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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°61 - Septembre 2007 > LA DIVERSITE DES TRAVAILLEURS SOCIAUX

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Réaction au dossier paru dans No Pasaran 59

LA DIVERSITE DES TRAVAILLEURS SOCIAUX


Suite à la lecture du dossier NO PASARAN sur le travail social, j’ai eu l’envie de faire quelques commentaires critiques concernant le contenu des différents articles. Il est plus ici question de donner d’autres ouvertures ou pistes de réflexion à la question si problématique du travail social que de contredire les propos du dossier qui expriment à leur manière une vision critique tout aussi intéressante de notre objet.


Ala lecture de ce dossier, ma première impression fut celle d’une vue assez négative de la mission des travailleurs sociaux. Il est certes, indéniable que ceux-ci procèdent de l’économie capitaliste, ils sont bien des instruments du maintien de l’ordre social, une logique qui conduit à parler du maintien de la cohésion sociale, de paix sociale. Point de naïveté, nous savons bien que ce qui est recherché, ici, ce n’est pas notre bien-être singulier, mais le bien-être de la nation pour le profit de ceux qui y ont intérêt, en d’autres termes pour celles et ceux qui détiennent le capital. De là à fustiger les travailleurs sociaux de collaborateurs au système contre lequel nous luttons, il n’y a qu’un pas et j’ai bien peur que ce soit là une vision un peu manichéenne de la complexité des enjeux sous-jacents. Je ne connais pas de secteurs professionnels où les acteurs qui y participent aient une vision aussi négative de ce qu’ils y font.

D’où vient cette autocritique si sévère ?

Il me semble que cette culpabilité aux relents judéo-chrétiens tient de l’écart entre les idéaux qui conduit les travailleurs sociaux à embrasser cette carrière et la réalité de l’exercice professionnel avec son lot de rationalité budgétaire et ces catégorisations des publics concernés
- Une petite case pour chacun, un diagnostic, une solution à court terme et retour à la case rentabilité sociale - Cependant, tout système a du jeu et même si les TS n’ont pas toujours la possibilité d’exprimer leur éthique comme ils/elles l’entendent, ils/elles peuvent toujours jouer avec les limites de leur mission, peser sur celles-ci pour le mieux être des personnes accueillies. A s’enfermer dans une vision mortifère, il y a tout lieu de croire que le combat est perdu et que l’on a renoncé à faire progresser ce monde.

Un autre écueil me semble t-il est de parler du « travail social » comme d’un bloc monolithique, j’oserai dire qu’il y a autant de formes qu’il y a d’institutions, de métiers, de secteurs  ; les logiques du secteur de l’enfance inadaptée ne sont pas les mêmes que celle du secteur de l’handicap, d’une part du fait des problématiques des personnes elles-mêmes que de l’histoire sociale propre à chacun de ces secteurs. A faire une définition générale du travail social, il y a risque, alors, de s’égarer et de rendre opaque à la critique les logiques qui maintiennent le système de domination instituée propre à chacun de ces secteurs. Dès lors, on comprend la nécessité même de faire l’analyse de la trajectoire de chacune des institutions en parallèle de celles des personnes concernées. Ainsi dans un même secteur, on peut voir naître des pratiques très différentes, des institutions vont opter pour un versant répressif, redresseur de torts, dans le souci de rééduquer pour redresser et d’autres vont défendre une vision progressiste de l’homme en aménageant les conditions premières d’existence nécessaire à la dignité de la personne accueillie - certains TS vont faire leur métier par vocation charitable, d’autres en pensant le bien des gens à leur place et d’autres encore en prenant en compte le sujet. Autant de postures qu’il y a de positions sociales occupées, autant d’éthique qu’il y a de produit de l’histoire sociale et économique. Dans chaque système, il existe au moins deux pôles  : ceux qui luttent pour son maintien et ceux qui résistent pour sa perte. Même si nous sommes la résultante de notre propre histoire et expérience, une fois conscientisé, il est toujours possible de s’émanciper et d’occuper une place de trublion dans l’organisation de l’ordre établi.

Enfin, une dernière remarque concerne les personnes visées par les services sociaux eux-mêmes. Il n’y a qu’un pas à faire pour penser qu’elles ne font que subir le joug social. Ces personnes ne sont pas uniquement objet du travail social, elles ont en elle (et fort heureusement  !) la capacité de jouer avec les limites des prestations sociales, elles résistent, s’opposent, bref ne se conforment pas tout à fait à ce qu’on attend d’elles. Aucune institution, de ce fait, ne peut-être tout à fait dans la toute-puissance. A considérer le contraire, serait de penser l’autre comme objet subissant, au risque de tomber dans le même travers que celui que l’on dénonce du côté de celles et ceux (les dominants) qui instrumentalisent les publics bénéficiaires des prestations sociales. Pour preuve le nombre d’associations et de collectifs de défense des droits construits et animés par celles et ceux que nous pensons (à tort !) parfois comme démunis de tout désir pour s’émanciper. Et là, où ça résiste, il y a de la création, et là où il y a de la création, il y a de la liberté.

A mon avis, pour le militant, il reste à penser les problématiques de l’action sociale sous deux angles. D’un côté, nous ne pouvons lutter que pour faire disparaître les raisons d’être du travail social, en bref lutter contre les inégalités sociales intrinsèques au système capitaliste. Mais de l’autre (et c’est là le paradoxe !), nous ne pouvons pas laisser ceux qui souffrent de leurs conditions d’existence sur le bas côté. Il y va donc de la responsabilité de chaque travailleur social de s’engager idéologiquement dans sa profession, afin de lutter au côté de ceux que nous souhaitons voir s’émanciper. Plutôt qu’un discours résigné ou dénonciateur, écoutons notre saine colère pour en faire une arme de lutte, pour ne plus considérer l’autre comme objet, mais comme sujet, autrement dit pour donner à celles et ceux qui subissent en partie la précarité les moyens de leur colère, leur redonner ainsi tous les moyens de leur propre émancipation dans la lutte. - Faire avec eux et non plus pour eux !

Alain (44)


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