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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°45 - Décembre 2005ÉMEUTES EN BANLIEUES Qui sème la misère, récolte la colère ! > Angers : « la province s’embrase à son tour », ont titré certains journaux locaux...

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Angers : « la province s’embrase à son tour », ont titré certains journaux locaux...


Angers : sa douceur angevine, son quart d’heure angevin, ses quernons d’ardoise (chocolats), autant de spécialités locales de cette petite ville si typique. Mais depuis quelques temps, d’autres spécialités sont à l’œuvre dans certains quartiers de cette bourgade à taille humaine.


« La Roseraie », joli nom pour un quartier qui l’est de moins en moins. Dans les années 1970, c’était l’ascension sociale que d’accéder aux logements de ce quartier qui est le plus gros d’Angers. Sauf qu’au fil des années, les locataires de ces logements (à 70% HLM) ont pour la plupart accédé à la propriété et ont donc migré vers d’autres contrées. Maintenant, les habitants restants ont vu leur habitat se dégrader et le projet de réhabilitation ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Sous couvert de mixité sociale, on détruit des logements sociaux pour construire un tramway, une maison de retraite et des pavillons résidentiels qui seraient sensés attirer des populations de classes moyennes. On peut penser que de créer du lien entre le centre ville et les quartiers par l’accessibilité des transports et la mise en place de nouveaux services vont perme ! ttre de faire tomber quelques barrières mais celles-ci sont plus du registre du symbolique que du réel. Pour en revenir à ces familles de la Roseraie, la plupart d’entre elles n’ont pas pour projet de quitter ce quartier où ils ont élevé leurs enfants, où ils ont leurs amis et leurs ennemis jurés. Mais elles comptent y rester par envie et par choix. De ce fait, rien n’est mis en place pour que les familles dont les logements vont être détruits puissent retrouver une habitation au même loyer, sur le même quartier. Petit détail, mais qui a son importance, le futur emplacement de la maison de retraite va surtout permettre de détruire le lieu « d’attroupement » d’une partie de la jeunesse (certes un peu bruyante et pas toujours courtoise vis-à-vis du voisinage) ce qui permet de déplacer un problème jusque-là resté insoluble. Les modifications de l’urbanisme et les incertitudes qu’elles entraînent sont l’un des premiers facteurs qu’il faut prendre en compte pour comprendre la suite des événements. Ceci étant dit, tout aurait pu continuer sans trop de grognements mais l’attitude de certains agents de police en a décidé autrement.
Depuis le début de l’été, certains membres de la BAC sont venus régulièrement sur le quartier et particulièrement sur la place où se rassemblent ces fameux « djeunes ». De part leurs comportements, ces derniers avaient en effet exaspéré un certain nombre de riverains et travailleurs sociaux, rendant du coup prévisible la présence de la police. Mais ce qui aurait pu rester un simple jeu du chat et de la souris a pris des dimensions disproportionnées. Lors d’un beau soir de septembre, quelques dizaines de jeunes (de 15 à 20 ans) tranquillement assis sur le muret voient arriver une voiture banalisée de la BAC. L’un des agents sort de la voiture, enlève son ceinturon et le jette à l’intérieur de l’habitacle en gardant pour toute arme un tonfa. Il se dirige alors vers les jeunes sans une parole, s’approche de l’un d’eux et lui colle une baffe magistrale (ou un coup de poing selon les versions). Le jeune de 17 ans est à deux doigts de réagir mais le gars en face fait qu’en même pas loin du bon mètre 90, pèse sans doute son quintal et surtout est membre des forces de l’ordre. Le minot, pas complètement assommé au point de faire une connerie qui aurait pu lui coûter cher, préfère ne pas réagir, ce qui n’est pas tout à fait le cas de tous les autres jeunes témoins. Heureusement, quelques « vieux » et parents arrivent sur le lieu de l’intervention plus que musclée et sans fondement. Ils conseillent alors au jeune de partir et aux autres de se calmer. Ils tentent d’amorcer le dialogue avec le binôme de la BAC mais se rendent vite compte que cela est peine perdue. En effet, l’un de ses deux agents est connu depuis des lustres sur différents quartiers de la ville d’Angers pour ses provocations à la bagarre afin de percevoir des dommages et intérêts suite à ses plaintes au tribunal pour coups et blessures. Le jeune s’est rendu de lui-même au commissariat le lendemain pour porter plainte avec comme soutien des membres d’une association de jeunes du quartier (d’ailleurs très reconnue en ce moment par les politiques locaux). La suite de cette plainte n’est pas connue à ce jour. Entre temps, de nombreuses arrestations pour contrôle d’identité sur des adolescents de 14-15 ans avec insultes du type « ratons - bougnoules - crouilles » et j’en passe, ont émaillé le quotidien. Les plus vieux ayant plutôt droit à des contrôles au faciès répétitifs alors que la police connaît déjà pour la plupart leur nom de famille : « Allez M. X faites-nous voir vos papiers ! » Cette pratique étant expliquée par la volonté du préfet de démasquer les possibles sans-papiers.
Le second épisode marquant s’est déroulé lors des quelques incidents commis sur le quartier pendant les évènements des « grandes banlieues ». Il est vrai que quelques voitures, poubelles, camions brûlés et surtout une tentative d’incendie du G20 (supermarché) ont mis une partie de la population et les forces de police sur les nerfs. Quelques parents, familles et un groupe de jeunes étaient en train de regarder les pompiers s’affairer lorsqu’une voiture de la BAC arriva rapidement sur ce fameux groupe d’ados d’une quinzaine d’années. Un des jeunes a alors pris peur et s’est enfui en courant. La voiture a alors engagé une poursuite sauf qu’au lieu de freiner en arrivant sur le jeune, le conducteur a accéléré et l’a percuté. Ce jeune sportif, ce qui lui a sans doute sauvé la vie, a alors sauté sur le capot avant le choc. Il a alors heurté le pare-brise et s’est trouvé projeté par-dessus la voiture. Selon les témoins, il s’est relevé mais s’est fait plaquer sur le sol dans l’instant puis s’est évanoui. Une seconde voiture de la BAC est arrivée avec à son bord des policiers équipés de flashballs mais ils n’ont pas eu l’occasion de s’en servir vu que le jeune était inanimé. C’est alors que la police s’est rendue compte de son « dérapage » et cela devant des dizaines de témoins. Ils ont pris une décision inattendue : fuir... Le lendemain lorsque la mère de ce jeune a voulu aller porter plainte, on lui a signalé avec tous les honneurs dus à sa condition, que sa plainte n’était pas recevable parce que son fils avait fait un délit de fuite. Ne souhaitant pas en rester là, la même association de jeunes ainsi que les parents ont fait suivre la plainte devant le procureur. La suite de cette plainte n’est pas connue à ce jour (bis repetita). Que dire de plus, à part ce qu’on sait déjà, que finalement cette montée de révolte n’était pas sans racines et que tout mal social à ses origines ? Et que par contre, les vrais responsables (les Sarkozy et autres politiques, bien relayés par des médias sans scrupules) ont mis le feu aux poudres et s’en sortent encore (pour l’instant) à bon compte.

Dragon


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