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AccueilJournalNuméros parus en 2006N°46 - janvier-février 2006Privatiser le vivant > Protégeons-là, protégeons-nous !

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La biodiversité, c’est la vie

Protégeons-là, protégeons-nous !


On pourrait définir la diversité biologique comme la propriété qu’ont les systèmes vivants d’être distincts, c’est-à-dire différents, dissemblables (Solbrig, 1991). Cette propriété trouve son origine dans la variabilité et l’hétérogénéité des habitats, des ressources et des climats rencontrés par les espèces. C’est cette complexité produite par des millions d’années de mutations génétiques et de sélection naturelle qui constitue notre histoire - biologique - la plus lointaine, la plus intime et qui comporte également les clés de notre futur biologique. C’est finalement le plus beau témoignage de la richesse de notre planète.


L’espèce humaine n’est pas étrangère à l’évolution de la biodiversité. On peut parler ici de co-évolution, d’interaction entre Nature et Culture. Jusqu’alors, on pouvait dire que la biodiversité permettait aux communautés humaines de développer leur propre identité, de contribuer au développement de la socio-diversité. Pour aller plus loin, on pourrait dire que la biodiversité réfléchit la complexité et la diversité de chaque être humain. La biodiversité, selon Raphaël Larrère, pourrait être une métaphore de notre propre diversité, de la singularité de chacun, chacune d’entre nous.

Qu’observe-t-on aujourd’hui ? La mondialisation d’un modèle de développement centré sur l’économique (production-consommation-croissance) tend à promouvoir l’uniformisation du monde, de la Nature, de la Culture, par le filtre de la mise en marché. Ainsi, il existait il y a encore 50 ans plus de 100.000 variétés de riz en Inde, alors que l’intrusion des multinationales de la semence sur le marché indien les a réduits à une trentaine, génétiquement modifiés (source Kokopelli). Chacune de ces variétés était l’expression d’une relation particulière d’une communauté avec son territoire, le fruit d’une co-évolution équilibrée entre un système social et un système écologique, répondant aux besoins nutritionnels de cette population et à des critères quantitatifs et qualitatifs de production.

La diversité biologique se concentre dans les régions tropicales, en dehors des centres urbains qui ont rompu tout équilibre entre Nature et Culture. Cette donnée renforce le pillage du Nord sur le Sud et menace l’autosuffisance alimentaire et sanitaire des communautés paysannes et finalement leur autonomie. Certes, les phénomènes de spéciation (apparition d’espèces) et de disparition ont toujours existé et sont inhérents à tout système vivant. Certes on estime que 99% des espèces qui ont vécu sur Terre ont aujourd’hui disparu. Certes la controverse existe sur l’inventaire de la biodiversité, mieux évaluée au sujet des mammifères et des oiseaux mais plus limitée au sujet des insectes, des bactéries et des virus. Néanmoins, on raisonne en millions d’espèces. Alors ce qui inquiète, au même titre que pour le réchauffement de la planète, c’est la vitesse de disparition de certaines espèces et variétés. Si le réchauffement de la planète participe à ce phénomène, il s’agit ici d’un effet induit alors que la brevetabilité de manipulations génétiques apparaît comme une volonté forte de contrôler l’usage du vivant en l’uniformisant.

Alors, si d’un point de vue pratique, au quotidien, les menaces qui pèsent sur la biodiversité peuvent apparaître un peu futiles pour les habitant-e-s des métropoles des régions du Sud comme du Nord, elles revêtent un caractère vital pour toutes les communautés paysannes de la Terre. D’un point de vue éthique, les volontés politiques et économiques d’uniformiser la Nature pour faciliter son contrôle et sa mise en marché nous laissent penser que la bokanovskification, processus ultime d’uniformisation de l’espèce humaine, imaginé par Aldous Huxley dans son chef d’œuvre d’anticipation “Le meilleur des mondes”, écrit en 1932, ne serait pas pour déplaire aux nanti-e-s de ce monde.

Pierre (La Rochelle)

Article de synthèse du chapitre 1 du dossier de presse complémentaire à la campagne d’Agir ici “Planète privatisée, défense d’entrer !”
Le meilleur des mondes, Aldous Huxley, 1932, réédité en 1977 par Presses Pocket.


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