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> N°45 - Décembre 2005
> ÉMEUTES EN BANLIEUES Qui sème la misère, récolte la colère !
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Le Feu aux poudres...A Clichy sous Bois, Zyad et Bounna, 17 et 15 ans sont morts du harcèlement policier qui pourchasse les jeunes, multipliant les contrôles d’identité sans raison. Peu importe de savoir s’ils étaient ou non réellement poursuivis ; que des jeunes aient assez peur de la police pour être prêts à risquer leur vie pour lui échapper prouve la tension qui règne dans ces quartiers entre la population et les forces de l’ordre. Depuis plusieurs années, la pression policière entraîne de nombreux incidents. Alors que dans la plupart des cas, les jeunes ne font que s’indigner d’être traités comme des sous-hommes, ils se retrouvent de plus en plus accusés d’outrages et de rébellion et se voient condamnés.
Ce n’est pas seulement une erreur, une “bavure” qu’il faut dénoncer, mais bien une politique sécuritaire d’ensemble qui se développe depuis plus de 20 ans. La stigmatisation et le mépris envers les jeunes des banlieues ne fait que développer leur haine vis-à-vis d’une société qui laisse dépérir 20% de la population dans des ghettos. Ceci n’est pas dû au hasard mais aux choix politiques et économiques. Retour de bâton contre l’apartheid socialAinsi, l’accès des immigrés (ou supposés tels) au logement social s’est effectué depuis 30 ans sur la base d’un système ségrégatif ou seulement certains quartiers du parc social leur étaient ouverts, principalement les moins attractifs car mal situés et/ou en voie d’obsolescence. Aujourd’hui encore, pour les responsables du logement social, l’arrivée des populations immigrées induit la certitude d’une dévalorisation du site : cette demande “disqualifiante” est donc reportée sur les programmes déjà les moins attractifs. Pire encore, le débat sur la mixité sociale a entériné et légitimé ces pratiques ségrégatives, si bien que les fractions du parc où devaient pouvoir s’établir ces ménages leurs restent fermées au nom de la mixité sociale : il faut diversifier le peuplement du logement social, donc pas d’immigrés, et encore moins s’ils/elles sont pauvres ! Le manque de maîtrise que chacun peut avoir sur sa propre existence exacerbe les tensions chez les personnes enfermées dans un statut social ou un quartier. La colère ne provient-elle pas de la fixation des familles dans un espace vécu comme une zone de relégation économique, sociale et résidentielle, sans perspective de mobilité résidentielle entre autre ? Une néo-colonialisation intérieureLe gouvernement a recourt à la loi du 3 avril 1955 pour rétablir l’ordre, décrétant l’état d’urgence. Donnant tout pouvoir aux agents locaux de l’exécutif, les préfets et la police, il entérine le versant sécuritaire de l’apartheid social : les classes populaires, laborieuses ou non, sont toujours les classes dangereuses, un traitement particulier doit donc leur être réservé. Autant pour la prétendue égalité des droits : pour ceux qui se rebellent, matraques et flash-balls rappellent l’absurdité et la caractère illusoire du dialogue entre les classes. La lepénisation des esprits a fait son œuvreLa possibilité d’instaurer le couvre-feu ne peut que nous renvoyer à des images sombres de notre histoire. Est-ce pour cela que le Front national et autres groupes de droite extrême applaudissent ces mesures ? Ou, plus simplement, parce qu’ils savent que “les gens préfèreront toujours l’original à la copie” ? Les émeutes vont certainement pousser une partie de la population, fortement encouragée par la logique sécuritaire du gouvernement, exaspérée de voir les maigres fruits de son travail partir en fumée, dans les bras de l’extrême droite. Surfant sur la vague xénophobe, Sarkozy annonce l’expulsion des étrangers condamnés lors des émeutes au mépris des règles du droit. Ne voulant pas perdre de terrain vis-à-vis de De Villiers qui affiche ses prétentions de prendre la place du FN, Sarkozy réinvente la double peine. Le réseau No Pasaran sera présent en face, comme nous l’avons été à chaque fois. Lier l’autonomie et les convergences, le Graal de la SocialeDes convergences doivent être proposées, arrachées, dans toutes les luttes et toutes les réunions et nous devons faire le maximum pour bousculer les corporatismes et les individualismes. La division en revendications catégorielles nous réduit à l’impuissance sociale. Nous n’en serions pas là si plus de liens et de convergences avaient été créés, au lieu d’être détruits. Le mouvement social est mal en point, redresser la barre ne sera possible que si un maximum de personnes le souhaitent, ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement, chacun étant plongé dans sa plainte, engagé dans une concurrence des victimes où l’Etat continue de jouer son rôle de Providence et peut ainsi affirmer sa légitimité. N’attendez pas le feu vert de vos orgas, collectifs ou syndicats pour converger ! Aujourd’hui l’assurance chômage est renégociée et les droits des chômeurs vont sans doute être encore plus restreints ; les conflits à Marseille tentent tant bien que mal de durer pour défendre pour chacun-e les services collectifs ; les stagiaires exploités et réduits à la misère se rebiffent ; les sans-papiers refusent d’être dans le zero ground des miséreux... L’auto-isolement et l’ignorance d’autrui font que ces mouvements souvent tentés par le corporatisme ne muent pas en mouvement politique. Mais établir des convergences c’est aussi intégrer dans les actions et textes ce que font les uns et les autres, aller soutenir des grévistes dans sa région, ouvrir et tenir des lieux associatifs gérés collectivement. La permanence des ressortsNous devons pas rester les yeux rivés sur ces émeutes, sur le spectaculaire, comme des lapins hypnotisés par des phares. C’est aussi parce qu’il n’y a pas suffisamment de travail militant quotidien et ouvert sur les autres que nous en sommes là. Les résistances se font d’abord au quotidien, dans un travail militant régulier de mises en lieu, de résistance dans les quartiers, de revitalisation culturelle et sociale autonome des “pouvoirs” publics, de ré-appropriation de l’espace public et de nos vies. Seul ce travail en amont permettra de donner un sens commun aux luttes, aux révoltes et aux grèves, de former enfin un réel front social. Nous devons trouver des convergences fortes à travers des revendications sociales qui nous réunissent, d’où qu’on vienne, quoi qu’on fasse, pour multiplier les actions et les manifs communes :
-retrait du décret de 1955 et abrogation des lois sécuritaires, à commencer par les récentes lois Perben, Sarkozy, Chevénement ;
-Contre toutes les expulsions (contre le retour de la double peine), régularisation de tous les sans-papiers ;
- suppression de toutes les forces de répression, en particulier des BAC (Brigades soi-disant Anti-Criminalité).
- revenu garanti avec ou sans emploi : pour déconnecter le revenu d’un emploi de plus en plus rare, et toujours aussi aliéné ;
- gratuité et démocratisation des services publics utiles à la population (énergie, santé, transports, éducation...) : nous devons pouvoir peser sur les choix des services publics et y avoir tous accès dans leur intégralité ;
- démocratisation de la vie sociale et politique : démocratie, c’est-à-dire auto-organisation et autogestion ! Réseau No Pasaran |
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