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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°63 - Novembre 2007POUR UN AUTRE GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT > « LE GRENELLE ? UNE SIMPLE CONSULTATION POUR ENDORMIR LES GENS. »

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ENTRETIEN AVEC JOSÉ BOVÉ

« LE GRENELLE ? UNE SIMPLE CONSULTATION POUR ENDORMIR LES GENS. »



Où en est aujourd’hui la lutte anti-OGM en France ?

Beaucoup de gens pensaient qu’après l’élection de Sarkozy et la mise en place des décrets sur les OGM au printemps 2007 par Villepin, la résistance serait anéantie. Mais tout l’été on a tenu la dragée haute aux transgéniculteurs en menant des combats à travers tout le territoire et avec un renforcement des actions au mois d’août contre les semenciers et les essais en pleins champs. Ces actions ont permis de maintenir une pression permanente alors qu’il y avait pendant ce temps-là ces discussions, ces causeries dans le cadre du grenelle de l’environnement.

Le grenelle de l’environnement change-t-il la donne pour le mouvement anti-OGM ?

Certains ont cru que ces discussions pourraient déboucher sur quelque chose d’intéressant. Mais le grenelle de 2007 n’a rien à voir avec celui de 1968. A l’époque, même si la parole des grévistes avaient été récupérée par les organisations syndicales, il y avait quand même un réel rapport de force ; or, aujourd’hui, dans le cadre du grenelle de l’environnement, on est pas du tout dans un rapport de force qui peut permettre une négociation. On se retrouve dans le cadre d’une simple consultation qui a pour objectif d’endormir les gens en leur faisant croire que le nouveau gouvernement fait quelque chose. Mais le fait que les faucheurs continuent de mener des actions dans les champs à amener à une rencontre avec le ministère de l’environnement le 31 juillet. Pour la première fois les faucheurs ont été reçus et ont pu rappeler qu’ils continueraient les actions de désobéissance civile jusqu’à ce que le moratoire soit obtenu. Depuis il n’y a pas eu d’avancée concrète hormis la déclaration de Borloo dans Le Monde selon laquelle « plus personne ne contestait la dissémination et que face à ce risque il ne fallait pas prendre de risque ». C’est, malgré tout, quelque chose d’important car le gouvernement est maintenant face à un dilemme : soit il va jusqu’au bout de cette déclaration-là et dans ce cas un moratoire sera mis en place, soit il prend le risque de faire coexister cultures OGM et cultures sans OGM, et dans ce cas, toutes les cultures risquent à terme d’être contaminées.

Trois procès de faucheurs ont été renvoyés (à Carcassonne, Toulouse et Chartres) ces derniers mois. En parallèle, tu as récemment appelé à ce que davantage de faucheurs déclinent leur identité lors des actions. Ne risquent-ils pas, une fois le grenelle passé, de se retrouver isolés et d’être alors condamnés à de lourdes peines  ?

Si on gagne le combat et que le moratoire est mis en place, le pouvoir judiciaire risque d’être coincé : c’est lui qui a demandé le report des procès en annonçant que la lecture des actions de fauchage sera fonction des décisions politique au sortir du grenelle. C’est la première fois qu’une action politique est reconnue en tant que telle et qu’une procédure judiciaire est suspendue. Ce n’est désormais plus du ressort de la justice, on est face à un problème politique car on reconnaît que le fauchage est une action politique, de désobéissance civile.

Et dans les autres pays d’Europe, où en est la question des OGM ?

En Europe, il n’y a aujourd’hui que deux pays qui cultivent des OGM sur plusieurs milliers d’hectares : la France et l’Espagne. En Espagne, des producteurs bio ont récemment brûlé leurs propres champs qui avaient été contaminés. Le mouvement de résistance est encore naissant, mais il prend de l’ampleur. D’autres pays pourraient bientôt être concernés à leur tour. Il se passe à ce propos quelque chose de très intéressant en Italie où une consultation nationale soutenue par des dizaines d’associations, la quasi-totalité des partis politiques et le maire de Rome est organisée. C’est un vrai mouvement de masse qui refuse la culture d’OGM. L’Italie a aussi été la première à inscrire dans sa loi sur les semences que les OGM représentaient un risque pour les systèmes agraires du pays.

Plusieurs pays comme le Brésil ou le Mexique misent sur les agro carburants, l’agriculture destinée aux populations locales est-elle menacée par le développement de ces cultures ?

C’est évident qu’aujourd’hui on se trouve face à une concurrence inédite  : soit tu nourris les gens, soit tu nourris les bagnoles. Le Mexique est dans une situation compliquée : avec l’ALENA, il dépend des Etats-Unis et d’où il importe une partie de sa consommation de maïs. Or, aux Etats-Unis, les prix ont flambé parce que 30% de la production nationale sert désormais à fournir l’armée en agro carburant. C’est donc les Mexicains les plus pauvres qui trinquent parce que qu’ils ne peuvent plus accéder à leur aliment de base devenu hors de prix. De la même manière, en Indonésie les autorités ont décidé de planter plus de 20 millions d’hectares de palme destinés à la fabrication d’agro carburants. Les prix explosent et les Indonésiens ne peuvent plus s’en procurer alors qu’ici aussi cette culture est une des bases de leur alimentation. On voit bien que c’est un phénomène global et qu’il faut mettre en place un mouvement de résistance et de dénonciation des agro carburants.

Y a-t-il encore de la place pour une agriculture alternative, non productiviste  ?

Quand tu regardes la planète, la majorité de l’agriculture reste paysanne. Seuls 26 millions de paysans possèdent un tracteur dans le monde tandis que 250 millions travaillent avec la traction animale et un 1,3 milliard travaillent à la main. Dans la majorité des pays du sud, là où se trouve le plus grand nombre de paysans, la taille moyenne des exploitations se situe entre un demi hectare et un hectare. Il s’agit, dans la majorité des cas, d’une agriculture vivrière très diversifiée sur de petites parcelles.

Et en ce qui concerne la place de l’agriculture paysanne dans les pays du nord ?

Aujourd’hui, celui qui veut s’installer et produire différemment, fait de l’agriculture de résistance. L’installation alternative est un acte de résistance, résistance au quotidien dans les choix de production, dans la manière de produire et de rendre service aux autres.

Comment expliquer que la question des OGM et plus largement celle des luttes paysannes n’est pas du tout relayée par la gauche institutionnelle ni par l’extrême gauche ?

Hormis quelques personnalités, comme Philippe Martin, président du conseil général du Gers, qui est clairement engagé dans le combat contre les OGM, ou comme Olivier Besancenot qui à titre individuel s’est déplacé sur des actions de fauchage, les autres se contentent d’une position de principe. Ensuite, il faut savoir que les forces traditionnelles à la gauche du PS se sont toujours méfiées des paysans et même de ceux qui contestaient le système. On est encore dans la caricature du paysan petit propriétaire qui serait contre révolutionnaire par essence.

Entretien réalisé par Marie


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