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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°65 - Janvier 2008Regards sur la mobilisation contre la loi LRU > DES PROFESSIONNEL-LE-S AMATEUR-E-S DANS LA LUTTE

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Regards sur la mobilisation contre la loi LRU

DES PROFESSIONNEL-LE-S AMATEUR-E-S DANS LA LUTTE

Les Profs et les BIATOSS dans le mouvement


La plupart des commentaires sur la lutte contre la loi LRU, et ce dossier ne fait pas exception à la règle, sont centrés sur la mobilisation des étudiant-e-s. Pas étonnant : ni les profs ni les BIATOSS n’ont été capables de construire un mouvement digne de ce nom.


Pourtant, ce n’était pas joué d’avance : dès juin, les syndicats professionnels (faisant partie de la FSU, de la CGT, de l’UNSA et des SOLIDAIRES) ont fait du raffut pour dénoncer le « forcing » du gouvernement, décidé à faire passer sa loi en douce pendant l’été. Et contrairement à l’UNEF qui le 27 juin, après quelques négociations, «  salue les inflexions apportées par le gouvernement » au projet, certaines organisations professionnelles sont beaucoup plus dures. Le syndicat majoritaire des enseignant-e-s/chercheur-e-s, le SNESUP (FSU), dans un communiqué du même jour, refuse d’emblée de « s’inscrire dans une logique d’amendements du texte », considérant le projet comme « destructeur pour l’enseignement supérieur et la recherche ». Quelques jours plus tôt, ce même syndicat avait vu dans la future loi une « démolition complète sans précédent des universités » ! C’est tout juste si les dignes enseignant-e-s-chercheur-e-s n’appellent pas à prendre les armes... Heureusement pour la sécurité publique, ils/elles se contentent de prendre leur stylo pour signer « l’Appel des Cordeliers » (sic), pétition lancée le 11 juillet par des syndicats professionnels et par SUD Etudiant (l’UNEF, présente en juin, s’est tue). Non sans avoir, quelques semaines plus tôt, courageusement rejeté la loi au Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) du 22 juin. Deux initiatives qui ont du faire trembler Pécresse, Fillon et Sarko, mais qui ne les ont pas empêché de faire passer la loi en force...

Malgré les appels estivaux à une « rentrée combative », les profs et les personnels passent des mois de septembre et d’octobre très calmes... Même à l’occasion des actions unitaires du 18 octobre, la loi LRU est reléguée à une position secondaire, voire est carrément absente, des appels des syndicats signataires de l’appel des Cordeliers. L’heure n’é-tant plus à la protestation mais aux discours cons-truc-tifs, le SNESUP lance le 15 octobre une pétition, « l’Appel des 100 » (re-sic), « pour un grand service public universitaire ». Pendant ce temps, dans les facs, les premières AG d’information sur la loi LRU se tiennent, parfois à l’initiative de profs et de BIATOSS, mais rapidement composées d’une très grande majorité d’étudiant-e-s. Commence alors un bon mois de flottement, pendant lequel les syndicats professionnels, et plus généralement le personnel des facs, profs compris, se trouvent débordés par un mouvement étudiant qu’ils n’avaient pas prévu, qu’ils ne maîtrisent pas, et qui s’étend en quelques semaines à la majorité des universités. Il faut attendre fin novembre (qui correspond à l’apogée du nombre d’universités bloquées) pour que ça se remue un peu : le SNESUP appelle enfin à la tenue d’AG de personnels à partir du 16 novembre ; le 21 novembre, une tribune intitulée « Les présidents d’universités ne parlent pas en notre nom » paraît dans Le Monde, à l’initiative d’enseignant-e-s de Paris 8 Saint- Denis ; le 24 novembre, sur la base de ce texte (qui devient une pétition, encore une), « Sauvons l’Université ! » est créée, et convoque avec «  Sauvons la recherche ! » une AG à Jussieu le 29 novembre.

Enfin, certain-e-s enseignant-e-s et BIATOSS arrêtent de se contempler le nombril ! L’espoir de voir leur mouvement aboutir se trouve renforcé chez nombre d’étudiant-e-s. Mais l’espoir est de courte durée. Il faut dire que c’est un peu tard pour se réveiller : l’UNEF a quitté le mouvement, les lycéen-ne-s sont moins nombreux/ses dans la rue, les grèves RATP et SNCF ont pris fin, les président-e-s d’université ont eu tout le temps de s’habituer à leur nouveau rôle de petit chef sans opposition etc. Bref, les personnels mobilisent à contretemps. Et même alors, ils n’ont pas vraiment d’efficacité. Car entre signer une pétition et construire un rapport de force avec le gouvernement, il y a un grand pas, que visiblement les profs et BIATOSS ont beaucoup de mal à accomplir : alors que plus de dix mille personnes signent diverses pétitions, ils ne sont que quelques centaines à battre le pavé de façon régulière. La première manifestation unitaire a lieu... le 6 décembre ! A cette date, il ne reste qu’une vingtaine d’universités bloquées, et pour beaucoup d’étudiant-e-s ça sent la fin de mouvement. A l’issue de cette manifestation, des représentant-e-s des syndicats de personnel et des collectifs SLU/SLR sont reçu-e-s au ministère. Evidemment, leurs revendications sont toutes rejetées par le directeur de cabinet de Pécresse (la ministre ne daignant pas les recevoir personnellement). Grosse déception pour ceux/celles qui pensaient que le gouvernement allait lâcher quoique ce soit sans y être forcé !

Il n’est peut-être encore un peu tôt pour tirer le bilan définitif du rôle qu’on eu les profs et BIATOSS dans la première phase du mouvement contre la LRU ; qui sait, il est toujours possible que l’on récolte dans les mois qui viennent les fruits des timides tentatives d’organisation qui ont eu lieu depuis fin novembre. Mais il ne faut pas se voiler la face : les profs, premier- e-s touché-e-s par cette loi, ont dans leur immense majorité fait preuve d’un individualisme forcené, préférant les joies solitaires de l’écriture de diverses tribunes et des signatures de pétition à l’investissement dans un mouvement collectif, plus fatiguant et plus ingrat. Pas étonnant de la part de membres de la classe dominante (car il est indubitable que, contrairement aux contractuel-le-s et aux profs du primaire et du secondaire, les maître-sse-s de conf’ et plus encore les professeur-e-s appartiennent de facto à la bourgeoisie), mais ça tranche avec la posture d’opposition au gouvernement Sarko/Fillon adoptée par une bonne partie d’entre eux/elles. Quant aux BIATOSS, ils/elles sont l’objet de tellement d’attaques ces derniers temps que les enjeux de la loi LRU ont rarement été clairement formulés. C’est d’autant plus dommageable que les logiques de cette loi vont à coup sûr conduire à faire d’eux/elles, à terme, des employé-e-s définitivement fixé-e-s à un poste et à un lieu, ou des travailleurs/ses précaires. Alors, les étudiant-e-s ne doivent compter que sur eux/elles-mêmes ? Pas forcément, car les facs ne sont pas des îlots déconnectés du reste de la société, et avec un peu de rigueur et d’imagination il est possible de tisser de nombreux liens avec d’autres luttes. Mais il est clair qu’au sein des universités, la construction de luttes étudiantes autonomes apparaît plus que jamais comme une nécessité.

Sam


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