Retour accueil

?page=sommaire >Journal >Numéros parus en 2008 >N°67 - Mars 2008 > DECOLONISONS LE FEMINISME

Au croisement du racisme et du sexisme

 
?page=archives

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

DECOLONISONS LE FEMINISME

Dans le dossier sur le queer du No pasaran de septembre 2006, nous avions commencé à aborder la question du croisement des luttes de race, classe et genre. Les théoriciennes queer vont s’inspirer du black feminism pour dire, comme Beatriz Préciado, qu’il ne s’agit pas simplement de prendre en compte la spécificité raciale ou ethnique de l’oppression comme une variable de plus à coté de l’oppression sexuelle et de genre, mais plutôt d’analyser les espaces de superposition entre genre, sexe et race (la sexualisation de la race et la racialisation du sexe). La race, la classe, le sexe, la nationalité … n’existent que comme faisant partie d’un réseau complexe de relations mutuelles. Il ne s’agit pas d’additionner politiques homosexuelles, politique du genre, politique antiraciste. Il s’agit d’inventer et de créer des « stratégies d’intersectionnalité politiques » (Kimberly Crenshaw, 1996) qui défient les espaces de « croisement des oppressions » (Bell Hooks, 2000). Dans un contexte un peu plus franco-francais, nous citions également Marie Hélène Bourcier qui concluait : « Il est aussi vrai que l’un des grands chantiers de la théorie et des politiques queer, réalisé avec plus ou moins de bonheur, est d’essayer de prendre en compte les différents niveaux d’oppressions sociales, économiques et culturelles non de manière cumulative, mais de voir en quoi la construction ou la production des genres, de la race, des corps normaux et des nations sont indissociables ». Les politiques queer s’ingénient à prendre en compte cet impératif « d’intersectionnalité » de manière à ne pas reproduire l’obnubilation excluant d’un seul facteur de domination : la classe pour le marxisme, le genre pour le féminisme, la race/ethnicité pour les politiques antiracistes  ».

Dans ce dossier, on souhaitait revenir sur ces questions de croisement entre race, classe et genre dans le contexte Français. Durant son intervention, Elsa Dorlin s’applique à démontrer que l’on ne peut pas comprendre le sexe et la race en termes de catégories politiques, idéologiques de façon séparés. Et ceci est d’autant plus important que les medias et les responsables politiques nous demanderaient d’opposer la lutte anti-raciste à la lutte anti-sexiste. Chaque front est présenté comme étant la limite de l’avancée de l’autre. Au nom de la libération des femmes, il fallait stigmatiser et exclure toute une frange de la société des écoles, comme dans l’affaire du voile qui sera développé ici.

Au fond, il y’a une idée en France qui se diffuse qui voudrait que le sexisme n’existe qu’ailleurs, au delà du périf’, au delà de la méditerranée. Par exemple, si Ni Putes ni Soumises dénonce un sexisme très réel, il semble en revanche totalement ignorer que le sexisme n’est pas l’apanage des « quartiers et banlieues ».

Dans la revue Nouvelle Question Féministe de 2006 «  sexisme et racisme : le cas français », Christelle Hamel décortique l’intensification des discours médiatiques sur les violences sexistes. Les hommes dits « arabes » ou « musulmans  » sont présentés comme des individus particulièrement sexistes et leurs épouses et leurs filles comme des victimes tantôt soumises tantôt rebelles de pratiques « archaïques ». Pour Christelle Hamel, les violences sexistes constituent l’un des biais principaux par lesquelles les migrant-e-s et leurs déscendant-e-s sont représenté-é-s. La médiatisation du meurtre de Sohane « brulée vive » en 2003 , Ghofrane tuée à coup de pierres en 2004 et enfin la tentative de meurtre de Sheherazade en 2005 par un jeune pakistanais va se focaliser sur les méthodes barbares de ces meurtres. Ces meurtres furent vivement et unanimement condamnés.

Le contraste de cette condamnation avec les excuses qui furent trouvées à Bertrand Cantat à la suite du meurtre de Marie Trintignant en août 2003, selon Christelle Hamel est flagrant, puisque son geste fut fréquemment expliqué par « l’amour passionnel ». En somme, elle explique, le caractère «  exotique » des moyens employés dans le cas des meurtres commis par ces hommes appartenant à des minorités laissait entendre que leurs gestes respectifs résultaient de « l’archaisme  » ou de la « barbarie » de leur « culture », ce qui dans le même temps jetait le soupçon sur tous les autres hommes porteurs des « cultures » incriminées. A contrario, le moyen utilisé par Bertrand Cantat ne fut aucunement attribué à la « culture française ». Le meurtre de Marie Trintignant fut au contraire imputé au caractère « hors du commun » du couple Cantat-Trintignant. Ce processus d’hyperindividualisation de la violence sexiste protège la culture « française » et par suite le groupe majoritaire de toute critique, niant le caractère structurel de la domination masculine. Ces « deux poids deux mesures  » représente pour Christelle Hamel la racialisation du sexisme. Objet donc de notre dossier ce mois ci.


Décolonisons le féminisme

SEXISME, RACISME ET COLONIALISME

Conférence d’Elsa Dorlin, 30 janvier 2008

Elsa Dorlin est maître de conférence en philosophie à Paris 1 et l’auteure de La Matrice de la race : généalogie sexiste et coloniale aux éditions La Découverte. L’ÉMERGENCE DU CONCEPT DE RACE ET DU RACISME MODERNE Le concept de race tel qu’on l’entend dans un sens moderne apparaît à la fin du XVIIe siècle en France. Ça ne veut pas dire que le terme n’existait pas auparavant, mais il désignait essentiellement la « famille » ou le « clan » (définition qui a (...)[Lire...]


Une partie du débat avec le public

Comment on en arrive au triptyque genre-sexe-race alors qu’avant, en France, on a souvent occulté le croisement avec le racisme ?

[Lire...]


PENSER LE MINORITAIRE

Difficile de parler du croisement entre oppressions sexiste et raciste en France sans évoquer la pensée de Colette Guillaumin. Son ouvrage L’Idéologie raciste (Gallimard, 2002), publié en 1972 sur la base d’une recherche menée en 1967-68, marque un tournant dans les études du phénomène raciste. Je voudrais donc en présenter ici quelques aspects particulièrement utiles pour comprendre et lutter contre les dispositifs de minorisation des opprimé-e-s. Ce livre naît d’une (...)[Lire...]


racisme et sexisme, avatars de la catégorisation sociale

Il peut paraître hasardeux de comparer racisme et sexisme. Cependant, les deux phénomènes découlent en partie des mêmes mécanismes. Même s’il convient de ne pas les confondre, le parallélisme entre les deux phénomènes n’est pas dénué de sens pour l’analyse. Voici donc quelques pistes de réflexions. La plus frappante des similitudes entre le racisme et le sexisme est, en effet, l’essentialisation des différences que ces deux « attitudes » soutendent. On retrouve (...)[Lire...]


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net