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Elections régionales 1998 – Droite et FN


Si avant les élections régionales certains pouvaient encore douter qu’il y avait un rapprochement entre la droite et l’extrême-droite, maintenant le doute n’est plus permis !


Ainsi les partis de droite n’arrivent pas à dégager une réelle stratégie face au FN. En fait on assiste à un éclatement de ces derniers. C’est l’UDF qui explose de manière la plus spectaculaire, mais le RPR n’est pas épargné par les contradictions le traversant. On se souvient que Balladur proposait, quelques semaines avant les élections régionales, de lancer un débat sur la préférence nationale (thème cher au FN) avec la participation du FN.
Sans faire de la politique fiction, on constate de manière générale, que les partis de droite sont entrain d’éclater entre ceux qui proposent plus ou moins ouvertement un rapprochement avec la FN et les autres essayant malgré tout de se maintenir à distance du moins dans le discours du parti lepéniste. C’est d’un côté Démocratie Libérale (DL) de Madelin qui lance un débat sur internet sur la préférence nationale et accepte l’adhésion de Blanc au groupe parlementaire DL (Président de la région Languedoc/Roussillon, élu avec les voix du FN) et de l’autre la démission de Robien de DL, ce denier refusant de côtoyer sur les mêmes bancs à l’Assemblée Blanc.
Cette décomposition des partis de droite renforce l’influence et le rôle de certains courants d’extrême-droite.

conflit au sein du fn

Au sein du FN, le courant Mégret pense que le Front ne pourra pas conquérir le pouvoir tout seul et qu’il faut s’allier avec d’autres forces politiques. Son analyse se fonde sur le fait que les partis de droite sont de plus en plus discrédités auprès de leur électorat. En effet, si les gouvernements changent, qu’ils soient de droite ou de gauche, ils mènent sensiblement les mêmes politiques sur fond de construction européenne. En tout cas ils se montrent incapables de résoudre les problèmes concrets auxquels la société est confrontée : chômage, exclusion, misère, immigration… De cette crise des partis de droite, Mégret espère qu’il pourra construire un pôle, capable de prendre le pouvoir, dont le FN serait le centre. C’est une stratégie qui s’inscrit finalement au sein du sérail politique, pour ne pas dire une stratégie politicienne. Pour qu’elle puisse aboutir, il faut évincer Le Pen de la présidence du FN. En effet, ce qui retient encore bon nombre de ténors de droite de pactiser avec le FN, c’est la présence de celui-ci, ne pouvant assumer ces calembours et ce qu’il représente symboliquement.
D’autres (Stirbois, Maréchal…), par contre, pensent que la crise sociale et politique va aller en augmentant. Ils misent sur un discrédit de l’ensemble de la classe politique et un accroissement des difficultés engendrées par la construction européenne et les politiques néo-libérales. Médiatiquement, ils refusent de s’inscrit dans le débat Gauche/Droite et comptent ainsi prendre le pouvoir sans faire de concessions politiciennes. Selon eux, ce sera peut-être plus long, mais sans doute plus efficace et durable. Ils ont toujours été en désaccord avec la stratégie du MSI en Italie. Ce parti d’extrême-droite s’est allier avec Berlusconi. Il est effectivement arrivé au pouvoir, mais n’a pu y rester longtemps et était plus une force d’influence que le réel gestionnaire du pouvoir.
Dans l’avenir, la direction du FN peut faire preuve de dialectique. En effet, tout entretenant médiatiquement le conflit, elle peut jouer la carte de la décomposition totale des partis de droite grâce à Mégret et ensuite faire en sorte que le FN soit la seule force de recourt face à l’incurie des partis dits classiques.

du consensus a la polarisation

La présidence de Mittérand a mis fin au clivage Droite/Gauche. Le consensus de la classe politique sur les problèmes de fond (immigration, politique économique, construction européenne…) n’a fait que se renforcer pendant ces 14 années, à tel point qu’il devient de plus en plus difficile de faire la différence entre un gouvernement de droite ou de gauche. Ainsi lors du débat entre les candidats présents au second tour des élections présidentielles de 1995 Chirac et Jospin, ce dernier n’opposait guère de critiques de fond vis à vis de son concurrent, déclarant sur bien des point qu’il était d’accord avec lui.
Il en va de même pour le PC, depuis qu’il participe au gouvernement Jospin, il ne rejette plus en bloc les accords de Maastricht et d’Amsterdam et il se fait très silencieux par rapport à l’Euro. Autrement dit, il a abandonné son combat contre la construction européenne. Une des caractéristiques des années 80/90 est que les gouvernements changent mais imposent la même politique. Ainsi le FN se présente comme la seule alternative crédible face au consensus droite/gauche. C’est au cours de ces années que Le Pen fustigera la « bande des quatre » (UDF, RPR, PS, PC). Cela participe à son succès.
Tout ceci ne va pas être sans conséquence par rapport aux évolutions politiques en France. On risque d’assister à une polarisation de la vie politique avec d’un côté un centre, pro-européen et néo-libéral dont le PS serait le pivot ; le PC se social-démocratisant de plus en plus pourrait y être présent, à moins que le PS s’ouvrant de plus en plus vers ce centre n’ait plus besoin du PC pour gouverner soit marginaliser et de l’autre se constituerait un pôle, militant pour la souveraineté nationale, avec le FN en son sein ou en périphérie, mais en tout cas très influent. Il est évident que la pression de ce dernier sur le premier sera très importante en matière d’immigration, de sécurité… La gestion politique sera de plus en plus dure vis à vis des exclus, des immigrés et autres victimes du capitalisme. Le libéralisme ira de plus en plus de pair avec des politiques de plus en plus sécuritaires, autoritaires et xénophobe.
Face à ces évolutions, on nous propose soit de défendre la République, ou bien de faire appel à l’Etat-nation ou encore de dénoncer les trahisons de la gauche. Mais qu’est-ce que tout cela recouvre réellement ?
La République repose sur certaines valeurs qui sont en crise et ne répondant plus aux aspirations des individus. Ainsi le progrès est devenu synonyme de destructions écologiques et humaines. Le progrès propose un avenir de plus en plus insécurisant ; il rime avec misère, exclusion, précarité des conditions de vie. De même l’égalité n’a plus guère de sens. C’est plutôt l’inégalité sociale grandissante qui est à l’ordre du jour. Les riches s’enrichissent ; les pauvres se paupérisent. Et l’on ne voit pas ce qui pourrait contrecarrer ce processus et en tout cas pas les différents partis gouvernementaux. Dans un monde où l’être humain devient de plus en plus un loup pour l’être humain, la fraternité est un vœu pieux. La liberté se réduit pour les uns à survivre dans des conditions désastreuses, ou bien à être exploités de plus en plus durement, et pour les autres de jouir des “bien faits” du libéralisme. Fondamentalement, la République n’a jamais pu résorber l’écart entre les droits formels et les droits réels. Par exemple, la constitution prévoit que la société doit garantir une vie digne pour chacun et chacune vivant en son sein. Force est de constater qu’avec le développement de la misère, le nombre de SDF augmente, idem pour les chômeurs, etc. La citoyenneté devient de plus en plus théorique. Certes régulièrement on fait appel aux électeurs pour leur proposer un choix qui n’en est pas un. Ainsi la formule de Duclos (dirigeant du PC) en 1969 se vérifie d’autant plus : voter bonnet blanc ou blanc bonnet. Comment les citoyens participent à la détermination des choix politiques fait en leur nom ? Comment les contrôlent-ils ? Quels contrôles peuvent-ils exercer sur leurs élus ? En outre, la citoyenneté est d’autant plus abstraite que la réalité du pouvoir de l’Etat s’affaiblit. La démocratie parlementaire n’a jamais donné de réelles possibilité pour que les individus puissent exprimer collectivement leurs choix politiques et sociaux et les mettent en œuvre.
Les Etats ne peuvent plus déterminer leurs politiques monétaires, industrielles, sociales. Ils sont tributaires des choix effectués par les principaux détenteurs de capitaux financiers. Pour preuve, avec l’AMI (accord pour “réglementer” les investissements étrangers : multinationales, fonds de pension, investisseurs…), les Etats devront garantir les profits qu’attendent les capitalistes lorsqu’ils auront investi des capitaux dans les pays signataires de l’accord. Par exemple, si un gouvernement fait voter une loi pour limiter la pollution et qu’une entreprise, dans laquelle une partie de ces capitaux est d’origine étrangère, l’Etat pourra être condamné parce que les investisseurs s’estimeront léser dans la mesure où ils n’auront pas réalisé les profits escomptés ; bien évidemment cela vaut pour tout ce qui concerne la réalisation des profits : salaires, politiques sociales, etc.
En fait, ceux qui nous proposent de militer pour un renforcement de l’Etat-nation oublie qu’historiquement, il n’a jamais œuvré pour une réelle émancipation sociale, ni pour l’égalité, mais a toujours maintenu la domination. En outre, c’est faire fi de la réalité des rapports de force entre les Etats et la puissance de l’ensemble des investisseurs.
En clair, les marchés imposent de plus en plus leur diktat ; ce sont eux qui déterminent les choix politiques en fonction des finalités qu’ils se sont fixés. Ils détiennent le pouvoir sur lequel aucun contrôle ne peut être exercé tant leur autonomie est grande. Une politique sociale ne leur plaît pas, alors la Bourse s’effondre ; une grande politique de restructuration avec des milliers d’emplois supprimés leur plaît, et la Bourse monte en flèche…
La Gauche aurait-elle failli à ses promesses ? Mais lesquelles ? Lorsque Debré expulsait à la hache les sans papiers de Saint Bernard, Jospin déclarait qu’il fallait être plus humain mais qu’on était bien obligé d’expulser ceux qui ne pouvaient rester sur le territoire. L’abrogation des lois Pasqua/Debré ne lui fut arraché du bout des lèvres que pour des besoins électoraux. Il fallait être bien naïf pour accorder quelque crédit à ces propos ! De même en décembre 95, Jospin n’a jamais remis en cause la plan Juppé, reprochant simplement à ce dernier de mal communiquer. Plus fondamentalement, c’est le PS qui a signé les accords de Maastricht entérinant la construction européenne, les accords de Shengen, organisant, à l’échelle européenne, la chasse aux immigrés. Faire campagne sur la trahison de la gauche, c’est entretenir le mythe du clivage Droite/Gauche et c’est s’enfermer dans des débats politiciens qui n’offrent aucune perspective et ne fait que renforcer le FN dans sa position d’être l’unique alternative face aux évolutions sociales et politiques.
Bien au contraire, c’est en s’appuyant sur les mouvements sociaux, comme les sans papiers, les chômeurs, anti nucléaires… que l’on pourra tenter de construire de réelles perspectives, alternatives ayant pour but d’en finir avec le capitalisme. C’est en proposant des utopies créatrices que nous pourrons sortir du dilemme kafkaïen dans lequel veut nous enfermer le PS et consort : eux ou le FN.
Ainsi, les sans papiers en revendiquant la libre circulation, l’ouverture des frontières et la libre installation interrogent la société sur son devenir. Il en va de même pour le mouvement des chômeurs. Est-ce que nos conditions de vie doivent être déterminées par nos revenus provenant de l’exploitation salariale ou de revenus sociaux : la gestion de la misère ? Le partage des richesse au Nord, au Sud et à l’Est est toujours un problème centraux auxquels nous avons à faire face. Mais se posent également les questions sur les formes d’organisation sociales dans lesquelles nous voulons vivre et non plus survivre. Comment en finir avec la domination ? C’est à l’ensemble de ces problèmes – et bien d’autres encore – que nous devons répondre si nous voulons lutter radicalement contre la lepénisation de la société française.
JC


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