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?page=sommaire >Journal >Numéros parus en 2006 >N°54 - Décembre 2006 > A Bas le pouvoir (de quelques uns) ! Vive le pouvoir (de chacun) !

 
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A Bas le pouvoir (de quelques uns) ! Vive le pouvoir (de chacun) !

Exercer son pouvoir, c’est faire triompher au sein d’une relation sociale sa volonté même contre des résistances, autrement dit contraindre un-e ou des individu-e-s à agir contre leur gré. « Nous disons d’un homme qu’il possède un grand pouvoir, comme si le pouvoir était un objet qu’il transporte dans sa poche […] Le pouvoir n’est pas une amulette que l’un possède et l’autre non ; c’est une particularité structurelle des relations humaines [1] ». Le pouvoir est avant tout une relation d’interdépendance. Mais ce n’est pas ce rapport en soi que l’on peut critiquer : dans une discussion, un individu peut convaincre l’autre qu’il a raison, que sa solution est la meilleure, sans que l’on y trouve rien à redire. Lorsque vous acceptez d’aller voir un film qui ne vous plaît pas pour faire plaisir à un ami, votre ami a exercé son pouvoir sur vous et pourtant, vous n’allez pas vous révolter, car la réciproque sera tout aussi vraie. Le problème de la relation de pouvoir est qu’elle est souvent inégale, ancrée dans des rapports sociaux de domination et que cette domination est durable.

La relation de pouvoir n’est donc pas seulement un rapport interpersonnel, qui s’établit dans chaque relation sociale, mais aussi un rapport impersonnel, reposant sur une structure sociale hiérarchisée. Ce rapport impersonnel est celui que peuvent exercer les institutions comme l’Etat, l’école ou les médias, mais également celui que donne un statut dans la société, que ce statut soit institutionnalisé (ministre, professeur, maton, policier…) ou non (genre, origines…). On devine donc que les rapports impersonnels de pouvoir rejaillissent sur les relations interpersonnelles. Cependant, nous avons une prise sur la relation interpersonnelle, c’est au sein de ces rapports que nous pouvons établir l’égalité.

Multiple, le pouvoir l’est donc dans ses modalités, mais aussi dans ses fondements. Il repose bien évidemment sur la coercition. « La peur du gendarme » est un instrument très efficace pour contraindre à l’obéissance. Cependant, elle ne suffit pas. Une part de la servitude est volontaire. C’est le cas notamment lorsque le pouvoir repose sur la rétribution (une bonne note, l’assentiment d’autrui, une promotion) : la soumission est alors valorisante. Mais, au delà, se soumettre est aussi un moyen de ne pas se mettre en question, ni en danger, de s’ancrer dans son confort quotidien (qui n’a parfois de confort que la force de l’habitude, de la sécurité du « connu »). Mais, cette soumission à l’autorité est-elle réellement volontaire ou ne repose-t-elle pas sur une forme de pouvoir beaucoup plus pernicieuse, qu’est la persuasion ? En effet, à travers l’éducation, l’individu acquiert les valeurs et les normes, qui lui permettront ensuite de se soumettre au pouvoir, non par contrainte mais parce qu’il adhère à ses justifications qui lui sont serinées en permanence. On peut voir ce processus à l’œuvre sur la question de l’insécurité. Les médias ont joué un formidable relais de par leur traitement « sensationnel » des faits divers. Et la peur s’est ancrée dans les esprits. Elle est devenue un puissant instrument de gouvernance, permettant de faire accepter des lois liberticides à la population, avec son assentiment (du moins partiel) : on préfère être surveillé, contrôlé, sanctionné que de vivre dans « l’insécurité », car le danger serait réel et « on » saurait d’où il vient. L’usage de la peur pour asseoir un pouvoir n’est pas nouveau. Hegel le mettait en avant dans sa dialectique du maître et de l’esclave : le maître est celui qui n’a pas peur de mourir, l’esclave celui qui préfère être asservi plutôt que de risquer de perdre la vie. L’avantage de la peur est qu’elle est intériorisée, nos propres peurs nous gouvernent. Est-ce à dire que nous ne devons plus avoir peur ? Certainement pas. La peur est un réflexe sain. Détruire la peur est dangereux et peut conduire aux pires extrémités, y compris l’autodestruction. Oui, il est normal d’avoir peur : peur de vivre dans une société totalitaire, peur de vivre dans une société d’exploités « robotisés », peur de finir en prison pour s’être révolté contre la société… Mais, la peur ne doit pas nous gouverner. Elle doit être surmontée. Seul le dépassement de la peur peut nous permettre de nous réapproprier nos vies.

Car, voilà la clé, ne pas se laisser gouverner. Pour détruire les relations de domination, il n’y a pas 36 solutions, mais des milliers qui vont toutes dans le même sens : pour empêcher que quelques-uns s’approprient le pouvoir, nous devons tous nous le réapproprier.

Vous en avez un aperçu, le pouvoir est un phénomène complexe à appréhender (de multiples niveaux, de multiples ressorts). Nous aurions pu en rester à l’habituel credo libertaire du « Ni Dieu, ni maître », mais nous avons choisi d’aller plus loin. Certes, il nous semblait impossible de nous affranchir de la critique de la pratique du pouvoir au sein de notre société et de l’analyse de certains de ses ressorts comme la soumission à l’autorité. Mais, dire non (par la grève, la manifestation, ou tout autre forme de prise de parole publique), refuser de se soumettre (que ce soit par la désobéissance civile, le soulèvement ou de simple contournement des règles) n’est qu’une première étape. Il faut ensuite construire, se réapproprier le pouvoir en s’engageant. Démocratie directe, autogestion, municipalisme libertaire ne sont pas que des utopies, à nous de les faire vivre.

Nous ne voulons pas détruire le pouvoir, nous voulons que toutes et tous se le réapproprient. Ne laissons à personne le soin de décider à notre place. Sur ce, bonne lecture !


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