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> N°71 Novembre-Décembre 2008
> AUTOUR DE LA QUESTION DU GENOCIDE JUIF - RETOUR SUR DEUX OUVRAGES
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AUTOUR DE LA QUESTION DU GENOCIDE JUIF - RETOUR SUR DEUX OUVRAGES
Histoire du négationnisme en France Valérie Igounet - éditions du Seuil - 2000 - 692 pages Vu que je me suis tapé ce gros pavé cet été, je vous en fait un rapide compterendu, pour transmettre quelques éléments d’histoire et de réflexion sur le négationnisme en France. Disons-le tout de suite, le livre d’Igounet n’est indispensable que pour ceulles qui voudraient acquérir une connaissance précise de l’histoire du négationnisme français : assez peu conceptualisé, il est principalement un ouvrage de référence, fondé sur une lecture exhaustive des textes négationnistes français, et sur de nombreux entretiens avec les gusses en question. Il ne faut donc pas s’attendre à une histoire politique et idéologique du négationnisme brossée à grands traits, mais plutôt à la présentation précise de parcours individuels. Si le propos est organisé de façon classiquement chronologique, Igounet propose néanmoins une périodisation, par la distinction de quatre âges du négationnisme :
La section consacrée à ce dernier est passionnante, car il est rarement fait mention, dans les milieux libertaires, de l’importance de Rassinier dans la Fédération Anarchiste, qui a eu beaucoup d’influence sur l’appareil militant et qui n’a été mis à l’écart que très tardivement.
Au final, cette histoire du négationnisme montre bien les trajectoires de radicalisation, les modalités de récupération, la constitution de réseaux réussissant à propager l’idée négationniste jusque dans des milieux inattendus. Mais, comme le reconnaît l’auteure, si en rester à une scène française peut avoir un sens jusque dans les années 1980, cette optique a désormais peu de sens : les nouveaux lieux privilégiés de maintien des réseaux négas sont hors d’Europe, notamment en Iran, ou carrément transnationaux, avec le rôle fondamental d’Internet pour l’échange et la propagation des documents négas. Il reste donc pas mal de travail à faire pour réussir à comprendre les formes contemporaines du négationnisme, et de luttes à mener pour limiter l’influence de ce qui reste avant tout un outil de propagande pour l’extrême droite. Sam La violence nazie : une généalogie européenne Enzo Traverso - éditions La Fabrique - 2002 A l’opposé de toutes les approches qui font du nazisme et de l’extermination des Juifs d’Europe une expérience hors-histoire et hors-politique, inexplicable du fait de son horreur, Enzo Traverso montre dans cet essai « l’ancrage profond du nazisme [...] dans l’Europe du capitalisme industriel, du colonialisme, de l’essor des sciences et des techniques modernes, dans l’Europe de l’eugénisme, du darwinisme social. » (p.23) Sans essayer de déterminer précisément les causes dernières du nazisme, il en montre les conditions de possibilités culturelles, économiques, sociales. Sa thèse est que si l’on trouve effectivement réunis dans l’Allemagne des années trente un ensemble de traits récupérés et mis en forme par le nazisme, aucun de ces traits n’est spécifique à l’Allemagne : on les trouve tous, inégalement répartis, dans différentes régions, classes, milieux intellectuels de l’Europe. Le nazisme serait ainsi une expérience à la fois pleinement européenne par les éléments qu’elle agrège, et entièrement exceptionnelle par sa manière de les agréger. Autant le dire franchement, ce petit ouvrage est indispensable : il donne tout son sens à la conception radicale de l’antifascisme, qui refuse à la fois de banaliser les expériences fascistes en les dissolvant dans une critique abstraite du capitalisme et de l’État, et de les séparer de l’histoire du capitalisme et des « démocraties » occidentales, dont l’antifascisme supposé servirait de caution morale pas chère. Bref, un bouquin éclairant, lisez-le ! NÉGATIONNISME OU RÉVISIONNISME ? La question est plus complexe qu’il n’y paraît. Le terme « révisionnisme » est revendiqué par eux car il semble plus acceptable, les rattachant à une tradition de révisions historiques et doctrinales. Or leur révisionnisme n’a rien d’historique (aucun d’eux (en France) n’est historien, et aucun n’utilise les méthodes et les types de raisonnement considérés comme valides par les historiens), et ce qu’ils révisent n’est pas une doctrine. C’est donc leur faire beaucoup trop d’honneur que de les appeler « historiens révisionnistes ». Mais si le terme « négationnisme » désigne mieux leur relation à la politique nazie d’extermination, il est lui aussi insuffisant : car si les négationnistes nient l’existence des chambre à gaz, ils ne font pas que ça, ce n’est même pas leur but premier ; ils se servent de la négation pour justifier une lecture paranoïaque, antisémite et pronazie non seulement de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, mais de tout le vingtième siècle, voire au-delà : pour eux, la croyance en l’existence des chambres à gaz n’est pas une erreur d’historiens, mais un mensonge politique permettant de justifier, en vrac, le capitalisme, la domination juive sur le monde, l’existence d’Israël, l’antifascisme etc. Difficile donc de choisir entre négationnisme et révisionnisme, car ces personnes font les deux, accentuant l’une ou l’autre dimension en fonction des circonstances ; de même, selon les circonstances, on peut utiliser l’un ou l’autre pour les désigner. |
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