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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°63 - Novembre 2007 > NOTRE- DAME DES BARRICADES

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Solidarité internationale

NOTRE- DAME DES BARRICADES

Pour interroger nos sectarismes


La Barrikada est un journal réalisé et en grande partie écrit par des gens du Vocal (Voix de Oaxaca Construisant l’Autonomie et la Liberté), une fraction de l’APPO (Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca) qui réunit jeunes libertaires, barricadier-es, membres de l’Autre campagne... À No Pasaran, avec des camarades du Jouet Enragé, du CSPCL, d’Alternative libertaire, etc., nous soutenons les camarades du Vocal, mouvement que le gouvernement mexicain voudrait bien voir disparaître : arrestation de David Venegas Reyes en avril, puis de Silvia Gabriela Hernández Salinas et Maria Guadalupe Sivaja Ortiz le 16 juillet, pendant la répression d’une fête indienne revendicative, la Guelaguetza populaire.


Enrique Marquez, dans Les quatre saisons du mouvement social oaxaquénien, raconte la naissance du jour - nal, pendant une soirée de janvier. L’armée avait repris la ville aux communard-es, la tristesse et la peur régnaient ; impossible désormais de dresser même une barricade de pneus enflammés. Alors est née cette petite Barrikada de papier, de larmes, d’amour et de solidarité : articles théo - riques, brûlots, poèmes, récits d’emprisonnements et de torture ou d’expériences si singulières de la « Commune de Oaxaca »... grande diversité, même rage ! L’article ciaprès, publié dans le troisième numéro (juillet 2007), est écrit par une prêtresse anglicane de Vancouver (Canada), engagée depuis 1984 au côté des communau - tés indiennes en lutte, présente à Oaxaca pendant les jours difficiles de novembre 2006.

Quel rôle tient la religion dans la lutte populaire ? Comme toutes les constructions humaines, la religion peut être utilisée de nombreuses façons. Elle peut servir aux pouvoirs dominants, tout comme elle peut être source de forces pour les communautés qui luttent pour leur propre bien et par elles-mêmes. En tant que prêtresse anglo-catholique de la communion mondiale de l’église anglicane, je m’en tape comme d’un concombre des paroles qui sortent de la bouche ; je regarde plutôt les actions des gens, de foi chrétienne ou non, politiques ou non. Comment ils vivent, qu’est-ce qu’ils font avec leurs paroles proclamées  ? Leurs actes se dirigent à la florescence de la création ou non ? Ils contribuent à la destruction des personnes, communautés, terre sacrée ? J’ai beaucoup plus en commun avec certains bouddhistes, athées, et anarchistes, qu’avec certains qui disent partager ma propre foi.

[...] Les premiers chrétiens [...] avaient une vie complètement communaliste. Ceux qui possédaient le plus vendaient leurs a ffaires, et partageaient [...]. Il semble que personne n’avait b e a u c o u p , m a i s qu’on pouvait toujours avoir confiance qu’on disposerait du morceau de carpette pour dormir, d’un pain, d’un café, de quelque chose pour la panse. Mais il y avait plus que cela, l’engagement que portaient les chrétien-nes [...] ne leur permettait pas [...] de faire partie de l’armée. N’oublions pas qu’en proclamant et en vivant cette vie radicale, les chrétien-nes représentaient un danger pour les forces dominantes de leur temps, l’empire romain, et qu’ils ne furent pas peu nombreux, les massacré-es pour leurs convictions nonviolentes et communalistes. Dire que Christ était le Señor était une proclamation hautement subversive. Tous les citoyen-nes romain-es, et leurs sujets, avaient pour loi de proclamer que c’était César le Señor.

Quelque chose d’irrévocablement triste arriva en l’an 325 de notre époque, quand l’empereur romain, Constantin, accepta d’être chrétien. En cet instant, se marient les forces dominantes d’un empire avec « le chemin » de l’amour radical. Ceux qui ont perdu indéniablement à ce moment-là furent ceux précisément que Jésus était venu à aimer, les pauvres et les niqué-es, et pourtant depuis lors, l’Esprit de ce charpentier humble a rempli de très nombreuses personnes du désir urgent de créer des structures justes dans les communautés humaines, et de résister à toute oppression et tyrannie.

[...] Et donc que dire de Oaxaca, et de sa célèbre lutte de l’année 2006 ? J’ai senti, personnellement, une tristesse énorme quand j’ai entendu le señor Ulises [Ruiz Ortiz] annoncer que seul Dieu enlève et installe les personnes au pouvoir. Ça sonnait trop comme quelque chose que j’avais entendu par le passé : en 1982, quand le pasteur évangélique Efraín Ríos Montt, prenant le pouvoir dans un coup d’état au Guatemala, annonça que Dieu l’avait envoyé pour sauver la nation. En quelques mois, des milliers et des milliers de mort-es dans les campagnes.

Dieu n’est pas responsable des structures faites par les gens. C’est notre responsabilité de vivre et de nous gouverner nous-mêmes avec justice, avec générosité, avec notre premier engagement, le bien des plus affaibli-es et vulnérables. Ceci n’est pas une plateforme pour les élections, sinon la valeur principale qui doit définir nos vies collectives. Ne fut pas non plus suffisante la position de l’archevêque de Antequerra de Oaxaca, Botello, avec sa position de «  neutralité » face à la répression et l’injustice [...]. Celles et ceux que j’ai pu voir, dans ces jours terribles, agissant comme de vrai-es chrétien-nes de coeur, furent le Père Uvi, qui ne reste pas en arrière, les soeurs qui dans quelques paroisses ont essayé d’offrir un secours minimum pendant la nuit de l’attaque policière du 25 novembre, les membres engagés des communautés ecclésiastiques de base, et des milliers et des milliers d’oaxaquénien-nes chrétiennes qui ont participé d’une façon ou d’une autre avec leur engagement à dire « Non !  » à la tyrannie.

Tous ceux et celles qui, sur les barricades, ou dans les marches, ou préparant la nourriture pour les plantons [occupations permanentes de places ou de rues], ou sur Radio rebelle, oeuvraient avec un coeur ferme, sans haine, à défendre leurs quartiers, à défendre leurs communautés, à combattre pour une vie digne et juste, peuvent être sûr-es que Notre Dame des Barricades les accompagne, et qu’en ce moment, où nous nous préparons pour la prochaine étape de la lutte, le Seigneur, Créateur du Ciel et de la Terre, jamais ne va nous abandonner.

Emilie Smith (traduction A.T.)

Adresse de Barrikada

la.barrikada.oaxaca@gmail.com labarrikad@hotmail.com

Pour soutenir : chèques à l’ordre d’Émancipation à envoyer à No Pasaran, écrire au dos « pour les prisonnier-es de Oaxaca »

SUR INTERNET

http://cspcl.ouvaton.org (site en français) -

www.mexico.indymedia.org

Manifeste du Vocal - Voix de Oaxaca :

http://lejouetenrage.free.fr/net/sp...


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