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Le combat de No Pasaran : interview de Laurent, militant.



Le site internet de diffusion militante Goéland à décidé, ce 13 novembre 2013, de donner un peu de visibilité au réseau No Pasaran par le biais de l’interview de Laurent, 40 ans, membre de l’association No Pasaran et engagé depuis le milieu des années 90 dans le combat antifa.

Salut Laurent, avant toute chose peux-tu présenter l’organisation No Pasaran à ceux qui ne la connaissent pas encore ?

Le Réseau No Pasaran est issu du mouvement antifasciste radical. Son analyse de la montée de l’extrême droite et des idéologies xénophobes, sécuritaires et autoritaires, et son expérience de lutte antifasciste l’ont amené à élargir son champ d’intervention. Le Réseau No Pasaran combat toutes les formes de domination : capitalisme, racisme, patriarcat, aliénation, apartheid social, répression… Il lie étroitement sa réflexion – sur le système dominant et sur l’élaboration d’alternatives – et ses revendications aux pratiques militantes rupturistes qu’il développe.

Ni organisation partidaire, ni structure figée, le Réseau No Pasaran se compose de groupes et collectifs fédérés entre eux à travers l’hexagone. Il fonctionne sur un mode libertaire. Partie prenante de la lutte internationale contre le capitalisme et toutes les formes d’autorités, il développe échanges et actions avec des groupes de nombreux pays. Il s’inscrit dans un large mouvement d’émancipation politique, économique, social et culturel pour lequel résister c’est créer.

Nous participons aux actions et aux manifestations avec d’autres organisations dans de nombreuses villes en s’unissant dans des collectifs.

Qu’est ce qui t’a donné envie de rejoindre No Pasaran plutôt qu’une autre association ? Tu t’es toujours senti concerné par la cause anti-fasciste ?

Depuis les années quatre-vingt le renouveau de l’extrême droite ne s’est pas traduit simplement par l’installation du Front national dans le champ politique institutionnel, et le développement de groupes radicaux (Bloc identitaire, groupes nationalistes de tout poils, etc.). C’est aussi et surtout d’une manière plus dangereuse la propagation et l’acceptation d’idées et de valeurs liberticides, racistes et réactionnaires, ce qu’à No pasaran nous avions dénommé « la lepénisation des esprits », terme aujourd’hui repris par toute la sphère de gauche. No Pasaran avait donc vu juste dès les années quatre-vingt dix dans le fait que ce n’est pas simplement la dénonciation du FN qui importe mais avant tout de lutter contre ce qui le nourrit. Les politiques néo-libérales menées au travers de la construction européenne sont l’élément central et moteur dans la poussée populiste qui envahit le continent. En France l’UMP et le PS sont les exécutants de cette politique et sont donc responsables de l’état de décomposition sociale et économique de la société où les plus pauvres et les plus démunis -à l’instar des Roms- sont stigmatisés et vus comme une population dangereuse, insécurisante. De plus, les dogmes de la croissance comme moyens de sortir de la crise (du système capitaliste) se retrouvent totalement ineptes. Alors que la maison brûle de plus en plus (voir le rapport du GIEC), il faudrait continuer à produire toujours plus et donc à détruire la planète.

On ressent dernièrement une forte montée de l’extrême-droite en Europe, notamment avec ce qui se passe en Grèce où sévit le parti Aube Dorée, quelle est la position de No Pasaran vis à vis de cette situation ?

La question de la montée de l’extrême droite en Europe se pose depuis près de 30 ans.

En 1984 aux élections européennes le Front national et l’EPEN (ancêtre de l’Aube Dorée) en Grèce avait fondé un groupe commun au parlement européen (le Groupe des droites européennes). Cette montée est concomitante de la construction néo-libérale européenne. Les peuples et les classes populaires non seulement n’ont pas leur mot à dire mais quand ils expriment une opinion divergente des élites économiques et politiques, leur vote n’est pas respecté – voir le non au traité communautaire européen rejeté en 2005 en France. L’intégration de pays de l’Est où les droits sociaux sont moindres avec un bas coût de main-d’œuvre entraînent les délocalisations – le cas de la Roumanie avec Renault-Dacia en est un parfait exemple. L’Europe c’est la mise en concurrence des pauvres et des classes populaires entre elles pour défaire l’ensemble des conquêtes sociales chèrement acquises.

Tu penses qu’un tel parti pourrait arriver au pouvoir en France dans les prochaines années ?

Si cela semblait totalement impossible avec un Front national avec à sa tête Jean-Marie Le Pen, l’arrivée de la nouvelle génération, plus pragmatique et moins marqué par l’histoire de l’extrême droite pourrait dans les années futures leur permettre de jouer les premiers rôles. Ce qu’il faut voir, c’est que tant que le Front national sera « anti-européen », il ne peut y avoir d’alliance nationale entre la droite et ce dernier. Sur le terrain local comme on le verra aux municipales, les liens vont se développer comme dans les années 90.

Quelles sont les types d’actions que les membres de No Pasaran mènent au quotidien ?

Les actions sont multiples (tractages, informations, débats, manifestations…), mais on peut dire que l’engagement militant ces derniers années a été marqué par un délaissement des structures organisées au profit de liens communautaires et affinitaires. Il y a un sentiment d’inefficacité de la lutte politique traditionnel, ce qui se comprend tout à fait, et une perte des repères ainsi que des changements profonds dans les liens entre différentes strates de la société. Par exemple dans les années 90, le mouvement antifasciste avait été lié au mouvement des Marches et de Convergence pour l’égalité (1983 et 1984), il y avait des relais dans des quartiers populaires, avec un mouvement de contre-culture -le mouvement du rock alternatif qui a été essentiel dans le développement des groupes antifas. Aujourd’hui on subit les contrecoups de la dépolitisation, du délitement du corps social de gauche (syndicats, associations, éducation populaire, etc.), et d’une difficulté à inscrire sa militance dans un mouvement plus global de contestation de l’ordre établi. Il y a donc nécessité de renouveler à la fois une pensée critique et des pratiques politiques pour que le mouvement antifa soit capable de proposer des axes de mobilisation allant au-delà d’un anti Front National, totalement inefficace.

Récemment, l’opinion a été secouée par la mort d’un jeune militant d’extrême-gauche, Clément Méric, dans une bagarre avec des skinheads d’extrême droite. La lutte anti-fasciste est-elle nécessairement violente ?

Non. La lutte antifasciste est une lutte politique, autour d’idées, de valeurs, de mobilisations pour changer les réalités de ce monde libérale et capitaliste, qui en lui-même porte les germes de situations d’exclusions et de confrontations. Effectivement, il peut s’avérer nécessaire de s’auto-défendre pour que les mouvements d’extrême droite ne puisse faire leur loi (dans les concerts par exemple, dans certains quartiers…), ou s’en prenne aux homos ou aux étrangers – le racisme est consubstantiel de leur idéologie. L’histoire est là pour nous enseigner que la résistance et l’auto-organisation sont une nécessité absolue pour ne pas se retrouver démuni face à ces derniers, qui ont des relais dans les institutions (police, justice, armée). Mais en aucun cas la lutte antifa ne peut se baser sur le virilisme et le machisme, c’est-à-dire sur une pensée guerrière où il suffirait d’être les meilleurs militaires pour « gagner ». La lutte antifa doit s’ancrer dans la construction d’un Front social où les repères de classe et d’internationalisme (par exemple en soutenant les courants laïques, les mouvements féministes dans les pays arabes) soient remis au centre de la réflexion, certes débarrassés des dogmes éculés.

Pour tous ceux qui nous lisent et qui se sentent concernés par la lutte anti-fasciste, comment faire pour aider No Pasaran ?

Avant tout en s’engageant là où on est ; il n’y a pas de petit combat. En n’enfermant pas la lutte antifa dans un combat contre les skinheads. En reconstruisant des espaces de discussion, d’information, de réflexion partout où c’est possible, bien sûr dans les lycées et les universités, mais aussi dans les syndicats et les associations. Si des gens veulent participer plus activement, ils peuvent prendre contact (voir le mail et le site).

Tu as un message à faire passer aux lecteurs du blog ?

Comme le dit une phrase célèbre de Bertolt Brecht, celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu… alors allez voir et faites connaître le film de Gilles Perret « Les jours heureux- Quand l’utopie des résistants devient réalité… ».

Site : http://nopasaran.samizdat.net/

Mail : nopasaran@samizdat.net

Lire l’interview sur le site de Goéland : http://www.goeland.fr/blog/2013/11/...


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
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