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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°63 - Novembre 2007 > SECTION CARREMENT AVEC LES PUTES

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SECTION CARREMENT AVEC LES PUTES

SOUTIEN AU COLLECTIF « DROITS ET PROSTITUTION »


Le 5 novembre prochain aura lieu un rassemblement devant le Sénat pour sensibiliser les députés et sénateurs aux dérives induites par les articles de la Loi sur la Sécurité Intérieure (LSI), portant notamment sur la pénalisation du racolage passif et actif. Cette date est un rappel du 5 novembre 2002, premier rassemblement des prostituéEs et de leurs alliéEs devant le Sénat à l’occasion de la présentation de la Loi sur la Sécurité intérieure.


Une lettre a été envoyée à chaque parlementaire l’informant de la situation vécue par les professionnelLEs du sexe, y compris les sans-papiers. Le principal objectif invoqué pour l’adoption de cette loi, la lutte contre la traite des humains et le proxénétisme contraint, n’est pas atteint dans les faits. Bien au contraire, les prostituéEs sont confrontéEs à encore plus de violences et de racket, perpétrés notamment par la police et l’État (multiplications des arrestations et des amendes, brutalités, humiliations...). Elles/ils sont reléguéEs hors des villes, dans des endroits encore moins sécurisés. Afin de se protéger, les professionnelLEs du sexe sont encore plus tentéEs par le recours au proxénétisme, appelé dans ce cas un proxénétisme de « protection ». Le départ des prostituéEs a pour seule conséquence indirecte la satisfaction des riverains gênés par les activités de prostitution qui voient leurs quartiers « nettoyés » et « valorisés ». L’accès aux structures d’aide et de prévention devient alors difficile pour les prostituéEs. On note une tendance à la diminution de l’utilisation des moyens de protection contre les MST (matériel confisqué, prix des services en baisse ouvrant la voie aux pratiques sexuelles non protégées). Les victimes de la traite ou du proxénétisme de contrainte ne sont aucunement protégées par l’État. Les sanspapiers qui ont collaboré avec la police pour l’arrestation des « esclavagistes » ont rarement eu droit à l’autorisation provisoire de séjour (seulement un, trois ou six mois renouvelables. De plus, ces autorisations sont subordonnées à la condamnation du proxénète. Les victimes sont parfois même reconduites à la frontière avant le jugement du proxénète.

ENTRE MORALISME ET POLITIQUE

Un parallèle peut être établi entre les raisons qui ont porté le Scalp-Reflex Paris à se positionner contre la loi sur le port ostentatoire de signes religieux en milieu scolaire et son soutien au collectif Droits et prostitution. Dans les deux cas, l’engagement est complexe et nécessite une explication sur les motivations de ces choix : une position contre un paternalisme bien-pensant qui refuse à certaines femmes le droit de disposer d’elles-mêmes et de faire leurs propres choix, qui les stigmatise et leur refuse l’accès aux droits communs [idem pour les hommes]. Il n’en reste pas moins que les membres du Scalp ne peuvent promouvoir le port du voile, marque visible de soumission à un ordre patriarcal religieux ; pas plus qu’ils ne peuvent soutenir la prostitution inscrite dans un rapport de domination financière et patriarcale.

Nous ferons donc la même distinction que les principaux intéressés, avec d’une part la prostitution choisie et d’autre part la traite ou l’esclavage d’êtres humains. Pour lutter contre ce fléau, il faudrait une réelle volonté politique, ce qui ne semble pas être une priorité des États, plus engagés contre l’immigration. Certes, la prostitution ne peut exister que dans une structure sociale basée sur des rapports de domination, qu’ils soient marchands, tel le capitalisme, ou religieux. Dans notre société, même si l’on peut comprendre que le fait de se prostituer relève d’un choix personnel, il est fortement subordonné à la nécessité de trouver des ressources financières suffisantes pour vivre. Cette position est cependant identique à celle de la plupart des autres travailleurs. Sur cette question le Scalp-Reflex est divisé. Tout comme certaines féministes, peut-on considérer que le travail du sexe est une profession comme une autre ? Pour autant, ces personnes peuvent prétendre aux mêmes droits que toutE citoyenNE, liberté de circulation, protections sociales, recours juridique, respect. Le fait de reconnaitre la prostitution comme une profession pourrait permettre de sortir les professionnellEs du sexe d’une zone de non droit. Elles/ils bénéficieraient des mêmes droits et protections que les travailleurs. Celles et ceux qui le souhaitent pourraient avoir accès à des formations professionnelles. Le droit à une retraite rémunérée leur permettrait de quitter ce milieu à un âge peut-être moins avancé (quoique) et aussi le droit de se syndiquer. Au-delà des réflexions liées aux droits se pose la question de la stigmatisation des femmes à travers les concepts de « prostituée  » et « prostitution ». Gail Pheterson voit dans ces représentations des instruments sexistes de contrôle social. Toute femme, dès son plus jeune âge, est confrontée à la crainte de se voir traiter de putain. Pheterson considère que cette sentence permet de disqualifier leurs revendications et de jeter la suspicion sur toute femme ayant pris des initiatives dans le domaine économique ou sexuel. La très controversée Marcela Iacub, dans un article paru dans Le Monde du 16 octobre 2006, fait référence à la révolution sexuelle, et déplore qu’avec la disparition des stigmates frappant la sexualité multiple, les prostituéEs n’aient pas été réhabilitéEs socialement. Elle reprend le discours expliquant que la/le prostituéE n’aliène rien d’elle/luimême, elle/il loue ses services. « Un État pluraliste, qui fait sienne une morale du consentement et non pas de la vertu, ne saurait imposer une conception unique de la sexualité ». La pratique de la prostitution a de multiples facettes. Il est des cas où elle peut être un espace de socialisation. Pour l’instant, en France et dans de nombreux pays, c’est une zone de non-droit. Pour aider ce milieu à sortir du sordide, il faudrait dans un premier temps changer le regard de la société (et par là même, des clients) en leur autorisant le droit à la dignité.

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HISTORIQUE DE LA LUTTE DES PROSTITUÉES

Les revendications des putes à avoir les mêmes droits que tout un chacun, à ne pas être victimiséEs ou criminaliséEs, à pouvoir choisir « librement » leur métier tout en étant respectéEs par l’ensemble de la société ne datent pas d’hier et ne se limitent pas à la France. En 1973, Margo St. James (prostituée) est à l’origine de l’association Coyote à San Francisco, qui sensibilise aux risques des MST, aide les personnes voulant s’extraire du milieu de la prostitution (accès aux formations professionnelles)... En France, c’est à Lyon en 1975 qu’apparaît le premier mouvement organisé de prostituéEs, après un durcissement de la politique judiciaire et policière à leur encontre. En 1984, une organisation de défense des droit humains des prostituées est constituée, International Committee for Prostitute’s Rights, regroupant des prostituéEs et des féministes, dont Margo St. James et Gail Pheterson (féministe, psychothérapeute, psychosociologue, chercheuse et enseignante) En 1985, lors du premier congrès mondial des prostituées, la Charte mondiale des droits des prostituéEs est adoptée. Même s’il y a une volonté exprimée de laisser la parole aux prostituéEs, ce sont les féministes qui instrumentalisent la lutte des travailleuses du sexe. En 1986, Gail Pheterson organise le congrès mondial des putains au Parlement européen. Au début des années 1990, avec l’apparition du VIH, la question sanitaire se pose de façon encore plus cruciale. Suite à une réflexion portée par des épidémiologistes, des sociologues et des travailleusEs du sexe, l’association « le bus des femmes » voit le jour à Paris. Cette association embauche des prostituées « traditionnelles » afin de promouvoir le sexe protégé auprès des travailleusEs du sexe, sur le terrain. Au niveau international, on retrouve sur cette orientation Stella à Montréal et le Durbar Mahila Samanwaya Commitee (DMSC) à Kolkata, qui regroupe 65 000 travailleuses du sexe indiennes et leurs enfants. Le déplacement de l’objectif de réinsertion, que préconisaient des organismes tels que Le Nid, vers le soutien immédiat et inconditionnel des travailleuses du sexe ne fait pas l’unanimité. Le point commun à ces trois moments est la revendication de la reconnaissance officielle du travail du sexe, la volonté de se défaire de positions misérabilistes et de considérer l’action collective des « professionnelLEs  » (ou travailleuses du sexe) comme une volonté d’autonomie et de prise en charge de leur propre destin. En 2005, à Bruxelles, la fédération « Sexworkers in Europe », organise une conférence au Parlement européen, d’où elles/ils transmettent leur communiqué de presse. Cette conférence avait été organisée avec l’aide de deux députées italiennes, Verts et PC. Suite à cette conférence, un rassemblement eut lieu devant le Parlement. Cette fédération est composée de toutes les associations européennes de prostituéEs et leurs alliéEs. Des rencontres sont aussi organisées, une à deux fois par an, au niveau international. Le 28 juin 2006, à Paris, les travailleusEs du sexe se sont réuniEs en Assemblée générale. Ils/elle se sont positionnéEs contre le salariat et pour la redéfinition du proxénétisme afin que leurs proches ne puissent plus être poursuivis.


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