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DÉBUT D’UNE MOBILISATION DE MASSE ?


Il y a des manifestations qui font plus plaisir que d’autres, où on en sort plus motivées qu’abattu-es, où on se dit que le travail de terrain commence à payer et que décidément, il y a peut-être moyen d’enclencher quelque chose. C’était le cas de la manifestation régionale du 3 février à Rennes contre la construction du centre de rétention de St Jacques de la Lande.


En ces temps d’apathie militante attentiste d’élections, il est très dur de réussir à mobiliser, d’avoir un discours radical largement repris... Les mobilisations de commémoration de la mort de Malik Oussékine en sont des bons exemples, la manifestation nantaise contre la venue de Le Pen en est un autre. Il est quasi impossible, ces derniers temps, de mobiliser sur des bases radicales, de sortir du microcosme d’extrême gauche, de rassembler largement sur nos positons. La frilosité des organisations plus réformistes en ces temps de campagne électorale font craindre le pire pour les mois à venir.

Pourtant l’envie est là ; et quand les revendications sont reprises sans aucune arrière pensée politicienne, la mobilisation est au rendez-vous.

Pour la manifestation régionale de Rennes, nous nous étions dit qu’à 300-400 personnes, la manifestation serait réussie. Nous étions finalement le triple à défiler dans les rue de Rennes après avoir manifesté le matin dans toutes les villes du grand Ouest, et avoir tenté, en début d’après-midi, de s’approcher du chantier de construction du futur centre de rétention de Rennes, jalousement gardé par quelques dizaines de CRS.

POURQUOI UNE TELLE RÉUSSITE CONTRE TOUTE ATTENTE EN CE MOMENT ?
— Certainement parce que la question de l’enfermement des personnes Sans-Papiers progresse dans le milieu militant, et qu’il y a un quasi consensus (chose rare) sur le fait que la politique de Sarkozy d’expulsion massive a pour effet de rassembler largement contre cette orientation. Il n’y a guère que la CIMADE qui soit en porte-à-faux sur cette question comme on peut le lire dans leurs “ 75 propositions pour une autre politique d’immigration ”. Le fait également que la rétention touche l’ensemble de la population Sans-Papiers et que les nouveaux centres de rétention qui se construisent sont habilités à recevoir des familles, permet cet élargissement de la base militante. Les collectifs RESF, parfois minés par leurs dissensions internes entre le soutien total à toutes les personnes Sans-Papiers ou seulement les familles, se rassemblent quand il s’agit d’expulsion.
— Parce ce que l’une des nouveautés de la réforme du CESEDA imposée par Sarkozy est l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) et que, de ce fait, les possibilités d’expulsion sont démultipliées, donc il y a urgence à se mobiliser.
— Plus largement et plus profondément, parce que la Coordination Bretagne-Pays de Loire solidaire des personnes immigrées (organisatrice des mobilisations locales et rennaise) a franchit un cap. Composée de groupes aussi divers que des ASTIs, les SCALP, des Collectifs RESF, quelques MRAP et LDH, et des collectifs de soutien aux sans-papiers de Brest à La Rochelle, la coordination est, depuis sa création, un lieu d’échange de pratiques, de rencontre et de construction la plus large possible d’un mouvement sur l’immigration sur des bases radicales : la régularisation totale des Sans-Papiers ainsi que la liberté de circulation et d’installation. Cette coordination n’a pas d’autre but que de construire, le plus largement possible, une réflexion commune sur les grands thèmes de l’immigration.Ainsi, en fonction des réalités locales, seront présentes des organisations plutôt réformistes comme la LDH ou le MRAP, parfois des groupes plus radicaux. L’intérêt de cette organisation et sa force réside dans le fait que les positions de fond de régularisation et de liberté de circulation et d’installation, ne sont pas posées en principe, mais argumentées et construites. L’ensemble des groupes ne sont pas sur cette position quand ils investissent la coordination, mais soit ils y viennent avec le temps, soit le réseau qui la compose est un bien trop précieux pour qu’ils la quittent .Ce travail de réseau et l’ancrage sur le terrain est le socle commun de tous les groupes qui composent la Coordination. Et c’est par ce socle qu’elle est légitime. Au delà des jeux d’appareil, cette légitimité se fonde sur une présence et une unité d’analyse plutôt que par la force de l’une ou l’autre des organisations qui la compose, de son aura, de sa médiatisation nationale...

Aussi, au delà de la réussite de cette manifestation, on peut tirer plusieurs enseignements bénéfiques pour la suite. D’une part, lorsque les revendications sont bonnes, que l’organisation à l’origine de cet appel est légitime et se place en dehors des jeux d’appareil en mettant plus en avant son travail de réseau que la présence de telle ou telle organisation, le relais est plus large,la mobilisation plus importante, la marge de manoeuvre dans un tel cadre plus importante. D’autre part, cette manifestation est la démonstration que l’on peut organiser des actions d’envergure, y compris en ces temps d’apathie politique, sur des bases aussi radicales que la liberté de circulation et d’installation et la régularisation globale. Que ce n’est pas en revendiquant à minima (comme par exemple la campagne sur la votation citoyenne), que forcément, on a une mobilisation d’envergure.

Alors la manifestation de Rennes, prémice d’un mouvement de masse, indice de réussite d’une nouvelle forme d’organisation ? Bien malin qui sait la réponse.Mais au delà de cela, il en va de la responsabilité des organisations associatives et politiques qui agissent dans ce milieu de prendre exemple sur des fonctionnements comme celui de la coordination Bretagne-Pays de Loire, d’arrêter de tenter de tirer la couverture à soi, d’arrêter pour certaines de dire ce que j’ai pu entendre à Paris de la bouche de certains responsables associatifs que "lutter contre la loi Sarkozy, ce n’est pas la même chose que de lutter en faveur des Sans-Papiers et qu’il ne faut pas tout mélanger."

Cdric


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