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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°41 - Juillet-Août 2005 > Témoignage de Michel, paysan de Loire-Atlantique

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Dossier : Pour une agriculture non productiviste

Témoignage de Michel, paysan de Loire-Atlantique


Après avoir été pendant quinze ans dans une agriculture productiviste Michel a rompu avec ce mode de production pour revenir à une agriculture paysanne, inséré dans une économie locale, développant un échange de proximité.


Nous l’avons interrogé sur le fonctionnement d’un type d’agriculture productiviste, en l’occurrence la production de volailles et le rapport entre le paysan et l’agro-business, qui a un nom l’intégration. A ce sujet il n’y a pas de différences fondamentales entre le privé et le système coopératif. Ce système s’est mis en place dans les années 70. Comment est organisé la production ? Le paysan possède le poulailler - dans la majeure partie des cas il a fait un emprunt pour le construire. L’intégrateur - la firme agro-alimentaire - fournit le poussin et les aliments. Il reprend les animaux en fin de bande - à la fin du cycle d’élevage - et le paysan reçoit une rémunération qui correspond au prix différentiel entre le coût (poussin + aliments) et le prix d’achat du kilo. Ce qu’on appelle un indice de consommation. Une fois le calcul fait si tu es au dessus de l’indice tu perds des sous. Parfois, c’est le paysan qui doit des sous à la firme. Il y a à peu près 15.000 producteurs de ce type avec une forte proportion en Bretagne et dans les Pays de Loire où il y a eu un fort développement de ce type d’agriculture (volailles et porcs). La firme Doux en est une des plus illustres. Le paysan passe un contrat d’intégration avec les firmes privées et un contrat de production avec les coopératives. Au niveau des coopératives, il est considéré que du fait que celle-ci est administrée par des agriculteurs qui élisent leur représentant, ce ne peut être considéré comme une relation de droit privé. Pour le privé, il y a une loi qui est censé protégé le paysan ; c’est ce qui a permis dernièrement d’attaquer des firmes pour non respect du contrat. En effet, ces dernières ne payaient pas au prix indiqué sur le contrat signé. Le rendu des premiers jugements à Quimper et en appel à Rennes a donné raison aux paysans. Dans ce milieu, chacun est individualisé il y a assez peu de solidarités. C’est très dur d’avoir une démarche revendicatrice pour faire respecter ses droits. Car si tu l’ouvres, tu te retrouves exclu avec tes dettes (emprunt pour le matériel). Le paysan intégré dépend totalement de la firme, il n’a aucune marge de manœuvre ni aucun droit sur son produit. Comme il faut produire au plus bas coût, on en fait le plus possible avec une nourriture de très mauvaise qualité. Il peut y avoir encore des cas où tu peux acheter toi-même les aliments, mais forcément à la firme qui te rachète le produit fini. Avec la crise de la volaille depuis les années 2000, c’est devenu très difficile pour de nombreux travailleurs/paysans.

Ce qui est extraordinaire avec ce système c’est que les firmes qui exploitent sans vergogne les paysans, c’est qu’elles sont responsables aussi de la crise. En effet, ces firmes sont celles qui ont été investir - délocaliser - dans de nouveaux pays où le coût est plus faible. Par exemple Doux a investi au Brésil et va exporter en France donc concurrencer sa propre production ici. Il va donc toucher des subventions de l’Europe avec la PAC (voir article ci-dessus) pour produire des poulets dans l’hexagone pour exporter - ils reçoivent ce qu’on appelle des restitutions, complément de prix - au Proche-Orient, en Afrique (les produits les plus dégueulasses) finissant de détruire l’agriculture locale et va importer ses propres poulets. Et l’on peut remarquer que cela n’est jamais dit. Le milieu paysan s’en prend à l’Europe ou à la concurrence déloyale, alors que c’est leurs propres employeurs qui en sont les responsables.

Puis la firme agro-alimentaire vend aux centrales d’achat qui font pression sur les prix en dégageant le maximum de marge pour elles (et non pour le consommateur bien évidemment). Tu payes donc cher un produit dégueulasse qui permet d’enrichir quelques grosses entreprises. Pour transformer cet état de fait, il faut donc pas seulement " changer les règles mais changer le jeu lui-même " donc repartir avec une nouvelle éthique en redéveloppant un système d’échanges et de productions de proximité.

Au niveau syndical, la FNSEA - syndicat majoritaire - qui a accompagné/mis en place le développement de l’agriculture productiviste n’émet aucune critique bien sûr. Certains des producteurs qui sont passés en procès n’ont eu aucun soutien de leur part alors qu’il y en qui appartiennent à la FNSEA. La Confédération paysanne est très peu implanté dans ce type de production, mais s’est emparé de la question du non respect des contrats pour agir à ce niveau.

Et si demain Doux décidait d’arrêter l’ensemble de sa production, est-ce possible ? Bien sûr, il suffit que la firme ne reconduise plus ses contrats et le paysan n’aurait aucun recours.

Christophe


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