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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°66 - Février 2008 > La balle est dans chaque camps !

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La balle est dans chaque camps !


Avec les municipales qui s’annoncent assez favorables pour la gauche, grande est la tentation de voir un coup d’arrêt possible aux politiques les plus libérales, notamment chez les caciques du PS et toute la mare à « gauche de la gauche ». Mais les élections étasuniennes et la pression de la droite berlusconienne en Italie (qui serait aujourd’hui gagnante de nouvelles élections) pourraient faire rappeler aux amnésiques que, quelle que soit les élections, c’est bien le capitalisme et l’idéologie néo-libérale qui gouvernent les Etats et la majorité des esprits...


La légitimité du capitalisme prend l’eau, mais les profits continuent

Tous les euphémismes déployés par les néo-libéraux ou l’Etat français ne peuvent masquer le malaise naît du « fait divers » de la Société générale... Peu importe le fond des événements pourraient-on dire. Soit des cadres dirigeants sont impliqués dans le détournement des 5 milliards d’euros [1], un fait supplémentaire de corruption dans la sphère financière, soit une seule personne a tout fait et cela prouverait encore une fois l’illégitimité du capitalisme... Ce n’est pas une nouveauté mais la profondeur de la déconnexion apparaît au grand jour, et « au grand public » dans toute sa splendeur.
Le système financier n’a non seulement aucune légitimité politique, mais devient, au dire de ses ex-dirigeants, désormais « ingouvernable » par qui que ce soit. Il est quand même édifiant d’entendre des analystes financiers dire « on ne sait plus qui doit quoi, et à qui » !
C’est le chaos le plus complet, vivement l’anarchie pour organiser tout ça !

Si les derniers mouvements sociaux n’ont pas gagné (pas encore ?!) ils ont à la fois fait preuve de vigueur, d’unité à la base (le sommet n’a plus que le pouvoir de signer) et de soutien parmi la population. Il est fort probable que la houle sociale progresse dans les 4 ans à venir : le gouvernement ne pourra sans doute pas tenir à la fois contre les classes moyennes et populaires.

Son premier repli a été très discret : alors qu’un nouveau contrat de travail devait être négocié, il a été repoussé sine die. La « réforme du marché du travail », votée par les partenaires « sociaux » propose certes un nouveau CDD et une rallonge possible des périodes d’essais mais le Médef et le gouvernement UMP ont mis un bémol sévère au projet de refondation sociale de la première. Pour l’instant, est ajourné tout projet : de rallonger la période légale de travail d’abroger le CDI de toucher au SMIC horaire (rêve plus ou moins secret que caressent les ordures du Médef, ce qui plongerait une partie des salariés « parmi les moins qualifiés » - pour faire tourner le système capitaliste - dans la pauvreté la plus absolue).

Si les dégâts sociaux sont là (autonomisation des facs, allongement du durée de cotisations) on verra bien quelle sera la volonté du gouvernement d’ici quelques semaines, et quelques mois. Devant les scandales financiers (dont la rémunération des grands patrons) les élus UMP ont peur non seulement de perdre leur place, mais de voir pousser une grogne sociale inexorable, jusqu’aux débordements. Notamment dans les banlieues... Pour ces dernières c’est très simple : soit l’UMP fait demi-tour, élargit l’assiette des impôts afin de frapper les gros actionnaires, les gros propriétaires ou spéculateurs, soit le gouvernement ne pourra pas financer son plan (d’ailleurs, ce n’est pas inscrit au budget de l’Etat, soit ils nous prennent vraiment pour des cons, soit ils paniquent et font n’importe quoi). Si les jeunes des quartiers sentent qu’ils ont été encore une fois menés en bateau, cela risque de chauffer d’ici la fin de l’année...

DE LA COUPE AUX LÈVRES

C’est là où nous pourrions commettre l’erreur de croire que tout est gagné, que la victoire des mouvements est quasi-acquise, comme on sait très bien que le gouverne- ment n’ira pas prendre l’argent là où il est... Mais comme le démontrent à la fois les événements en Italie ou aux Etats-Unis, une coalition d’anti n’engendre pas automatiquement, et loin de là, des alternatives politiques.
Fin mars 2006, trois millions de personnes défilaient contre le CPE. Un an après, Royal et Sarkozy avaient repris un succédané du CPE dans leur programme, tous deux sont arrivés au deuxième tour avec la bénédiction béate des électeurs... Dans un contexte de mondialisation en effet, il est impossible de repenser la distribution des richesses, du seul fait du sommet de l’Etat. Seul un salaire minimum mondial (variable selon les particularités de chaque pays) peut assurer que le coût du travail ne baissera pas et sans ces minima dans chaque pays la baisse du coût du travail apparaît inexorable. Sauf si les travailleurs chinois, indiens, polonais ou marocains se battent plus et développent des syndicats, ce qui ici ou là, apparaît dur vu les processus d’individualisation en cours.
Et, sans alternatives locales, il n’y aura pas non plus de réelles alternatives possibles... Tout au plus une gestion des miettes.
La gauche radicale est ainsi confrontée à cette double question, celle de la masse critique d’expériences locales d’une part, et celle des solidarités internationales (syndicales, des « sans ») d’autre part, dans un contexte de mondialisation qu’on ne peut plus ignorer aujourd’hui, que par malhonnêteté intellectuelle.

DÉVELOPPONS NOS RÉSISTANCES ET ALTERNATIVES LOCALES VERS UNE MASSE CRITIQUE

Si un gouvernement décide dans un seul Etat de redistribuer, les emplois productifs s’effondreront (accroissement des délocalisations, là où les riches sont moins prélevés), et donc aussi les emplois publics qui sont financés par cette même production. Il faut (continuer de) développer des alternatives locales, que ce soit de production ou de solidarité. La base pour la gauche, c’est en effet le local, chaque situation. Résister, partager ne peut se faire que dans cette unité de lieu là, et non pas par délégation à des partis politiques qui géreront le système si les désirs et les alternatives ne sont pas assez puissants. C’est en effet, à chaque fois l’écueil auquel est confronté la gauche qui, une fois arrivée au pouvoir étatique, est bien obligé d’équilibrer son budget et de tenir compte de flux financiers dont les fonds propres des entreprises font parties.

L’amnésie en la matière est (très) forte et l’on voit beaucoup de militants attendre que cela bouge : une fois en mouvements, le peuple trouvera la bonne solution qui ne sera pas bien sûr autoritaire, xénophobe... Ah bon, qu’est-ce qui l’assure ? L’élection de Sarkozy a-t-elle été suffisamment analy- sée ?

Les alternatives sociales et politiques ne poussent pas comme ça, en un clin d’œil, et seulement en situation de mouvements collectifs. Bien au contraire, c’est maintenant qu’il faut d’une part débattre de la société dont nous voulons, et d’autres parts convaincre (par « le fait » plus que par les idées sur du papier), multiplier les initiatives  : dans des associations d’entraides, et de productions alternatives (alimentaires, retap, productions de bien via des SCOPS), constructions collectives de maisons ou de chalet (comme cela point dans quelques localités du sud ouest)...

Concernant les campagnes politiques, deux exemples :
* faire campagne contre la grande distribution. Cela permet de lier les luttes sociales aux alternatives de distributions... La grande distribution et notamment les hyper concentrent en effet de nombreuses tares du capitalisme : salaires et conditions de travail déplorables (inhumaines pour les assistants ventes et caissières [2]), pressions contre les petits producteurs agricoles, malbouffes, pubs, consumérisme. Consumérisme oblige, c’est aussi là où les gens se croisent. Afin d’éviter l’affrontement direct contre les vigiles de nombreux moyens d’actions peuvent être imaginer pour frapper les esprits, nouer des solidarités et bloquer ce système :
* utiliser le théâtre de l’invisible afin de se faire passer pour des assistants ventes. Les aider par solidarité, montrer leurs conditions de travail déplorables ;
* organiser des bouffes à côté des poubelles des hyper et supermarchés : un peu trash, mais il faut savoir que les aliments sont soient jetés, soit donnés aux banques alimentaires et autres restos du cœur... Alors autant aller directement du « consommateur » au « producteur » !
* faire de fausses pubs de produits, en ventant leurs dégâts écologiques et sociaux pour chacun, et ce à l’intérieur du magasin...
* comme en Italie, organiser des journées, des semaines sans achats... de l’info sur les grandes chaînes de la distribution...
Stratégiquement, ce genre de campagne permettrait de lier les salariés de ce secteur, les assoces de consommateurs, les petits producteurs paysans (conf...) et les grou- pes radicaux...

* faire campagne contre les banques : là aussi, cela peut permettre de lier solidarités et luttes. Contre les agios, la hausse des tarifs ou désormais, la désinformation délivrée par les employés pour vendre leurs produits. De nombreuses actions avaient été menées en ce sens par des associations de chômeurs... Ce genre de campagne peut se lier avec des réseaux d’entraides et des associations de consommateurs.

Raph.


[1] et la Société générale dit qu’elle s’en remettra. Donc, on pourrait chaque année prélever cette somme sur cette seule banque, pour doubler le RMI à ses bénéfi- ciaires... Retenons, retenons...

[2] qui ne gagnent pas les 100.000 euros annuels du « pauvre » trader qui aurait détourné l’argent de la société générale. Ce trader gagne 12 fois par mois le salaire d’une caissière : c’est une honte d’enten- dre les médias commerciaux le traiter de pauvres, et cela prouve qu’on ne vit pas tous dans le même monde...


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