Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2003N°25 - Décembre 2003 > UNE BONNE ANNEE DE LUTTE !

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


UNE BONNE ANNEE DE LUTTE !


La droite est passée depuis quelques mois, l’effet 21 avril est légèrement tombé dans les chaumières après un été plus que froid. Pour les étudiants qui, en ce mois d’août 2002, révisent en vu de leur rattrapage, ils peuvent voir les effets d’une gauche plurielle qui a laissé quelques décrets avant de partir. Et le 1er septembre c’est le drame, 5600 postes de surveillants supprimés !


etuL’annonce de la suppression de 5600 postes de pions (MI-SE, Maîtres d’internat et Surveillants d’externat) dès la rentrée 2002 n’a pas véritablement ému les gens si ce n’est les surveillants eux-mêmes, effarés par la perspective de devoir travailler avec des effectifs qui sont déjà de l’ordre de la portion congrue. La première réaction vient le 24 septembre avec une journée nationale sur la question du budget de l’Education nationale, la volonté de l’intersyndicale est de "remettre l’éducation au centre des priorités !". Rien d’autre avant le 17 octobre, la mobilisation se fait lentement, et ne dépasse guère le cadre syndical. Les pions s’inscrivent dans la lutte au travers de ce collectif, alors que dans le reste de la France les emplois-jeunes de l’Education nationale, menacés de chômage, suivront plus tard les pions. Sur Nantes, le 18 octobre est l’occasion d’en remettre une couche, car le ministre de l’Intérieur vient vendre ses Assises des Libertés Locales, grande promotion d’une décentralisation qui rime avec libéralisation. Toujours pas grand-chose. Il faut attendre le 13 novembre 2002 sur Nantes pour qu’une assemblée générale propose de mobiliser véritablement les pions et les aides-éducateurs contre le projet du gouvernement, qui se dévoile quelque peu avec l’annonce de la création d’un nouveau corps de personnel - les assistants d’éducation. De cette AG sort la proposition d’une semaine de grève du 21 au 28 novembre. Le 21 ça commence avec une petite fête dans les locaux de l’université, en soutien aux grévistes. Pourquoi le 28 ? Le ministère doit éclaircir ce qu’il entend par Assistants d’éducation. Les pions et les AE sont seuls. Ils font quelques actions sympathiques mais surtout symboliques. Le soutien des profs est aussi tout ce qu’il y a de plus symbolique. Le projet sort, il est horrible, pire que ce que pouvaient imaginer les pions. C’est l’indignation, l’émoi, la colère, la guerre ! Il ne l’emportera pas ce Ferry ! Les pions le mettront en échec ! La grève illimitée jusqu’à satisfaction des revendications est votée. S’en suit une bonne semaine de flottement, puis tout s’accélère. Une grève ne se comprend pas sans de bons piquets, qu’à cela ne tienne, les lycées bourgeois du centre de Nantes vont être bloqués ! Après tout, un prof sans élèves, c’est inoffensif. Miracle, les lycéen-nes sortent de leur routine et s’en vont gaiement s’épanouir par paquets de 1000 à 1500 dans les rues de la ville, au son de "Mais qu’est ce qu’on veut ? Des pions ! Mais pour quoi faire ? L’éducation !" Comme quoi ils ne sont pas rancuniers vis-à-vis des agents de la répression et de la normalisation scolaire que sont les pions. Les lycéen-nes s’offrent le luxe de faire durer cet état de fait pendant près de 15 jours ponctués par des manifs au rectorat qu’ils organisent et quelques balades au palais de la région qu’ils soutiennent. Quant aux pions eux-mêmes, ils s’offrent en cette fin d’année (le 4 décembre 2002) la joie de se faire expulser du rectorat par les forces de l’ordre…. Le début d’hiver est bien souvent le moment pour se réchauffer le cœur, quel meilleur moyen que le partage ? Alors comme les pions et les AE s’égaillent dans les rues, ils partagent leur amphi avec des intermittents en lutte, et leur manifs avec les précaires et chômeurs. Vous avez dis convergence des luttes ? Cela durera un peu, on se transmet les dates, on fait des appels en communs mais les foules ne viennent pas, pourtant le RMA arrive à son tour…

Vacances de Noël, cadeaux et chocolats, premiers retraits de salaire, la fête…

La rentrée est calme, car les étudiants-surveillants sont soumis aux partiels de janvier et les lycéen-nes commencent à penser au Bac. Alors on retourne au symbolique. Un rassemblement devant le rectorat, qui se termine par une insertion massive dans les locaux ou le recteur fait ses vœux pour la bonne année. Ce qui restera des petits fours sera redistribué aux habitants de la cité universitaire, où la fête se passe ! Les étudiants ont faim, et les surveillants veulent bouffer du Ferry, on y croit encore dans les rangs pour la bonne et simple raison que nous n’aurions jamais cru pouvoir tenir jusque là. Certains plaisantins racontent à qui veut rire, qu’un préavis couvre les grévistes jusqu’au 30 juin. Comme il fait froid, sur le parcours pour aller à l’hôtel de région, on s’arrête aux vœux du maire, président du groupe socialiste à l’assemblée. On lui rappelle que le rapport dont se sert Ferry pour virer les pions vient de son pote Allègre, et qu’ils auraient pu penser à la fin du contrat des AE et des autres emplois-jeunes. Pas de réponses.

L’intersyndicale Nationale (UNSA-FSU-CGT-FAEN-CFDT) dans sa grande mansuétude nous offre une grande journée d’action nationale le 6 février, à Paris, avec une manifestation nationale ! Bien sûr, la coordination existait déjà et les pions de Nantes n’ont pas eu besoin d’être emmenés en car à 300 sur Paris pour savoir qu’il y avait mouvement un peu partout. Départ à 5h du matin, direction le ministère. La manifestation du matin est tranquille, contrairement à l’après-midi, ou sur les milles personnes présentent selon Libé, il n’y aura qu’une seule blessée, une Nantaise, avec deux doigts de cassés par l’application méticuleuse de coups de matraque. Le seul bénéfice de cette journée est l’AG des mouvements de pions et d’AE qui se tient le soir à la bourse du travail, de quoi échanger des expériences, des vécues et surtout des préoccupations quant à l’avenir du mouvement. Un petit dessin de Charb circule dans les rangs, "ils sont ou les profs solidaires ? Sûrement en train de préparer le pot de départ !" Le 6 n’a rien donné, la FSU en tant que syndicat majoritaire qui tient les ficelles attend de savoir ce que va dire son national, qui n’appelle à rien. Seulement, le gouvernement est là, il se rappelle aux pions et aux AE de temps en temps, en donnant la possibilité à tout ce petit monde de faire des journées de grèves occasionnelles. A Nantes, les pions restent en grève illimitée. Le 19 mars le projet d’assistant d’éducation passe à l’assemblée. Alors que les ATOSS (personnels non-enseignants de l’éducation nationale) commencent à se dire que la décentralisation n’est pas une perspective d’avenir encourageante, les centrales syndicale font tout pour que la réunion des luttes ne se fasse pas en lançant des mots d’ordre séparés, la chose vient de l’UNSA surtout, mais les autres entérinent. Une autre tentative de mobilisation interprofessionnelle qui échoue. La Journée d’action est pour le 18 mars, les pions et les AE jouent leur va-tout, ce sera là ou ce ne sera pas ! Une AG le jour même rassemblera plus de 150 personnes travaillant dans l’Education nationale, celle-ci arrête la grève reconductible à partir du 24 mars. Enfin un mouvement intercatégoriel, les pions sont fous de joie et fêtent ça ! Puis comme par magie, dans la courte période qui sépare le 18 du 24, la FSU qui lors de l’AG a embrasé les foules par ses interventions ouvriéristes, fait sécession entraînant avec elle la CFDT, la CGT, FO et l’UNSA vers un discours du type : "nous ne reconnaissons aucune légitimité à la dernière assemblée générale, noyautée et dirigée par l’extrême gauche et les anarchistes." Au moins c’est clair ! Seul deux établissements partiront en grève, mais pas longtemps. Alors une poignée de pions incapable de reprendre le travail tenta sans réussite de bloquer les portes de l’université. Cela donna certainement des idées à quelques étudiants, puisqu’ils se retrouvèrent tous sur la question des LMD(*), et des problèmes économiques estudiantins. La participation à la manif du 3 avril est un succès relatif, deux cent étudiants, pions et AE hurlent des jolis slogans en directions des cortèges syndicaux qui passaient. AG après AG, ils sont plus nombreux et décident d’organiser une petite fête qui symbolise le début d’une nouvelle lutte sur Nantes. La fête a lieu le 7 avril, et dans la soirée, tous ces joyeux fêtards décident de déplacer les chaises et les tables des salles de cours pour les mettre dans les amphis. Voilà comment un bâtiment sera bloqué pendant une semaine avant de se faire libérer par une AG d’étudiants qui n’a toujours pas compris à l’heure ou j’écris pourquoi celui-ci a été bloqué. Il est vrai qu’il n’est pas aisé d’expliquer à 12 000 étudiants le sens des LMD quand on est 10 sur 150 qui occupent.

prixLe blocage prend fin, puis enfin arrivent les vacances, ce qui est un bonheur pour tous et toutes. Le 1er mai devait être le jour de la grève générale mais n’est même pas à la hauteur de celui de 2002. Le 6 est votée la grève reconductible, tout le monde se méfie dans l’AG de l’Education nationale, encore un coup de la FSU ? La CFDT, redevenu l’emblème de la traîtrise, n’est plus là. Mais les quatre autres centrales syndicales ne sont pas très chaudes, mais on leur rétorque qu’une mobilisation se construit, commence minoritaire pour finir… C’est parti ! Bien sur les Pions et les AE dans les bahuts répondent à leurs collègues profs qui viennent les débrayer, qu’ils attendront de voir si la grève prend bien… Il faut dire que la donne a changé, les profs bossent pour eux maintenant, pour leur retraite ! Les AG se succèdent, avec plus de 1000 personnes, mais un bureau inamovible ! Certains pions et AE, présent depuis le début, rêvent de faire comme dans certains départements ou les actions interprofessionnelles sont dures, blocages des villes, des gares, etc. Mais non, à croire que chez nous il ne peut pas se passer grand-chose. Les actions interprofessionnelles se résument aux grands rendez-vous donnés par la CGT. Le 3 juin, il y a une petite occupation d’un bout de ministère à 100. De deux manifs aux flambeaux, les vendredis soir pour finir la semaine. Quelques manifs avec les intermittents, un "truc" devant France3 régions pour faire chier Chérèque, mais même là les soi-disant éléments durs (Trotskistes même !) ne proposent que de "faire le chien" devant le secrétaire de la CFDT pour lui signifier son rôle. Affligeant une fois de plus !

Il y a bien une action devant le MEDEF (quelques-uns aimeraient bien lui faire le même sort qu’à La Rochelle) avec la CGT-énergie qui paraît être très en colère, tellement que la Police recule...

Mais rapidement les centrales syndicales calment le jeu. Blondel lance des appels incantatoires pour faire bonne mesure et récupérer des cartes, Thibault quant à lui propose une pétition nationale…

Le 15 juin tout est fini ? Pas vraiment, le mouvement des intermittents résiste encore et toujours à l’envahisseur nommé "vacances". Les festivals sont annulés les uns après les autres, la lutte ne s’arrête pas le 1er juillet ! Le Larzac est bien entendu le lieu où se retrouve une bonne partie de tout ce petit monde. On y fait des bilans, des échanges, des plans pour la rentrée qui s’annonce aussi chaude qu’un joli mois de mai.

Et la rentrée est… normale. Les profs dans leurs instances refusent de temps en temps les assistants d’éducation alors que les parents acceptent par peur de voir leurs enfants seuls dans la cour. Les intermittents sont toujours là, en lutte, la vie reprend son cours dans les chaumières. Certains pions nantais s’apprêtent à fêter dignement le premier anniversaire de la grève reconductible, quand le 6 novembre ils entendent que leurs camarades étudiants de Rennes II ont voté la grève et le blocus de leur université à plus de 2000 ! Qu’à cela ne tienne, on arrive ! Seule la lutte paie !


Charlie


*Voir article "De l’autonomie à la Modernité", No Pasaran du mois de septembre 2003


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net