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SANS-PAPIERS À ROUEN : BILAN D’UNE OCCUPATION
Depuis le 6 juin 2006, l’Eglise Saint-Sever de Rouen est occupé par le collectif des sans-papiers de
l’agglomération rouennaise. A l’heure où il s’apprête à quitter le lieu, voici un petit bilan.
Pourquoi avoir occupé ?
Au mois de juin, la lutte des sans papiers
s’enlisait. Pour se donner de la visibilité, le
collectif des sans-papiers décide alors d’occuper
l’Eglise Saint-Sever avec l’accord de
l’Evêché. Les sans-papiers disposent dès lors
d’un lieu pour se réunir et se donne les
moyens d’établir un rapport de force avec la
préfecture.
Comment s’est organisée la lutte
pendant ces 10 mois ?
Le rythme de lutte est soutenu. Tout d’abord,
une réunion hebdomadaire avec les
soutiens et une AG des sans-papiers toutes
les semaines qui permet le partage des informations et la prise de décision. Les rassemblements
sont également bi-hebdomadaires
:rassemblement devant la préfecture le mercredi,
rassemblement devant l’Eglise Saint-
Sever le samedi, suivi parfois d’une manifestation
dans le centre-ville de Rouen. A cela
se sont ajoutés plusieurs séances de parrainage
« citoyen » (cad devant les élus de
l’agglomération rouennaise) ou symbolique.
Le bilan de ce mode de fonctionnement est
mitigé. Tout d’abord, l’occupation n’a vécu
que par le surinvestissement de certains.Peu
de sans-papiers et encore moins de soutiens
sont présents hors des moments de réunion
et en particulier la nuit, ce qui a mené le
bureau à soumettre l’inscription au collectif
des sans-papiers à leur participation à l’occupation
et aux diverses actions. De plus, si
dans les premiers mois de l’occupation, la
présence des soutiens étaient massives et
les sans-papiers étaient nombreux, la dynamique
s’est peu à peu essoufflée. Les dernières
« grosses » manifestations regroupaient
à peine 150 personnes. De fait, même si l’on
peut le déplorer, il semble que les parrainages
soient la plus grande réussite de ces dix
derniers mois. Selon les sans-papiers, le parrainage n’a pas été simplement symbolique :
les « parrains » ont véritablement soutenus
les sans-papiers qu’ils parrainaient, notamment
en les accompagnant en préfecture, en
leur fournissant une adresse administrative,
etc. Le constat est simple : il est difficile de
mobiliser sur le thème de la régularisation
de tous les sans-papiers, alors que les individus
sont prêts à agir pour des personnes
parce qu’ils les connaissent ou qu’elles ont
une histoire particulière. Le succès de RESF
l’a bien montré. Difficile dans ce contexte de
sortir de la logique du « cas par cas » !
Quelles relations avec la préfecture ?
Au début de l’occupation, les sans-papiers
avaient obtenu une audience avec le préfet.
Au milieu de l’été, tout était à refaire car le
préfet changeait. Le 13 septembre, le collectif
obtient un rendez-vous avec le nouveau
préfet : refus de toute régularisation massive,
mais divers engagements sont pris. Et
bien sûr ils n’ont pas été tenus. Une liste de
156 sans papiers a été déposée. Les dossiers
sont examinés lors d’audience à la préfecture
en présence de membre du bureau des
sans-papiers et de soutiens. Sur 60 dossiers
examinés à ce jour, 13 sans papiers ont été
régularisés lors des audiences et 3 hors
audience, 9 ont été rejetés définitivement. La
préfecture fait traîner les dossiers et les
audiences se soldent de plus en plus par de
simples avis à confirmer par la suite. Le collectif
déplore notamment que de nombreux
dossiers qui bénéficiaient d’un avis favorable
à l’issue de l’audience soient ensuite rejetés
définitivement et on imagine aisément l’impact
psychologique sur le sans-papiers qui se
croit enfin sorti de cette galère pour y
retomber aussitôt. Le collectif s’inquiète en
particulier de la situation des célibataires et
des couples sans enfant dont les dossiers
sont automatiquement rejetés. Il souligne
aussi que le préfet n’a jamais utilisé la dérogation
à titre humanitaire, seul possibilité
d’être régularisé pour de nombreux sans
papiers. En outre, il y a eu 13 arrestations
depuis le début de la mobilisation dont 4 se
sont soldés par des expulsions. La majorité
était due à des contrôles au faciès.
Au final, l’espoir s’amenuise, la mobilisation
s’épuise.Dans une semaine, le collectif quitte
la sacristie après l’avoir repeinte pour
remercier le prêtre qui les a accueillis. Ils
vont reprendre des forces pour continuer le
combat après les élections, en souhaitant
n’avoir en face d’eux ni « Le Pen l’original et
Sarkozy la copie » !
Virginie
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