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L’ÉDUCATION POPULAIRE, PAR ET POUR LE PEUPLE


L’Education revêt bien des formes et couvre des objectifs différents selon les valeurs et enjeux politiques. Son espace le plus connu est sans doute l’école (« maternelle » et que dire de ce terme, élémentaire, le collège, le lycée, la FAC...), pourtant l’éducation peut aussi être de tous les moments de la vie. La formation peut être autre chose qu’une posture passive face à celui ou celle qui possède le savoir. Et si on imaginait que les individuEs avaient besoin et envie d’apprendre, et de donner...


L’éducation Populaire nait des idées de la Révolution française. En 1792, Condorcet propose de réformer l’instruction publique et de donner un sens démocratique à l’éducation. Dans une déclaration à l’Assemblée Nationale, il dit : « l’instruction permet d’établir une égalité de fait et de rendre l’égalité politique reconnue par la loi. En continuant l’instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s’effacer promptement de la mémoire : on entretiendra dans les esprits une activité utile ; on instruira le peuple des lois nouvelles qu’il lui importe de ne pas ignorer. On pourra lui montrer enfin l’art de s’instruire par lui-même. » C’était une vision politique de l’Education populaire puisqu’elle devait permettre à chacunE d’exercer une citoyenneté éclairée. C’était aussi une vision élitiste de l’Éducation : le savoir vient d’un haut et reste simple pour le peuple, alors que les classes dominantes ont droit à une instruction supérieure.

Ce sont des militantEs syndicalistes ou politiques, ouvriers et enseignantEs qui permettront le développement, dès la fin du XIXe et au début du XXe, des universités populaires et des cours du soir accessibles à touTEs. On y vient apprendre à lire et à écrire, échanger, pratiquer des activités culturelles, sportives et de loisirs. L’idée étant que pour changer le monde il faut le connaître. L’Education Populaire visait à ce moment l’émancipation de touTEs et notamment des individuEs de milieu modeste, oubliéEs de l’école républicaine. Pourtant, ce contre-pouvoir reste maîtrisé par les dominants.

Dans les années 1920, l’Education Populaire se structure en différents mouvements : catholique, scouts, socialistes ou libertaires. On imagine facilement que le désir de changer le monde ne va pas dans le même sens selon les tendances... C’est aussi à cette période que les mouvements d’Education Nouvelle, qui placent l’apprenant au centre de sa formation (ce n’est pas à la personne qui se forme de s’adapter à la formation, mais l’inverse), s’inscrivent dans l’Education Populaire.

Avec les acquis sociaux de 1936, on voit se développer les colonies de vacances, véritables champs d’expérimentation pour l’Education Populaire et l’Education Nouvelle. Les centres de vacances, les « maisons de campagne des écoliers » permettaient de mettre en pratique une éducation globale en partant des activités des enfants en opposition avec le cours magistral subit dans l’Éducation nationale. Déjà en 1917, Claparède écrivait : «  Nous ne pouvons accomplir ce miracle de préparer les enfants à être de libres citoyens obéissant à des mobiles intérieurs, en leur apprenant vingt années durant à n’être que des sujets soumis à une autorité extérieure.  »

C’est aussi en 1936, mais en Espagne cette fois et sur fond de révolution que l’Education Populaire prend sens. Dans Les fils de la nuit Vincent Gimenez nous raconte les discussions, débats, échanges de savoirs, dans les villages sur autant de sujets divers (sexualité, rapports hommes-femmes, mécanique, agriculture,écrire,compter...).

L’éducation du peuple, par et pour le peuple, se vit jour après jour selon les envies et les besoins des personnes et et relève véritablement d’un désir de transformation sociale.

Après 1945, en France, le gouvernement met en place les inspecteurs de la jeunesse et des sports et subventionne un certain nombre de mouvements d’éducation. On observe ensuite une phase de construction d’équipements socioculturels dans les années 60 et la professionnalisation des intervenantEs de ce milieu. On peut voir dans ces évolutions une reconnaissance de l’Education Populaire et de ses acteurs, mais on peut aussi les voir comme une main-mise encore plus forte de l’Etat. Comment l’Education Populaire peut-elle être un contre pouvoir et un moyen de transformation radicale de la société, si elle vit par les subventions de l’Etat ?

Qu’en est-il aujourd’hui de l’Education Populaire ? Je ne parlerais pas ici des centres socioculturels, maisons des jeunes et autres points information jeunesse, qui pour moi, même s’ils se revendiquent pour certains de l’Education Populaire sont souvent bien loin d’une volonté de transformation sociale et d’émancipation du peuple. Ils servent plutôt, à mon sens, au contrôle et à une relative paix sociale dans une vision consumériste des loisirs, même si certainEs professionnelLEs résistent encore. Il existe pourtant encore des espaces d’Education Populaire : quelques exemples à Nantes (il en existe ailleurs bien sur !)

l’Atelier mécanique : ce lieu existe depuis plus de 20 ans et il permet à des personnes adhérentes d’apprendre à réparer et entretenir leur véhicule, de comprendre comment ils fonctionnent. Des permanents mécaniciens apportent leurs savoirs, les adhérentEs les leurs en pratiquant dans un espace aménagé et doté du matériel nécessaire.

Lire en Fête : un évenement organisé chaque année en octobre. Sur un week-end des auteurs, illustratrices viennent à la rencontre du public autour d’un vide grenier livres, d’ateliers de découverte, d’un spectacle pour enfants, de conférences autour du livre et de la lecture... L’idée c’est que le livre n’est pas forcement un objet couteux, que les écrivainEs sont des personnes « comme les autres » avec qui l’on peut échanger.

Les stages BAFA-BAFD : stages de formation pour devenir animateur- trice volontaire. Des personnes, en participant à ces stages, s’engagent à s’occuper d’enfants sur des temps de loisirs et participent alors à leur éducation. Au cours de la formation, les « apprenants » et les formateurs- trices s’enrichissent des compétences et des savoirs des unEs et des autres.

L’Education Populaire existe encore aujourd’hui, les formes qu’elle prend ne cesse d’évoluer, et il nous reste à les faire vivre pour que la formation ne soit pas uniquement l’affaire de l’Etat mais pour qu’elle dure toute la vie et qu’elle soit porteuse de plaisir, de changement et d’émancipation.


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