/fr_pub_factsheets.htlm/


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