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?page=sommaire >Journal >Numéros parus en 2005 >N°45 - Décembre 2005 > ÉMEUTES EN BANLIEUES Qui sème la misère, récolte la colère !

 
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ÉMEUTES EN BANLIEUES Qui sème la misère, récolte la colère !

Précarité, pauvreté, violences policières... Les banlieues concentrent toutes les tares de la société, et tout le devenir du capitalisme qui ne laisse que des miettes avariées pour les surnuméraires. Dans ce cas-là, pourquoi ne pas précipiter la chute en incendiant les entrepôts des entreprises, les maternelles, les bagnoles... Comme les mutins des prisons brûlent leur matelas. Les réponses violentes et sporadiques aux violences permanentes de l’État et du capitalisme ne sont sans doute pas une bonne solution sur le long terme, mais qu’existe-t-il comme alternative pour s’exprimer ? Si les banlieues étaient restées trop calmes, ses habitants continueraient comme aujourd’hui de se faire exploiter dans les usines du flux tendu et de la précarisation, ou de se faire radier de l’assurance chômage... Perdu pour perdu, autant se révolter. La tranquillité ne paye pas sur le plan social et ce ne sont pas les bandes de djeunes furieux qui ont fixé ces règles.
Alors le gouvernement passe un peu de pommade, pendant que Sarko attise le feu pour déborder Villepin sur la droite, avant de partir à la conquête du centre lors de la campagne présidentielle. Stratégie classique, mais payante. Le gouvernement, donc, promet qu’il va tout faire pour renforcer les luttes contre les discriminations et établir l’égalité des chances. Black, Blanc, Beur, on sera tous égaux pour se faire exploiter à Mac Do. Ou dans les centres d’appel, dans les usines. Si les djeunes sont recalés, ils pourront toujours faire flic.
Cela va sans doute faire rêver... La vérité, c’est que la mondialisation capitaliste entraîne une baisse générale des salaires, qui tendent en France vers le SMIC, en attendant la proposition de sa suppression. De plus, le travail se précarise pour se rapprocher de la demande sporadique rationalisée en flux tendu. C’est une tendance lourde qui va s’accélérer avec l’arrivée sur le marché mondial de centaines de millions de prolétaires indiens, chinois et une profonde mutation des pôles économiques, déjà amorcée en France avec la création de rares pôles d’excellences qui ne concernent que quelques dizaines de milliers d’emplois. Rajoutons à cela l’idéologie de la droite dure, pas très complexe à saisir, et que l’on peut résumer par le fameux « tout pour les riches ». La situation peut faire penser à la décadence de l’Empire romain, où la caste supérieure sombrait dans des orgies pendant que Rome brûlait. La solution, ce n’est pas de tous se faire exploiter pour des salaires de merde, mais de partager les richesses et d’imposer de nouveaux modes de fonctionnements politiques, sociaux et économiques.
L’ennui, c’est que la révolte légitime des djeunes n’offre pas, pour l’instant tout du moins, de perspectives politiques ni d’amorce d’organisation dépassant le niveau de la bande. Et ce ne sont sans doute pas les autres habitants des quartiers qui vont se tourner vers eux en contemplant en arrière-plan les traces de leur bagnole carbonisée. « Les pauvres contre les pauvres » : aussi compréhensibles qu’en soient les raisons elles restent une succursale de la logique capitaliste. Alors, le « mouvement social » a bien fini par se réveiller et a enchaîné appel sur appel - il faut faire ceci, il faut faire cela, merci les gars... Mais au final et comme d’habitude, une fois les dénonciations sur internet passées, nous allons nous retrouver à trop peu de syndicalistes et associatifs à investir le terrain. Car, quand on dit qu’il faut créer des liens et des solidarités en banlieue et dans le reste de la société, le travail que cela demande est souvent sous-évalué. Pas de problème pour la surenchère des mots, chez les militant-e-s français, mais nous devrions tous passer à la surenchère des actes.
Créer des liens et des résistances ne s’inscrit pas dans les temporalités et les injonctions des médias, que ce soit ceux des capitalistes ou ceux des militants. C’est un travail de longue haleine qui demande avant tout de trouver les ressources en nous pour dépasser des situations où règnent le plus souvent une misère et un dépression prégnantes. C’est bel et bien la création et la conservation des liens qui demandent le plus de temps et d’énergie, une volonté (ou désir) de compréhension des situations mais aussi d’accélérations pour politiser et ne pas en rester aux solidarités de survie. Ce travail reste trop souvent mis de côté par le « mouvement social ».
Sommes-nous condamnés à ce travail de fourmis ? Oui et non. Pour amorcer la reconquête du terrain il va bien falloir renforcer et élargir des solidarités. Il sera sans doute nécessaire que les militant-e-s dépassent leurs querelles de chapelles et se décident enfin à avoir des débats sur les perspectives communes, et les moyens pratiques d’y parvenir (comment fait-on de la politique ?) Mais l’amorce est le plus dur. Devant le « No Future » du capitalisme, si un mouvement politique embryonnaire, social et démocratique, parvient à se créer sous de nouveaux modes d’organisations, il peut très bien pousser rapidement par la suite. Les situations ne sont pas figées, irréversibles. Si une majeure partie de la population penche vers les solutions autoritaires et sécuritaires aujourd’hui, c’est que la réponse sociale n’est pas portée collectivement. Je pense que la majorité des individus est traversée par ces deux tendances - sécuritaire et sociale. À nous de créer un pôle avec des principes forts de solidarités, de démocratie directe, et d’émancipation pour faire pencher vers la solution sociale. Un mouvement qui se déciderait enfin à prendre en compte le temps qu’il faut pour bien communiquer sur ses idées, accroître et conserver des liens.
La permanence des ressorts, ce sont nos liens sociaux et les principes pour lesquels on se bat.

Raphaël

Dossier réalisé collectivement par le réseau No Pasaran : Alf, Anthropos, Puck, Esbé, Xim, El Gégé, Nathalie, Christine et Totof de Lyon, Raf... Les nombreuses personnes qu’on oublie. Et les marseillais ! Marseille la débonnaire révoltée et ses cuites à la lotion après-rasage... Tous les textes n’ont pas pu passer. Nous reviendrons dans les prochains mois sur la question des banlieues en analysant notamment le racisme d’Etat qui décomplexe une partie de la population ainsi que des pistes de perspectives.


Le Feu aux poudres...

A Clichy sous Bois, Zyad et Bounna, 17 et 15 ans sont morts du harcèlement policier qui pourchasse les jeunes, multipliant les contrôles d’identité sans raison. Peu importe de savoir s’ils étaient ou non réellement poursuivis ; que des jeunes aient assez peur de la police pour être prêts à risquer leur vie pour lui échapper prouve la tension qui règne dans ces quartiers entre la population et les forces de l’ordre. Depuis plusieurs années, la pression policière entraîne de (...)[Lire...]


Émeutes, vous avez dit émeutes ?

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Témoignages

Clichy-sous-Bois : zone de non-droit ou zone d’injustice ?

Un professeur d’histoire-géo de Clichy-sous-Bois témoigne de ce qui se passe réellement sur le terrain. (extraits) La ville s’est « embrasée » du jeudi 27 octobre au soir au lundi 30 au soir. Je livre ici ce que j’ai vu, entendu, compris, et ce qui m’a été rapporté. Deux jeunes morts (Zyad et Bounna, 17 et 15 ans, du collège n°3) semblent bien avoir été poursuivis pas la police, contrairement à ce qu’affirmait la version officielle qui niait toute (...)[Lire...]


Angers : « la province s’embrase à son tour », ont titré certains journaux locaux...

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Nîmes : les « complices » de Mourad arrêtés !

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Personne n’a pu échapper à la proclamation le 8 novembre dernier de l’état d’urgence pour permettre le « retour à l’ordre » suite à ce que l’on a appelé la « crise des banlieues », et cela en vertu d’une loi datant de la guerre d’Algérie. En effet, en 1955 il s’agissait déjà de mâter une révolte dont on ne faisait qu’entrevoir la portée et qui entraînera les gouvernements successifs dans une surenchère répressive, fermant les yeux sur la (...)[Lire...]


De la banlieue à l’éthnie : la religion comme régulation sociale ?

Une flambée des banlieues, quelle meilleure occasion de sortir du bois pour les tenants du racisme ? Fait nouveau, les récentes violences ont vu se déployer dans toute sa force la rhétorique de l’ethnicisation du monde, c’est-à-dire de la perception croissante de la réalité en termes d’ethnies et de communautés - qui plus est supposées engagées dans une concurrence guerrière pour le contrôle des populations. Des théories du complot typiques de l’extrême droite à (...)[Lire...]


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Quartiers-ghettos et apartheid social

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