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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°41 - Juillet-Août 2005 > Voie sans issue, voix sans issue

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Édito

Voie sans issue, voix sans issue



Le fait que beaucoup de personnes de mon entourage, qui en général tiennent un discours relativement radical envers le système électoral, aient couru aux urnes m’interroge.
Même la mouvance libertaire apparaissait assez divisée (une fois de plus diront les mauvaises langues) sur la conduite à tenir vis-à-vis de ce référendum. Il y avait une large palette d’attitudes : les défenseurs d’un " non anticapitaliste ", les abstentionnistes de toujours, les votants d’un jour " parce que c’est un référendum et pas une élection ", etc.
A No Pasaran, certaines personnes pensaient que voter non permettrait de rendre un peu les coups entre deux vagues libérales. Un partie d’entre-nous étions prêts à défendre un " on s’en branle " (anticapitaliste cela va de soi). Pour ma part je me rangeais du côté des seconds. N’y voyez là aucun cynisme. C’est plutôt qu’à part voir la gueule des politiciens prendre une couleur vert-caca-de-poule le soir des résultats (ce qui est un plaisir certes intense mais bien bref), je ne vois pas quel changement fondamental le non va entraîner. C’est aussi que je ne comprends pas ce raisonnement, souvent avancé par la gauche de la gauche, qui affirme que ce non est le prélude nécessaire à un renouveau du mouvement social. Là-dessus, nous sommes d’accord, les choses ne changent pas dans les urnes mais dans les luttes, dans la rue. Pourtant, à ce jour personne n’est capable de décréter les luttes sociales. Au mieux nous pouvons les soutenir, leur donner une visibilité mais il faut le reconnaître les luttes débarquent souvent sans crier gare. Alors, croire que la victoire du non va entraîner un renouveau des luttes c’est se foutre le doigt dans l’œil jusqu’au fond de l’urne. La forte mobilisation des " nonistes " montre plutôt à quel point le mouvement social n’a à ce jour aucune perspective viable. Ce aussi bien à court-terme qu’en ce qui concerne un projet, où tout du moins une ébauche de projet de société. Et sans doute là le cœur du problème. Par conséquent, en tant que libertaires il est vital de nous battre pour qu’à terme le mouvement social soit suffisamment porteur d’espoir d’alternatives concrètes. Ainsi, nous pouvons espérer que la tentation de trouver des débouché par le système électoral ne se posera même plus. Mais, pour le moment, il est plus simple de se rendre dans l’isoloir que de lutter collectivement.
Le collectif, voilà bien ce qui pêche aujourd’hui. C’est sans doute une grande victoire idéologique du capitalisme, que d’avoir fait rentrer dans nos petites caboches que les seules issues sont d’ordre individuel : réussir ses études, avoir un bon job qui te mette à l’abri du besoin et tant pis si les autres se font écraser la gueule. Au moins sauver sa peau... Et puis voter de temps en temps. Tout seul dans le bien nommé isoloir. Voter, pour se rassurer, par acquis de conscience. Voter pour que le grand-méchant capitalisme mette un peu d’eau dans son vin, pour qu’il écrase un peu moins violemment la gueule de son voisin (et si possible épargne au moins la sienne...). Voter sans y croire surtout. De toutes manières, les issues individuelles sont sans lendemain parce qu’elles ne permettent pas de construire des solidarités, d’établir des rapports de force réels et durables contre le capitalisme. Avoir sué sang et eau pour se mettre à l’abri ne garantit même pas qu’on ne va pas tout perdre d’un coup. Il ne faut pas oublier que ce qu’on a acquis individuellement, c’est le capitalisme qui l’a concédé et qu’il reprend plus vite qu’il ne donne...
Tout ça pour dire qu’avoir voté non, à quoi ça engage ensuite ? Le référendum a-t-il construit des liens collectifs durables ? Désolé, je ne crois pas.

On a fait de nécessité vertu. Devant notre incapacité à écrouler cette société pourtant bien pourrie on a utilisé les outils qu’elle met à notre disposition. La justification c’est qu’après on va passer à l’offensive sociale. Après... Toujours après... La vérité c’est que le non n’a rien changé. La vérité c’est beaucoup de gens auraient préféré glisser un gros étron bien humide et poisseux dans l’urne.

La vérité c’est qu’il n’y a d’issues que collectives.

Marinus


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