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> N°71 Novembre-Décembre 2008
> La Guelaguetza Populaire dans l’Etat du Oaxaca 2008
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La Guelaguetza Populaire dans l’Etat du Oaxaca 2008Cet article constitue un résumé de ce que j’ai pu vivre au cours de l’avant-dernière semaine de Juillet dans la ville de Oaxaca, Mexique. Depuis l’énorme mobilisation populaire de 2006 (initiée par une grève des instituteur-trice-s, mais dont les mots d’ordre se sont élargis au reste de la société ), l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (ou APPO, « mouvement de mouvements », intégrant toutes les composantes du mouvement social de Oaxaca) s’est battue, entre autres, pour se réapproprier la fête traditionnelle de la Guelaguetza (« Offrande » en zapotèque)... Au cours du mois de juillet, la ville est donc le curieux théâtre de deux rassemblements : d’un côté la Guelaguetza « officielle », tenue par le gouvernement, et de l’autre, la Guelaguetza populaire, menée par les insoumi-e-s de Oaxaca et de tout l’État.
Commençons par la fête « officielle ». On trouve des renseignements partout dans les guides touristiques, on peut dire l’Office de Tourisme de la ville met le paquet... Alors c’est bien normal que des hordes viennent tous les ans admirer les danses traditionnelles, en buvant des bières et en se gavant de tacos dans les restos chers et chics qui forment une couronne autour du Zocalo, place centrale de Oaxaca. Attitude assez banale, somme toute, au Mexique, où les traditions, le « folklore », sont un des principaux attraits touristiques du pays, où dans certains États (notamment dans le Oaxaca) la population indigène est largement majoritaire. Quand je suis arrivé dans la ville (que j’avais traversée plus d’un mois avant avec des amis, le temps dune escale sur la route du Chiapas) j’ai été frappé par les transformations et les aménagements prévus pour les touristes. Confort visuel tout d’abord : aucun tag politique ou presque à l’horizon, tous les murs du centre-ville jusqu’au terminal d’autobus sont couverts dune peinture verdâtre à l’endroit où quelques semaines avant on pouvait lire « URO Assassin » (URO est l’acronyme de Ulises Ruiz Ortiz, gouverneur de l’État de Oaxaca), « Le peuple ne sera jamais vaincu », « Nous ne voulons pas de prisonniers politiques, mais les politiques en prison », « Boycott de la Guelaguetza Policière »... etc. Sécurité maximale dans les quartiers fréquentés par les étrangers : on ne peut pas faire un pas sans croiser du regard un ou une flique, avec un dépliant touristique dans la main gauche et un tonfa dans la droite. Pour un pékin de base, sans curiosité aucune, Oaxaca est une étape importante dans son tour de 3 semaines « à la découverte du Mexique ». Il y verra des églises monumentales, un Zocalo verdoyant, des places ensoleillées et les ruines de Monte Alban, site archéologique d’envergure. Il aura peut-être vaguement entendu parlé qu’en 2006, les touristes comme lui avaient du renoncer à tout ça à cause « du conflit », « dune grève avec des professeurs », « de terroristes »... mais tout ceci est bien derrière. Oaxaca est revenue au calme. D’ailleurs, dans sa tête, Pekin Moyen pense que le Mexicain est un être très calme, qui porte un sombrero ainsi qu’une moustache et qu’il fait souvent la sieste. C’est un peu emmerdant pour Pékin Moyen, ce calme des Mexicains parce que parfois, Pékin Moyen doit attendre des bus qui arrivent tout le temps en retard. Ce qui ne cadre pas très bien avec son tour express de 3 semaines, tu comprends bien. Pékin Moyen marche dans la rue piétonne et il est trop occupé à affiner le réglage de son appareil photo numérique pour s’occuper des affiches collées sur les murs qui annoncent l’imminence de la Guelaguetza Populaire. Pas celle du fric. Pas celle des assassins. Pas celle du gaz lacrymogène. Pas celle des mafias politiques de « gauche » comme de droite. Pas celle qui veut voir la culture indienne dans les musées et dans quelques défilés payants. Pékin Moyen, je te plains. Mais pas trop longtemps, j’ai d’autres trucs à faire. UNE GUELAGUETZA POPULAIRE : RÉALISÉE PAR LE PEUPLE ET POUR LE PEUPLE J’arrive un peu en avance, au départ dune longue journée de manifestation au sein de la ville. En grignotant une quesadilla (grande tortilla fourrée de fromage de Oaxaca), je vois quelques familles se trimballer des personnages en papier mâché et en carton, chargés de pétards. Je me demande combien nous serons une heure plus tard. Le chiffre exact, je ne lai jamais su, mais ce que j’ai constaté et ressenti, c’était que la « calenda » (déambulation festive, à la fois carnaval et manifestation) était une vague qui ne sarrêtait jamais d’enfler. Nous avons traversé un nombre incalculables de petits quartiers périphériques. Pékin Moyen et sa famille ne vont jamais par ici, « ça fait trop bidonville ». C’est pourtant au coeur de ces quartiers « périphériques » que se sont élaborées et expérimentées de structures alternatives au pouvoir en place, autoritaire, vertical et corrompu. En 2006, dans la ville de Oaxaca, on comptait un millier de barricades érigées dans ces rues. Au milieu de cette vague, des gens de tout l’État de Oaxaca, depuis les côtes du Pacifique jusqu’à la Sierra Mazatèque. On m’aborde fréquemment car nous, les guer@s (« blanc-he-s) ne sommes pas très nombreuxeuses. Guère une vingtaine qui marche au sein de la calenda. Les dégustations de Mezcal sont fréquentes, puisque chaque délégation de chaque région souhaite bien me prouver que leur production est la meilleure. Assurément, vers 5h de l’aprèm’, en plein soleil, le ventre vide suite à une indigestion la veille, je ne marche pas très droit. ça tombe bien car durant cette Guelaguetza il convient de danser, de bouger d’un groupe à l’autre, de se laisser porter au gré des rencontres. Aux discours politiques succèdent les danses traditionnelles. Puis à nouveau les discours, chaque orateur-ice marquant, avec détermination, leur volonté de poursuivre la lutte engagée depuis longtemps contre le gouverneur. Ulises Ruiz est partout durant cette calenda... mais partout sous des formes différentes. Tantôt il est un gigantesque ver, ou bien un insecte répugnant. Très souvent il possède un corps de porc. Ou bien un uniforme nazi. Sur les pochoirs qui recouvrent les murs (là où les services de nettoyage ne sont pas passé), il a un gigantesque étron à la place du cerveau. Pékin Moyen trouverait ça sans doute vulgaire. Pas très « typiquement mexicain ». Ce qui est « typiquement mexicain », C’est sont la Corona et le guacamole. La bonhommie et la gentillesse. « VIVE LE FEU ! »... AUSSI À OAXACA ! Vers 8h du soir, la calenda converge vers le Zocalo, place où se rassemble le peuple en cas de problème ou de fête... la veille, au même endroit, j’avais assisté à une calenda similaire, mais avec des danseur-euse-s « officiel-le-s »... la différence est criante. Hier il n’y avait quasiment personne, comparé à la marée humaine qui vient se masser autour des installations pyrotechniques. Quand la nuit sera tombée, tout aura brûlé en faisant le plus de boucan possible. j’ai la trouille des pétards mais je n’aurai pas le choix. Encore des appels vibrants à la foule et une pensée permanente pour celles et ceux qui ne peuvent pas être là ce soir... parce que assassiné-e-s ou emprisonné-e-s. Lorsque tout s’embrase, je ne sais pas trop où me mettre. Alors je me met aux premières loges. Histoire de voir le fragile édifice de plusieurs mètres cramer peu à peu. A son sommet, dernier clin d’oeil en forme de coup de pied au cul à Ulises Ruiz : un hélicoptère (SON hélico, avec lequel il avait survolé la ville en grève...) qui s’enflamme et qui part en vrille avant de finir sa course en percutant le mur de la cathédrale voisine. Pékin Moyen, si tu passais par là, tu as dû trouver le feu d’artifice très joli, mais tu n’as pas dû comprendre pourquoi tout le monde chantait cette chanson : « Venceremos ! » ,« Nous vaincrons ». Mais C’est bien connu, un Mexicain Typique, dès que ça chope une guitare, ça se met à chanter n’importe quoi. Ils ont ça dans le sang, sans doute. Le lendemain est une autre journée, peutêtre moins « impressionnante » pour moi que le défilé de la veille... mais tout de même, C’est le coeur de la Guelaguetza : une journée complète de danses dans un stade entièrement sous contrôle de la APPO (pas de flics ni de vigiles, juste de nombreuses personnes avec des badges de la APPO pour parer aux éventualités, très souvent des femmes ou des jeunes... Aucune montagne de muscles comme C’est fréquent dans les services d’ordre). On bouffe pour pas cher (les emplacements des cuisines ne sont pas payants, la nourriture reste donc à un prix accessible... Pékin Moyen, tu viens de rater une jolie affaire, toi qui marchande tout tout le temps !) et on discute très facilement de tout et de rien... Malin comme un singe, ce jour-là je portais un T-shirt adéquat : une phrase de Ricardo Flores Magon sur le féminisme (« lors - qu’une femme avance, cela n’implique pas qu’un homme recule ») qui ma fait gagner le coeur des cuisinières et des quesadillas gratuites. Miam. « Pour tous les camarades tombé-e-s sous les coups de la répression, pas une minute de silence, non, mais tout une vie de lutte et de joie. » C’est ce qui se dit et se répète. Les frontières entre joie, douleur et détermination ne sont pas faciles à cerner. Entre martyrologie et revendication du droit à la fête et au retour de l’insouciance... C’est sans doute beaucoup trop compliqué pour Pékin Moyen, qui a de toutes façons quitté Oaxaca très tôt ce matin pour filer un peu plus en avant sur son trajet touristique pré-établi, sécurisé et climatisé. Il me reste encore quelques jours à Oaxaca, que je coule en compagnie des artisanspunks qui se sont réapproprié un espace de vente en centre-ville et des copains internationalistes venus également rencontrer la APPO ainsi que le VOCAL (Voix Oaxaquénienne Construisant l’Autonomie et la Liberté, fraction de la APPO anti-électoraliste... que l’on pourrait qualifier de « libertaire »). ★ Belle de Fontenay Un grand salut à Scott pour les photos ! Vous pouvez consulter son blog |
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