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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°64 - Décembre 2007RATIONALISATION CAPITALISTE DE L’ESPACE PUBLIC > ÉCOLE EN SOLDE

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ÉCOLE EN SOLDE


Ici, tout se vend et tout s’achète. « L’Etat premier négrier de France » (Sud Education 2003), n’a pas manqué le rendez-vous des entrepreneurs de l’éducation. Car le terrain est fertile. L’école est obligatoire jusqu’à 16 ans et t’as intérêt à pousser un peu si tu veux éviter de te faire cracher dessus par les proxénètes du MEDEF.


Première prise de conscience de l’Etat et des collectivités territoriales  : un bon entrepreneur c’est d’abord un chef qui a sous ses ordres des sous-chefs. Or à l’école comme dans l’ensemble de la fonction publique et de l’administration, une hiérarchie très forte existe déjà. Hiérarchie de sexe, d’âge, de statut, de formation. Seulement cette hiérarchie a des connotations quelque peu morales, pas assez vénales. Alors on a repris les chefs et les sous-chefs et on les a transformé en patrons et en cadres. Les patrons de l’éducation ont été dotés de pouvoirs supplémentaires et bardés d’outils d’appréciation quantitatifs afin de mieux rationaliser leurs actions.

Car, vous ne le saviez peut être pas, mais à l’école on s’attend à ce que l’apprentissage et le développement personnel soient parfaitement calculables (système de notation, système de bons points, mots et autres sanctions positives ou négatives).

Un bon patron a comme première mission de recruter des salariéEs corvéables et rentables. Les principaux de collèges et de lycées ont ainsi la main mise sur l’embauche des Assistants d’Education (A.E.D.), nouveau statut des surveillantEs d’internat et d’externat depuis 2004. Ces personnels sont d’ailleurs fichés dans un répertoire électronique que nos petits cadres de Conseillers Principaux d’Education (C.P.E.) se délectent à faire défiler sur leurs écrans d’ordinateurs. Les A.E.D. sont embauchéEs avec des contrats de droit privé à durée déterminée, ils/elles ne reçoivent qu’une maigre formation (2 jours en demi-pension), n’ont pas le statut de fonctionnaires et sont payéEs au lance-pierres.

Le super P.D.G. qu’est le président d’une université peut désormais, grâce à la Loi relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités (L.R.U.), embaucher sur son budget propre unE enseignantE chercheur/chercheuse avec des contrats de droit privé, en passant audessus des décisions de la commission pédagogique, ou, par le biais de son droit (supérieur) de véto, bloquer l’embauche d’unE autre enseignantE chercheur/chercheuse. Sachant que dorénavant ce super P.D.G. peut être autant professeur que Sarko est pédagogue, il lui suffit de distribuer mettons 4 heures de cours par semaine à la fac , pour être reconnu comme tel, et à côté il peut continuer, notamment, à diriger son entreprise. Cet entrisme des techniciens/techniciennes et des managers dans la haute administration éducative n’est pas toute récente. Déjà de nombreux/nombreuses C.P.E. ou princiaux/principales sont issus du secteur privé.

UnE bon/bonne patron/patronne dispose d’un bon capital. En particulier d’un bon capital immobilier. N’étant pas forcément fin pédagogue, notre présidentE d’université sera par contre un comptable avisé, qui pourra en cas de faillite de son entreprise Faculté & Brothers vendre quelques amphis à Bouygues (tous droits préservés).

Le capital immobilier est cher à entretenir, dès lors, les principaux/ principales de collèges , qui ne sont pas eux/elles propriétaires des locaux puisque ceux-ci appartiennent à Conseil Général & cie, doivent sécuriser les bâtiments. Pour commencer on grillage les cours de récré. Mais étant donné que la plupart des adolescentEs sont membres actifs/actives de l’IRA, il va de soi que les bâtiments doivent être équipés d’alarmes et de caméras de vidéo-surveillance, en particulier les établissement de ZEP (Zut Encore des Pauvres, j’croyais qu’ils avaient disparus).

En 2005 les établissement ligériens équipés de caméra de vidéosurveillance, ont eu la joie de recevoir une directive du rectorat indiquant qu’ils devaient interdire à leurs élèves, quel que soit le temps, de porter la capuche, afin que les mouchards numériques puissent faire convenablement leur sale boulot.

La construction, la rénovation, la réhabilitation, des infrastructures scolaires sont soumises à la concurrence du marché du bâtiment par le biais de chantier à économie mixte. D’ailleurs les entreprises en charge des chantiers du bâtit universitaire proposent désormais des offres promotionnelles des plus alléchantes : construction + personnel d’entretien.

Ainsi, elles réalisent les travaux et se chargent de salarier du personnel d’entretien pendant une période de 10 ans suivant ces travaux, on ne savait pas trop comment se débarrasser des B.I.A.T.O.S., on a trouvé !

Cette mesure s’ajoute à l’ouverture des marchés des tâches techniques dans les établissements scolaires et universitaires. Bon, alors à la fac, effectivement, la moitié des tâches matérielles (nettoyage des bâtiments par exemple) est assurées par des personnes salariées d’entreprises privées de nettoyage. Ils interviennent en dehors des heures d’ouvertures normales ( les « gauchos » qui occupent les bâtiment universitaires ont eux/elles la chance de rencontrer ces personnes). Le service de restauration des cantines et des selfs du primaire et du secondaire est soit géré par les collectivités territoriales, soit par des entreprises privées, soit par les deux. À l’Université c’est le plus souvent le Centre Régional des Oeuvres Universitaire et Scolaires (CROUS) qui est en charge de ce service. Son personnel est sous-payé et ne bénificie pas d’emplois à durée indéterminée, il est flexible et peu formé.

Ainsi, au CROUS de Nantes, les personnels de restauration du campus Lettres Sciences humaines, Droit Eco-Gestion, S.T.A.P.S., sont amenés à changer régulièrement de poste voire même de lieu de travail, et lorsqu’ils demandent des embauches supplémentaires pour assurer la charge de travail qui leur incombe, on leur envoie des étudiantEs en C.D.D. de très courte durée. Malgré tout, le prix du repas ne cesse d’augmenter (le ticket R.U. prend 5 cents par an) alors que la qualité, elle, diminue. Les cafèts du CROUS sont en concurrence avec les distributeurs de bouffe et de boissons installés et gérés par des gros de la distribution automatique, eux-même en concurrence sur le campus. Ainsi le café de Socio est à 35 cents et celui, équitable par ailleurs (ha ha ha !), de Lettres est à 50 cents. Et encore, à Nantes on a pas (pour l’instant) de fast food ou d’hyper marché en plein milieu du campus, ...... ça ne saurait tarder. Les chercheurs/chercheuses d’or ne savent plus ou donner de la tête. Tant de possibilités s’offrent à eux ! On a même besoin d’entreprises spécialisées dans la confection de repas pour les enfants allergiques de toute une région (eh oui ! les panier-repas confectionnés par les parents, on a abandonné : c’était trop douteux d’un point de vue hygiène).

Les parents, vous l’avez remarqué, mettent la main au portefeuille quand il s’agit de la scolarité de leurs bambins. Alors pourquoi ne pas continuer à en profiter ? En école primaire et maternelle, les temps en dehors de la classe proprement dite (temps d’accueil du matin, interclasse du midi, temps d’étude du soir) sont maintenant considérés comme des services rendus aux parents. Appelés périscolaires à charge des mairies, et financièrement des parents. Les mairies font appel à des associations (euh associations juste dans les textes, comprendre regroupement de type loi 1901) de loisirs éducatifs, des associations d’animation périscolaires, ou bien emploient du personnel spécialisé qui peut s’avérer être des professeurs d’école. Le temps du soir est ainsi soumis à une concurrence des plus impressionnante, entre les animateurs/animatrices et les institutrices/instituteurs qui assurent les études, les animateurs/ animatrices qui proposent des ateliers, les profs d’activités artistiques et sportives...

Tout ça bien sûr est soutenu par une volonté d’offrir aux familles des activités éducatives riches et diversifiées afin de permettre l’épanouissement des enfants. Quand on voit l’état des programmes scolaires primaires et la manière dont sont soutenus les professeurs des écoles dans leur activité éducative quotidienne, on doute sérieusement que l’épanouissement individuel des plus jeunes soit un centre réel d’intérêt pour l’éducation nationale.

Il faut dire que plus ça va et plus les collectivités territoriales se voient chargées de nouvelles missions sans les fonds qui vont avec. Pour assurer leur propre survie, elles sous-traitent des services dits « publics » et rentrent alors dans une logique manageriale qui consiste à rentabiliser au mieux leurs investissements, comme si permettre à toutE citoyen/citoyenne de vivre convenablement sur leur territoire était une action quotable en bourse. Partant de là, elles évaluent leurs missions notamment en termes de mise à disposition d’infrastructures publiques, ou de distribution de services collectifs, comme des occasions de mise en vente de l’espace et des services publics, permettant la dynamisation de leur territoire.

Mise en vente rampante des infrastructures et des services publics, tant au niveau national que local, apparition de « nouveaux services » dans l’espace public, qui sont en fait de vrais services privés, et donc, à ce titre, porteurs d’une relation à la marchandise toujours aussi pauvre et d’une relation aux autres centrée sur le spectacle de la consommation. Tout cela en échange d’un surcroît de publicité dans ce même espace public, publicité rendue ultra-performante par les nouvelles technologies et au nom d’une dynamisation économique rendue indispensable par la mise en concurrences des localités et des régions.


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