Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2007N°57 - Mars 2007 > AVANT, PENDANT ET APRÈS LES PRÉSIDENTIELLES...

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Présidentielles

AVANT, PENDANT ET APRÈS LES PRÉSIDENTIELLES...


Nous pourrions accorder peu de crédits aux sondages, mais au delà des maigres 40% que totalisent le PS et les chapelles d’extrême gauche au premier tour, on voit bien, dans les différents milieux que l’on fréquente, que la “gauche antilibérale” et le “mouvement social” ne sont pas dans une phase dynamique. Quand au mouvement libertaire et radical, comment peut-il dégager une lisibilité et redevenir une force de propositions collectives ?


Il n’y a rien de pire que cette sorte de consensus mou, solidaire et “anti”, dans lequel les mouvements sociaux ont trop tendance à s’enfoncer. Notre responsabilité individuelle a des limites structurelles - la précarité, le manque de revenu, les conditions de travail qui se dégradent - mais elle existe dans les marges de liberté qu’on peut prendre.

Le réseau No Pasaran est un mouvement autonome des partis politiques,et nous tenons comme à la prunelle de nos yeux à cette indépendance qui s’exerce sur tous les plans - réflexion, stratégie, organisation, prise de décision, finance, action. Indépendance ne veut pas dire indifférence : nous agissons et nous organisons avant, pendant et après chaque présidentielle, tout en sachant très bien que ce rendez- vous cristallise des débats et enjeux politiques.

Mais, en tant que libertaires, nous estimons que nous devons prendre par nous même nos affaires en main sans déléguer à une caste de politiques professionnels dont les promesses n’engagent personne, et dont aucun contrôle démocratique n’est possible concernant leur vague mandat. (1) Si nous sommes un petit réseau,avec “les moyens du bord”,force est de constater qu’aujourd’hui, le moindre nombre de personne qui se fédère acquiert un “poids minimum” dans une société individualiste où l’existence de collectifs politiques apparaît comme une sorte de folie curieuse.

LA DÉMOCRATIE DÉBLOGUE, ILLISIBILITÉ POLITIQUE ET ÉCLATEMENT DES FORCES

Ce ne sont pas moins de 100.000 blogs qui sont recensés, en sachant qu’une majorité aborde des sujets politiques. Chacun y va de son commentaire, sur la démocratie, les élections, mais ce qui est intéressant c’est de voir ce qu’il se passe après, c’est à dire pas grand chose. Commentaire ne veut pas dire engagement politique ; si l’engagement “tout court” de chacun existe et n’a pas à être jugé c’est bel et bien l’engagement POLITIQUE qui pose problème. Du blog à l’action et la réflexion dans un collectif politique, il y a un gouffre que trop peu de personnes franchissent. La campagne de Royal a aussi commencé par des réunions de son club “désir d’avenir”, des articles dans la presse relataient ainsi le long chapelet de problèmes qu’exposaient chacun en espérant que la candidate en tiendrait compte.Mais cette somme de critiques n’a pas créé pas une intelligence collective, ni un sens politique - ces derniers supposent un travail collectif et une capacité à faire des choix et à s’y tenir.

Le paradigme de gauche, ces dernières années, s’est décliné au travers de deux aspects :
- le soutien et la solidarité : les classes moyennes sont solidaires avec les sans papiers, les pauvres, etc. souvent dans une espère de condescendance misérabiliste chiante comme la mort ;

- le contre et l’anti : les mouvements sociaux (se) manifestent “tous ensemble” lorsqu’il s’agit de protester contre les OGM, les expulsions, le CPE etc.

Si aujourd’hui, on demande aux personnes dans la rue, ce que sont les mouvements sociaux, elles répondront les “grèves des syndicats”, ou les syndicats tous courts, notamment CGT...Nos mouvements politiques manquent de définitions lisibles, et ne cherche surtout pas à en avoir, chacun se contentant de ce flou routinier. Qui est quoi, qui fait quoi dans les mouvements sociaux, personne ne le sait vraiment, pas même ses acteurs. Les forces sont éclatées et illisibles à elles mêmes. Elles semblent coupées des préoccupations de la société : voir la faible participation aux élections HLM, la profonde crise syndicale... Seuls deux engagements semblent surnager dans la durée :les anti-OGM et l’anti-nucléaire,ce dernier mouvement proposant des alternatives à la production d’énergie.

GAUCHE ANTILIBÉRALE, CRISE DE L’ORGANISATION, DES CHOIX POLITIQUES ET DE LA REPRÉSENTATION...

Dès lors, la gauche antilibérale qui s’est manifestée dans les forums locaux et à St Denis, pour choisir un candidat et une plate forme commun, n’a fait que refléter ce profond délitement des mouvements.

Le tangage entre plusieurs candidats (mais les projets ?) a duré des mois, avant que finalement tout le monde jette l’éponge - ce qui illustre une profonde crise de la légitimité et de la représentation dans ce mouvement.

L’appel des “électrons libres”, rédigé et signé dans le dernier Politis par notamment Yanice Youlentas et Michel Onfray, appelle à un rassemblement des libertaires autour de la candidature de José Bové, mais au vu des réactions des organisations libertaires (CGA, AL, No Pasaran) cet appel reste pour l’instant lettre morte. Nous ne sommes pas naïfs : les “bovistes” espèrent trouver des bras pour porter la campagne (c’est assez inquiétant de devoir en arriver à racler le fond du mouvement libertaire) mais au-delà d’une position de principe anti-électorale, même si une situation X l’exigeait, il n’y a eu aucun travail possible entre nous ces dernières années et un attelage de dernières minutes, n’est pas forcément efficace  : on peut résister sur le champ, mais pas créer comme ça des mises en forme d’idées qui fédéreront des personnes, du moins pas aujourd’hui. Il faut plus de coopération en amont.Alternative libertaire pose également la question, légitime à mon avis, de savoir à quoi servirait de toute façon qu’on s’implique dans ces jeux politiciens : les mouvements sociaux ou les alternatives en sortiraient-ils renforcé-es si Bové avait un secrétariat d’Etat. Pour nous la réponse est “non” surtout dans un contexte de mondialisation où les économies sont interdépendantes et où les alternatives doivent se créer à la base... Il n’existe pas de raccourcis... (voir l’article dans ce même numéro sur la sexta).

UNE VISION ALTERNATIVE À LA COURSE AU “CENTRE LIBÉRAL” QUE METTRE DERRIÈRE LA VITRINE ?

Une somme d’anti ne créé pas une dynamique politique durable, dans le sens ou aucun modèle désirant de société n’est mis en place. Si l’extrême gauche a su fédérer autour d’elle autour d’une dynamique du non sociale lors du rejet du TCE (Constitution européenne) en 2005, deux ans après les collectifs ne se sont pas, ainsi, transformés en force propositionnelle.

Si le mouvement radical et social, qu’il connaisse ou non une expression électorale, veut remonter la pente, il faudra sans doute agir sur les 4 axes : principes, idées novatrices, organisation, modalités d’actions. Principes :n’allons pas croire que nous sommes tous d’accord,ce n’est sans doute pas le cas. Dans les idées libertaires, on trouve par exemple le principe d’égalité liée avec la liberté, et avec une idée, sous-jacente ou clairement lisible, que la société ne doit plus s’organiser en castes inégalitaires. Par exemple, il n’est pas “juste” que des personnes soient éboueurs toute leur vie, les libertaires parleront alors de socialisation du travail et de rotations des tâches (telles qu’on les met en place chaque jour dans toutes nos initiatives) ; le mouvement syndical (hormis les révolutionnaires de la CNT) ne seront pas d’accord et parleront de la dignité du travail... quel que soit ce travail salarié, malheureusement.

Plein d’autres pistes sont à explorer - il est possible par exemple de partir de l’ambivalence de chacun-e,comme l’a démontré la psychanalyse, entre plaisir “personnel” et sens du devoir, individualisme et collectivité (ce que par contre Sarkozy a bien capté) qui ne débouche par uniquement sur un individualisme nivelant et uniformisant mais qui permette à chacun de se réaliser au travers de projets, d’aventures personnelles et collectives.La vision qu’a l’extrême gauche de la société, apparaît souvent, comme une SOCIETE DE FOURMIS ou nous serions tous égaux dans nos petites tâches (à part la reine). Cela manque de souffle et d’aventures personnelles et collectives, et les libéraux apparaissent comme les seuls à répondre clairement à ces besoins d’expressions et de créations. Pourquoi la liberté d’entreprendre, au sens stricte du terme, devrait-elle uniquement déboucher sur une accumulation effrénée des ressources ? Pourtant au travers de leurs initiatives TOUS les libertaires et écologistes associatifs utilisent une liberté d’entreprendre : jardins et lieux associatifs, journaux, SELs, structures de loisirs alternatifs, entreprise type SCOP (Ambiance bois en Corrèze).On manque d’audace aussi à ce sujet-là sans voir que le projet communiste libertaire, les idées proudhoniennes et même marxistes, liaient la liberté individuelle avec l’égalité par exemple via la redistribution des ressources supplémentaires, le plafonnement des ressources (idée reprise par le nouveau modèle de la CIP...)

Idées novatrices : Les raisons de leur manque dans les programmes de gauche sont à chercher en amont, il n’y a pas de débats qui engagent durablement les personnes dans les mouvements sociaux et radicaux, seulement des échanges ponctuels et la majorité des personnes a tendance à oublier que tout travail de prospection demande du temps, une capacité de suivi, une coordination entre les personnes afin que les idées soient au maximum partagées. En France, notamment, on reste dans le mythe scolaire et castrateur d’une caste de spécialiste qui va pondre un projet en huis clos puis le reste de la population va automatiquement acquiescer ; il faudrait être bien aveugle ou obtus pour ne pas se rendre compte que l’engagement ne fonctionne plus du tout comme ça aujourd’hui.

Le travail de réflexion collectif est toujours la 5ème roue du 4x4, pourtant si Sarkozy ou Bayrou fédèrent, tout comme Le Pen est encore là, c’est que ces trois pontes proposent une vision de société alors que la gauche n’en a aucune à part le maintient de la société actuelle avec un CDI à vie et un appartement pour tous. Aucune autre piste n’est (réellement) explorée, même les plus évidentes comme :

— une démocratisation des villes, qui passent par des assemblées citoyennes décisionnelles ouvertes à tous (2)

— une redéfinition architecturale des villes via de larges espaces communs (bois, jardins, lieux non marchands et associatifs) ;

— une refonte complète des services publics avec des agoras citoyennes parlant de leur politique et de leur contenu qui les orienteraient ; une lisibilité des ressources auxquelles chacun à droit ;

— un suivi social personnalisé pour tous les chômeurs et précaires avec une mutualisation de toutes les ressources des services sociaux, afin de garantir l’accès à l’énergie, les revenus d’existence, le droit au transport, dans un premier temps. MAIS aussi qui permettrait d’avoir, pour les foyers qui le souhaitent, un suivi lors de moments de difficultés. Des commissions civiles pourraient permettre aussi d’avoir un regard sur ce suivi,et de fournir un contre-pouvoir à tout type de dérive de contrôle social.

— un revenu garanti redistributif des richesses accumulées par les capitalistes, suffisant pour vivre à hauteur du SMIC tel que le demande le mouvement des chômeurs et la revue multitudes ;

— une refonte des impôts qui passent dans un premier temps par une taxation internationale des flux spéculatifs tels que le proposent l’économiste Charles-Henri Michalet (3)

— la mise en place de circuits économiques courts avec une redistribution des richesses en surplus à l’ensemble de la population : par exemple produire local et consommer local à 30 ou 50% ce qui diminue le coût écologique et surtout permet aux pays du Sud de vivre de leur production alimentaire.

— une refonte complète du contenu des enseignements : quand des parents d’élèves font remarquer qu’il ne sert à rien de faire apprendre les enjeux de l’époque cistercienne à des gamins de 12 ans, alors qu’il n’ont guère de lisibilités sur la société dans laquelle on vit, on les envoie blackbouler car les programmes sont intouchables etc. Là aussi, la démocratie doit reprendre le pouvoir à la technocratie des “experts” et l’on doit avoir de vrais débats de société sur ce contenu des programmes qui relève pour certaine matière comme l’histoire d’une absurdité complète.

Organisations et Modes d’actions : on y reviendra...

Raphaël

(1) et (2) lire à ce sujet le dossier “la question du pouvoir” - No Pasaran n°54 - décembre 2006. (3) ce projet cible mieux les différents flux de capitaux en s’attaquant d’abord au capital non productif ce qui permet de ne pas pénaliser les pays du Sud ; on reviendra sur cette différence...


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net