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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°57 - Mars 2007 > POURQUOI NOUS AVONS DÉCIDÉ DE NOUS Y INSCRIRE

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SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE ET “AUTRE CAMPAGNE”

POURQUOI NOUS AVONS DÉCIDÉ DE NOUS Y INSCRIRE


Le réseau No Pasaran avons décidé de nous inscrire dans l’Autre campagne, et dans la Sixième déclaration de la forêt lacandone (dite Sexta) qui en donne les principes. Nous nous sentons proches de nos camarades du Mexique, et de ceux et celles qui veulent participer, en Europe et dans le monde entier, à ce mouvement contre l’exploitation et l’oppression, pour « un monde ou tiennent tous les mondes ».


QU’EST-CE QUE LA SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LANCANDONE (SEXTA) ?

La Sexta a été envoyée à tous ceux et toutes celles qui s’y reconnaissent, le 2 juillet 2005, par l’Armée de Libération nationale (EZLN). Le nom de cette armée se réfère à celui d’un révolutionnaire mexicain, Emiliano Zapata, qui avait pris les armes pendant la révolution mexicaine de 1910 pour exiger « Terre et liberté ! ». Il s’agissait alors de reconquérir par les armes le droit à l’autonomie alimentaire et politique.

La Sexta commence par rappeler l’histoire de l’EZLN et son chemin jusqu’à cette déclaration. Pour résumer, on peut rappeler que L’EZLN a pris les armes en janvier 94.Tout à coup est apparue, sous des passemontagnes, une armée populaire organisée. Puis la « société civile » mexicaine a demandé de faire taire les fusils et de commencer à négocier avec le gouvernement. Les zapatistes ont obéi au peuple mexicain, « mis de côté le feu » et « fait parler la parole ». Mais ceux du « mauvais gouvernement » ne voulaient pas d’un accord, et ont recommencé à attaquer, comme en février 1995. La résistance des zapatistes a cependant obligé le gouvernement mexicain à signer les Accords de San Andrés qui reconnaissent les droits des « originaires » (ceux et celles qu’on appelle « indiens »). Mais ces accords n’ont pas été respectés par le gouvernement, et le 22 décembre 1997 a lieu le massacre d’Actéal (meurtre de 45 hommes, femmes, anciens et enfants).

Puis l’EZLN a décidé de provoquer les rencontres « intergalactiques » (à ce moment, la solidarité internationale était déjà très importante). Il y a aussi eu des marches à travers le Mexique, des fronts de lutte nombreux et parfois victorieux. Mais les zapatistes ne se sont pas contenté-es de s’adresser au gouvernement, avec lequel « ce n’est pas la peine de discuter », et ont décidé d’appliquer eux-mêmes les Accords de San Andrés, par l’auto-organisation des communautés : « ce n’est pas comme si quelqu’un de l’extérieur venait gouverner, ce sont les villages eux-mêmes qui décident, parmi eux, qui gouverne et comment, et ceux qui n’obéissent pas sont renvoyés. Si la personne qui commande n’obéit pas à la communauté, on la blâme, elle perd son mandat d’autorité et une autre prend sa place. » C’est le principe du mandar obeciendo (« commander en obéissant »).

Puis il y a eu le constat que l’EZLN, avec son côté politico-militaire, intervenait dans les décisions qui revenaient aux autorités démocratiques “civiles”. Il y a donc eu séparation entre ce qui est politico- militaire et ce qui concerne les formes d’organisation autonomes et démocratiques des communautés zapatistes, ce qui a abouti en août 2003 à la création des « conseils de bon gouvernement », appelés aussi caracoles (« escargots »). En un peu plus de 20 ans, la lutte zapatiste est donc passée de la contestation armée à la construction d’une expérimentation politique puissante. Comme la spirale sur la carapace de l’escargot, plus les zapatistes se regardent en dedans, pour savoir qui ils sont et ce qu’ils veulent, plus en même temps ils se tournent vers l’extérieur, le reste du monde, pour parler, mais surtout pour écouter et pour apprendre : « car s’il y a bien une chose que nous avons appris, c’est apprendre à apprendre. »

La Sixième déclaration de la forêt lacandone poursuit cette démarche : ne pas se limiter au combat armé, continuer à construire l’autonomie, ne se servir des armes que pour la défendre, et s’ouvrir de plus en plus à la partie de la « société civile » du monde entier qui lutte contre le capitalisme et l’oppression. Cette lutte, les zapatistes veulent la construire avec « les femmes, les jeunes, les indigènes, les homosexuels, les lesbiennes, les transsexuels, les migrants et beaucoup d’autres que nous ne verrons pas tant qu’ils n’auront pas hurlé que ça suffit qu’on les méprise et qu’ils ne se seront pas révoltés. Et alors nous les verrons, nous les entendrons et nous apprendrons à les connaître. »

QU’EST-CE QUE LA OTRA CAMPAÑA  ?

Une première application de la Sexta a commencé l’année dernière, pendant la campagne présidentielle mexicaine, avec l’Autre campagne.Au lieu de faire, comme les candidats, une tournée dans le pays pour expliquer aux autres ce qu’ils ont à faire, ou pour leur dire “nous le ferons à votre place”, le sous-commandant insurgé Marcos, rebaptisé pour l’occasion « Délégué zéro », a fait avec d’autres une campagne non-électorale à travers le Mexique. Non pas seulement pour parler, mais pour écouter : pour susciter des assemblées, favoriser la convergence des luttes. Pour élaborer ensemble un “programme national de lutte”, pour « des nouvelles lois qui prennent en compte les exigences du peuple mexicain, à savoir : logement, terre, travail, alimentation, santé, éducation, information, culture, indépendance, démocratie, justice, liberté et paix. » Programme de lutte qui exclut « toute sorte de relation secrète avec des organisations politico-militaires mexicaines ou d’autres pays ».

Depuis la fin du mois d’octobre, divers collectifs signataires de l’Autre Campagne ont participé activement à l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO). L’insurrection de Oaxaca a secoué le Mexique à partir du mois de mai dernier jusqu’au mois de décembre et elle continue sous des formes diverses*. Peut-on ne pas voir un lien de cause à effet entre l’émergence de l’insurrection pacifique à Oaxaca et le message principal de l’Autre campagne qui propose d’unir les différentes luttes pour voir émerger un large mouvement social à l’échelle du pays ?

Pour ceux et celles qui la vivent, l’Autre campagne ne doit pas se limiter au Mexique, mais provoquer la rencontre de tous les mouvements de lutte anticapitalistes et anti-autoritaristes à travers le monde.

Pourquoi nous nous reconnaissons dans les principes de la Sexta et de l’Autre campagne

Depuis des années, nous participons activement à la solidarité internationale avec les zapatistes du Chiapas. Notre engagement dans la Sexta est donc une sorte d’officialisation de cette solidarité.

Mais le plus important pour nous est d’agir ici et maintenant, là où nous sommes. Comme nous l’avons fait au sein des divers collectifs et réseaux antifascistes comme le SRA (Solidarité Résistance Antifasciste) et les initiatives de terrain... Comme nous l’avons fait dans la lutte contre le capitalisme au sein du Réseau pour l’Abolition des Transports Payants (RATP), ou avec nos cuisines autogérées à prix libre, la coopérative alimentaire à Nantes, ou dans les rassemblements autogérés contre le G8... Comme nous l’avons fait dans la lutte contre le sécuritaire par exemple au sein de Résistons ensemble... Comme nous l’avons fait dans la lutte contre le sexisme avec le Collectif Publisexisme et le Collectif Genre... Comme nous l’avons fait dans la lutte pour la liberté de circulation et d’installation et contre les centres de rétention, au sein du Collectif Des Papiers Pour Tous (CPPT), du Collectif Anti-Expulsions (CAE), et du réseau No Border avec les campements revendicatifs... Pour nous il est essentiel de participer à des collectifs de lutte ; à chaque fois que c’est possible, d’aller vers les autres et de nous ouvrir à eux. A notre échelle, sans le savoir nous avons donc déjà commencé depuis un certain temps à pratiquer la Sexta. Mais nos luttes locales ne peuvent que gagner à s’articuler davantage à celles de nos camarades mexicain-es, sur la base d’échanges d’idées et de pratiques, de rencontres sur le long terme. C’est dans cet esprit que nous rejoignons aujourd’hui la Sexta.

Nous sommes aussi en train de participer, toutes proportions gardées, à une « Autre campagne » dans l’hexagone. Avec les autres participant-es de cette initiative, comme nous sommes sérieux-ses mais que nous ne voulons pas nous prendre au sérieux, nous nous sommes choisis, comme candidat-e, Patate, et nous nous sommes nommé-es Patatistes. On s’en fiche un peu que ce soit une patate ou autre chose. Patate est juste une sorte de drapeau sous lequel nous retrouver, sauf qu’il n’a pas la forme d’un drapeau, ou alors très absurde. Nous aussi voulons dire à celles et ceux qui comme nous luttent contre l’exploitation et l’oppression : Accompagnons-nous les un-es les autres, faisons un bout de chemin ensemble (si possible sans nous marcher sur les pieds). Ne parlons pas d’une seule voix, mais parlons ensemble !

Texte complet de la Sexta en français :
http://cspcl.ouvaton.org/article.ph...
Site de la Sexta :
http://www.zeztainternazional.org/

* [Voir notamment les articles des No Pas précédents, le hors-série CQFD " La libre commune d’Oaxaca ", et les articles sur le site du Comité de solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte (CSPCL)]


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