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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°63 - Novembre 2007POUR UN AUTRE GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT > UNE PORTE DE SECOURS POUR LE CAPITALISME

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Dossier Pour un autre Grenelle de l’environnement

UNE PORTE DE SECOURS POUR LE CAPITALISME


Du consensus national, en période de grogne sociale. En 36 heures chrono s’est tenu le Grenelle de l’environnement, conclu le jeudi 25 octobre par une rafale de mesures qui ont ébloui la plupart des associations, et les médias des capitalistes qui les ont relayées sans aucun recul critique. Dans une chronique de Libération, Daniel Schneidermann détaillait, quant à lui, la stratégie de l’Etat Sarko : noyer la population sous une tonne de promesses, ne mettre en avant que celles qui sont tenues. Comptant ainsi sur la capacité d’oubli, et la servilité des médias... Or, dès que l’on rentre dans les détails, on peut se poser de légitimes questions sans passer pour des rabats-joies.


Sarkozy a utilisé une stratégie éprouvée parmi d’autres : il a posé des marqueurs sur ce qui était intouchable, tout en feignant de vouloir négocier sur certains points pour gagner du temps. C’est toujours la même eau qui coule... Ainsi, deux jours avant son intervention du 25 octobre clôturant le Grenelle, il vendait, sans vergogne, une centrale nucléaire au Maroc, l’action d’Areva s’envolant le lendemain... Sur la question du nucléaire, l’Etat Sarko a éludé une question : la gestion des déchets, et la gestion des risques, toujours d’actualité quand on est informé par exemple de la multiplication des problèmes dans les centrales japonaises, liées aux fissures dûes aux secousses sismiques. Quant à la gestion des déchets, non, rien de rien... C’est comme s’ils n’existaient pas et que le nucléaire était propre, alors qu’elle produit des déchets dangereux, cancérigènes, pour des durées qui se comptent en dizaines de siècles ! Où les mettra-t-on, comment s’en protègera-t-on ? En fait, Sarko l’a dit : on ne touche pas au nucléaire ! Déjà, voilà un gros point totalement évacué...

La question de l’armement a, elle aussi, été évitée. Les contrats d’armement en Lybie ? C’est comme s’ils n’existaient pas... A croire que Sarko a complètement hypnotisé les membres des ONG présents. Pourtant, même si certaines ONG sont totalement dépolitisées, et si l’on ne peut tout faire en une seule fois (cet argument étant recevable à mes yeux...) rien ne les empêchait de mettre les pieds dans le plat. On va pas trop leur en demander sur l’antimilitarisme, mais certaines associations auraient pu au moins aborder le coût écologique des avions Rafale, des missiles de croisière, etc. (évidemment, ce qui compte c’est les populations écrasées par la violence de ces armes, mais nous doutons que la plupart des ONG aille jusque-là, la ligue de protection des oiseaux préférant de loin les rapaces aux humains, ce qui est sommes toute logique lorsqu’on est pro-UMP).

Les OGM ? Il faudra attendre une énième commission d’experts, indépendante pour... que les cultures se développent. Mais celles existantes sont maintenues. Décision à suivre de près, mais décision somme toute riquiqui. Est-ce que l’Assemblée et le Sénat vont aller contre l’agro-business défendue par la FNSEA, vu le poids du lobby on peut avoir des doutes... Comme dans l’armement, le nucléaire, dès qu’il s’agit d’argent, on connait la chanson du côté de l’UMP, alors que le PS est lui aussi mou ou inexistant sur cette question. Là aussi, Sarko compte sur la capacité d’oublie de la majeure partie d’une population qui s’appuie uniquement sur l’éphémère télévisuel pour s’informer et qui, isolée devant son poste de toute entité sociale, toute intelligence collective, ne peut pas s’appuyer sur une mémoire sociale. Du moment que tout brille à l’instant présent, peu importe ce qu’il se passe réellement une fois les projecteurs éteints. Les anti-OGM apparaîtront encore comme des fouteurs de merde, insensibles à la misère d’un tiers monde privé d’un pseudo miracle agricole, alors que dans la réalité, pour peu qu’elle ait encore la moindre importance, c’est l’exact inverse qui se produit.

L’ENVIRONNEMENT DÉCONNECTÉE DE L’ÉCOLOGIE ET DU SOCIAL

Pour poser la différence, l’environnement c’est la protection d’un paysage sous cloche, l’écologie c’est l’interdépendance des humains et d’autres formes de vie dans un milieu naturel modifié (il n’existe plus vraiment de nature primaire), mais aussi urbain (question du bruit, de l’architecture, des parcs, de la richesse alimentaire...). Dans la question des OGM apparait ainsi celle de la santé à court terme, la commission indépendante (à voir...) devant répondre rapidement si c’est nocif ou pas, et comme on met des décennies à cerner des produits cancérigènes, on sent venir l’arnaque et le libre-développement. Mais au-delà de la santé, la question qui est aussi essentielle c’est celle de la brevabilité du vivant. Est-ce que des entreprises ont le droit de déposer des marques de tournesols et de vendre uniquement ces semances qui, par dissémination, élimineront les espèces naturelles les plus fragiles ? Les tournesols, comme toutes les plantes (les céréales étant plus visées, maïs notamment) font-elles partie d’un bien commun à l’humanité, libre d’être cultivées ou non, ou sont-elles privatisables ? Peut être y-a-t-il eu des petits débats périphériques (peut-être), mais rien n’apparait pourtant dans le document final. C’est là, aussi, où l’on voit que ce Grenelle est déconnecté de la question sociale et économique portant sur des enjeux essentiels : le bien commun, la libre production de denrées alimentaires, le maintien d’une agriculture paysanne, la non-privatisation du vivant, la distribution. Tous ces enjeux philosophiques, sociaux et économiques sont évacués au profit d’un environnement complètement compatible avec les intérêts économiques.

QUI PAYE, QUI EN PROFITE ?

Le membre de la CGT présent aux débats finals, Jean-Christophe Le Duigou, a posé la question qui fâche : tout en se déclarant assez satisfait, il a aussi précisé qu’« il faut maintenant trouver les financements pour toutes ces opérations. » Des dizaines de mesures ont été proposées afin de fabriquer le consensus national, ou tout du moins, sa fiction audiovisuelle : bien entendu, on est pour des logements de meilleur qualité, mieux isolés, notamment ces 800 000 logements HLM qui seront réhabilités, tout comme des mesures sont prévues pour le parc locatif privé : comme ça, sur le papier, tout le monde est pour... Mais, dans deux ans, dans quatre ans, une fois les travaux effectués, qui, au final, paiera la note ? Lorsque des travaux sont faits dans des appartements, qui paye au final, actuellement ? Les locataires, par une répercussion sur les loyers. Alors, évidemment, Sarkozy avance des déductions fiscales, etc, pour les propriétaires qu’ils soient privés ou territoriaux... Mais ne soyons pas naïfs : l’Etat réduit les dépenses sociales, les entreprises ne veulent pas toucher à leurs marges, et vous n’avez pu que deviner qui allait devoir se farcir la note...

C’est un signe qui ne trompe pas, Parisot, présidente du Medef, est sortie le sourire aux lèvres du Grenelle, en disant que « les demandes étaient équilibrées » (comprendre, dans la novlangue du Medef, « les entreprises sont gagnantes »). En effet, les entreprises de bâtiment se frottent les mains devant les travaux dus aux nouvelles normes... Idem pour d’autres pans d’économie : le remplacement des lampes à incandescence relancera le marché, comme toutes les autres mises au normes nécessaires. Le vendredi 26, les industriels et grands patrons du bâtiment se succédaient à la télé, à la radio, pour se frotter les mains. Ils répercuteront les coûts, qui serait assez idiot pour croire le contraire ?

Plus généralement, on peut s’interroger sur la faisabilité des promesses  : alors que la SNCF privilégie le nec plus rentable, par exemple avec le « TGV pro » dont ils nous cassent les oreilles, on peut difficilement imaginer que les transports publics vont se densifier, comme ça, d’un claquement de doigt, alors que tous les investissements ferroviaires dans le sens des transports populaires sont en berne. On voit mal apparaître, dans ce cas-là, tout d’un coup, des navettes peu coûteuses pour les usagers aux heures de pointe.

Durant tout le Grenelle de l’environnement a été soigneusement évacué l’idée que ce sont les capitalistes, les actionnaires, les propriétaires de fond de pension qui devraient payer la note écologique. Le peu que devra payer le patronat sont des investissements qui seront rentabilisés à court terme (si ce n’est la micro-mesurette du remboursement pour moitié des frais de transport collectif, ce qui existe déjà dans la plupart des entreprises notamment à Paname, ça ne mange pas de pain). C’est encore la population, les citoyens, qui vont devoir supporter les frais des désastreuses politiques capitalistes qui vont continuer à détruire la planète, les êtres vivants. Car, ne nous leurrons pas, tant que subsistera la course aux profits, de nouveaux marchés devront être créés et le productivisme restera le mode de pensée dominant. Nous serons éclairés aux néons écologiques, mais nous continuerons à produire de la merdouille pour enrichir le patronnat et bouffer à la fin du mois.

ET POURTANT, ELLES SONT CONTENTES, LES ONG

Oui, mais lesquelles précisemment ? La plupart des ONG présentes étaient des organisations environnementalistes, qui veulent protéger la vitrine naturelle, l’idée de nature... D’autres sont plus sociales et écologiques, à l’instar de Greenpeace, mais à en croire ses représentants, elles semblent se satisfaire de « la prise de conscience » - tout du moins c’est ce qui apparaîtrait dans le montage médiatique. Cette prise de conscience est sans doute indéniable, oui, « il faut protéger la nature »... Personne n’est contre. Mais les humains aussi, s’ils vous plaît, notamment les 12 millions de personnes qui vivent en France avec moins de 900 euros par mois : eux aussi aimeraient se soucier d’écologie et ne pas bouffer à Leader Price, mais visiblement c’est pas la même classe que les représentants proprets des ONG écologistes du Grenelle.

En effet, un argument pour vendre le Grenelle, c’est le débat participatif. Dans les faits, il y a bien eu de rares débats dans de rares villes, à de rares moments, entre quelques spécialistes universitaires et salariés permanents des ONG. Mais le débat populaire, c’est encore du foutage de gueule... On assiste à l’alliance d’une partie des classes aisées avec l’Etat Sarkozy, dans une communion environnementaliste dont seule l’hostie est bio. Mais cela reste profondemment déconnectée de tout lien entre ces quelques acteurs invisibles et l’immense majorité de la population, réduite à l’état de spectateurs, et culpabilisée dans sa consommation alors qu’on lui serine depuis des décennies des « vos emplettes, ce sont nos emplois », etc.

Bien plus intéressantes sont les initiatives liées aux pratiques concrètes  : les AMAP (aide au maitien de l’agriculture paysanne), les SEL ou réseaux de solidarités, les collectifs anti-OGM, tout le mouvement paysan alternatif lié à la Confédération paysanne, la revue L’âge de faire ou Silence. L’écologie sans pratiques sociales, populaires, collectives, c’est de la poudre aux yeux. L’écologie sans la question sociale, sans la lutte contre les inégalités, contre la pauvreté, c’est une forfaiture politique, la création d’une alliance autour de Sarkozy qui saura vendre lorsqu’il le faudra sa politique ultra-libérale en échange d’un maroquin. Pas d’écologie sans partage des richesses, sans remise en cause radicale du capitalisme  !

Raphaël


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