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LA SOUPE AU VARDON

le point sur les identitaires (1re partie)


Comme nous l’avions fait le mois dernier pour Terre & Peuple, l’article qui suit tentera un coup de projecteur sur les Identitaires à quelques jours d’une Convention annoncée avec moult tapage sur Internet. Cependant, difficile d’être exhaustif sans être très long et donc très vite pénible en ce qui concerne cette mouvance qui a beaucoup changé en quatre ans, d’autant que la trinité Jeunesses Identitaires - Bloc Identitaire - Les Identitaires complique un exposé clair des choses. Nous ne prétendons donc que donner un aperçu si possible synthétique, réservant un approfondissement de certains aspects dans d’autres articles à venir. Voici la première partie de cet article (suite au prochain numéro).


Pour essayer de faire simple...

Les Identitaires sont nés lors de la réunion à Salon-de-Provence les 29 et 30 août 2002 d’une quinzaine de militants ex-Unité Radicale (UR), ex-MNR et FN (dont Fabrice Robert, Philippe Vardon, Guillaume Luyt ainsi que des militants extérieurs de passage comme d’anciens gudards). Sort de cette réunion le projet des Jeunesses Identitaires (JI) confiées à Philippe Vardon et officiellement lancée le 19 septembre 2002 ainsi qu’une association n’ayant pas vocation organisationnelle, les Identitaires. L’accent est alors mis sur l’absence de participation de Robert et Luyt aux JI pour éviter une procédure pour reconstitution de ligue dissoute, menace latente suite à la dissolution d’Unité Radicale [1]. La nécessité d’intégrer des « adultes » se traduit ensuite par la création du Bloc Identitaire (BI) lancé les 05 et 06 avril 2003 et dont le bureau national est alors le suivant : Fabrice Robert (président), Guillaume Luyt (vice-président), Philippe Vardon (vice-président), Jean-Baptiste Santamaria (secrétaire national), Arnaud Menu (secrétaire administratif), Marie-Céline Bruneaut alias Marie Bérénice (déléguée à l’action sociale), Christophe Praturlon (délégué à l’action rurale), Yvan Lajeanne, alias Yvan Walgenwitz (délégué à l’action culturelle), soit un panel de militants venant d’UR, du MNR et du FN. L’ensemble se veut à la fois hiérarchie et réseau. À savoir : chaque groupe local jouit d’une très grande autonomie dans la gestion de ses adhérents, de ses réunions et activités. Il doit cependant relayer les campagnes nationales et diffuser le matériel lui aussi national. Chapeautant ce fédéralisme, on trouve les trois dirigeants historiques qui s’appuient éventuellement sur des structures collégiales comme le bureau national des JI mais qui en fait décident pour l’essentiel tous seuls des orientations stratégiques des Identitaires. S’il semble avoir permis un relatif développement des Identitaires, ce fonctionnement a tout de même montré des limites comme on a pu le voir avec l’affaire du 09 mai 2004 à Paris. La contre-manifestation Scalp-CNT a en effet poussé les dirigeants du Bloc et des JI à faire pression sur les militants parisiens pour qu’ils n’organisent pas la manifestation traditionnelle du 09 alors que l’édition 2003 avait vu Philippe Vardon et Guillaume Luyt mener les troupes. Une majeure partie des militants ayant refusé le diktat niçois a donc quitté les JI et menacé d’entraîner le Bloc parisien avec elle. Voyant que le Bloc risquait de perdre un groupe majeur sur le plan national, Fabrice Robert a alors décidé d’autoriser la constitution d’un BI d’Ile-de- France regroupant tout le monde, jeunes comme vieux, autour d’Odile Bonnivard et en autonomie avec le Bloc national. Les JI Paris se sont alors reconstituées avec d’autres militants autour de Gaëtan Bertrand.

Au niveau structuration, le Bloc Identitaire était censé être dirigé par un bureau national élargi intégrant des cadres de toute la France. La lourdeur du dispositif et son caractère virtuel amenèrent Fabrice Robert et Guillaume Luyt à décider lors des journées de l’Esprit Public à Orange en septembre 2004 [2] une concentration des organes dirigeants dans un comité directeur qui réunissait, outre les deux précités, Philippe Vardon et Jean-Baptiste Santamaria. Les tâches d’administration devaient être réparties entre plusieurs chargés de mission nationaux ce qui ne semble pas être le cas et la direction est largement opaque. D’une façon générale, le Bloc se résume essentiellement à ses groupes de Nice et Paris. Il semble évidemment avoir des contacts ailleurs : Savoie, Dauphiné, région lyonnaise, Languedoc... Mais cela ne se concrétise pas par un militantisme de terrain et les mêmes réunions de « prise de contact » sont annoncées régulièrement. Il en va de même des JI, dont la carte militante est en mutation constante, avec un turn-over très important. Les premiers cadres issus du MNR ont largement laissé leur place à de nouveaux militants comme à Lyon où Vivien Gitton, ancien cadre FNJ puis MNJ et premier dirigeant des JI lyonnaises, a été remplacé par Gérald Pichon, alias Franck Lancier, en 2005. Actuellement, la multiplication des blogs JI donne l’impression que l’organisation est présente partout. En fait, on peut limiter la présence réelle des JI à Nice, la région parisienne, la Lorraine, la région lyonnaise, le Dauphiné, la Franche-Comté, le Nord et le Languedoc, même si des contacts existent dans le grand Ouest par exemple. Le Nord est symptomatique de ce développement en accordéon. L’accumulation d’ennuis judiciaires y a brisé la dynamique qui existait dans cette région et qui avait vu les JI animer l’actualité nationaliste locale avec l’association Flandre Identité. En Alsace, l’accord local avec Alsace d’Abord a poussé les JI et le Bloc à ne pas tenter de lancer de structure locale, même s’il a existé un groupe local en 2002 dirigé par Pierre Muller et Clément Lebrun et que Jeune Alsace semble une émanation des JI. Mais Lebrun a rejoint le Renouveau Français et le premier semble avoir pris du recul avec l’activisme. Le changement récent de direction qui voit Philippe Vardon céder sa place à une direction collégiale pour mieux se consacrer à son destin niçois (sa boutique de fringues en clair) ne devrait pas fondamentalement modifier la situation dès lors que cette équipe est composée de militants déjà anciens de l’organisation.

L’organisation de l’ensemble demeure donc celle d’un tout petit groupe politique, voire par certains aspects d’un groupuscule : pas de direction collégiale élue en congrès ou convention, pas de permanent, des locaux limités à Nice, dont la « Maioun », un local de 50 m2 de surface, inauguré le 30 avril 2004 avec une soixantaine de personnes et qui est en fait l’ancien local des BSN, un club de supporters niçois. Il est situé derrière la librairie du Paillon gérée par Benoît Loeuillet, ce qui fait de ce quartier une petite base arrière des Identitaires puisqu’on y trouve également entre autres la boutique de Vardon.

ORIENTATION IDÉOLOGIQUE

Les Identitaires comme leur nom l’indique s’inscrivent dans une perspective de défense de l’identité, en l’occurrence européenne. Cela donne-t-il une doctrine cohérente et facilement définissable ? La réponse est sans ambiguité négative. Le seul point qu’on peut affirmer est que le BI a rompu avec le nationalisme-révolutionnaire historique pour n’en garder que l’attachement à cette fameuse dimension européenne. Pour le reste, le phénomène identitaire s’alimente à une conception raciale de l’identité européenne entendue comme identité blanche, dans la vieille lignée völkisch de la révolution conservatrice allemande, la dimension religieuse en moins puisque les différentes structures se déclarent aconfessionnelles, ce en quoi les Identitaires diffèrent de Terre & Peuple. Cela n’empêche pas une partie des dirigeants (Vardon, Robert, les Roudier pour ne citer qu’eux) d’affirmer leur préférence païenne en participant ou même organisant des solstices d’été ou d’hiver. Mais les JI ou le Bloc comptent ou ont compté également des responsables chrétiens comme Nicolas Demade dans le Nord ou Gaëtan Bertrand à Paris. Cette orientation générale se trouve mélangée à une valorisation des racines régionales et d’un certain solidarisme social. Mais la doctrine n’est absolument pas unifiée et elle varie beaucoup selon le passé des militants. Il en va ainsi de l’anti-américanisme, certaines voix s’étant élevées par le passé pour soutenir la position de Guillaume Faye qui définit les USA comme un adversaire mais l’Islam comme un ennemi. La lecture schmittienne de la politique voulant que l’on définisse son ennemi pour le combattre, cela signifie que le combat anti-musulman est donc prioritaire. À l’inverse, certains militants comme Guillaume Luyt continuent de considérer que les USA demeurent l’anti-modèle absolu et qu’ils doivent être dénoncés comme tels.

Dès leur création, les Identitaires sont néanmoins parvenus à se mettre d’accord sur une ligne internationale résumée par le slogan «  Ni keffieh, ni kippa », c’est-à-dire une position de neutralité affichée à l’égard du conflit proche- oriental et donc de ses répercutions en Europe et en France. Ce choix a sans doute été plus tactique que véritablement politique tant certains dirigeants avaient derrière eux des années de soutien verbal à la cause palestinienne. Mais il est évident que cela a éliminé un motif de discorde interne et a permis aux Identitaires de desserrer une source de pression politique et d’ennuis judiciaires. Étant donné l’évolution générale d’une partie de la communauté juive, en particulier dans sa composante jeune, on peut même se demander si cela n’aboutirait pas à terme à des rapprochements inimaginables il y a encore quelques années [3] .

Ceci étant, les thématiques développées par les Identitaires demeurent très pauvres. Certes Novopress, ID magazine et quelques militants brouillent les pistes en s’intéressant à des thématiques réservées jusqu’à présent aux milieux anticapitalistes de gauche et à quelques individus issus de la Nouvelle Droite (Alain de Benoist en particulier) comme la décroissance par exemple. Mais cela se limite à quelques individus et une analyse un peu poussée de leurs textes montre une focalisation quasi-monomaniaque sur l’immigration extra-européenne et l’islam. C’est particulièrement vrai pour les JI qui ne produisent quasiment rien qui ne soit pas dans la thématique de la « lutte anti-racailles ».

Finalement l’incantation identitaire permet de masquer l’absence de propositions dans le domaine poilitque, économique ou social, tout étant résumé dans le slogan « les Nôtres avant les autres ». Restent les tirades d’autosatisfaction de Fabrice Robert croyant avoir imposé le terme identitaire dans le débat public alors que l’inflation récente d’un mot déjà utilisé il y a une quinzaine d’années témoigne simplement d’un contexte de crispation des identités face à la mondialisation économique et culturelle en cours.

POSITIONNEMENT

De 2002 à 2006, les Identitaires se plaçaient officiellement en complémentarité du FN. Les dirigeants avaient tiré au moins un enseignement de leur expérience malheureuse du MNR  : rien ne servait d’attaquer le FN frontalement. Cela s’est particulièrement vu dans un numéro de Jeune Résistance consacré aux 30 ans du FN. Il valaitt mieux pour les Identitaires tenir un discours d’apaisement et d’unité en se renforçant pour être prêt lorsque s’ouvrirait la succession de Jean-Marie Le Pen au sein du FN. Il est évident que les Identitaires pariaient alors sur un éclatement du FN et donc sur la récupération d’une partie de l’appareil FN pour peu que le BI ne soit plus une organisation folklorique. Le temps leur était compté dans cette stratégie et les Identitaires ont tout fait pour se respectabiliser. À partir de 2003, le BI a donc multiplié les prises de contact avec les «  conservateurs » du FN par le biais d’André- Yves Beck qui avait suivi le Bloc plutôt que Christian Bouchet. Cela s’était de prime abord avéré payant : simples invités des premières journées de l’Esprit Public à Orange en 2003  [4], les dirigeants du Bloc étaient officiellement invités les 21 et 22 mai 2004 puis fin août de la même année. Guillaume Luyt était ainsi intervenu à ce titre et avait d’ailleurs fait une piètre prestation. Les Identitaires semblaient alors appliquer la stratégie des fourmis face à un insecte prédateur plus gros : plutôt que de l’affronter directement, elles entraient dedans et elles le vidaient de sa substance... Cette stratégie semblait même payante dans certains départements. Ainsi dans les Alpes de Haute- Provence, tout le bureau de la fédération FN ayant démissionné en février 2004 avait pris contact avec le Bloc, entraînant sans doute avec lui quelques adhérents FN du département. Mais depuis 2005 la situation a évolué et pas forcément dans le sens voulu par les Identitaires. Jacques Bompard a rejoint Philippe de Villiers et le MPF, mettant un terme aux espoirs niçois d’alliance régionale avec les milieux frontistes dissidents. Le Bloc a bien donné l’impression d’être intéressé par cette évolution mais il semble que cela n’ait été qu’une initiative mal contrôlée de Guillaume Luyt. Par ailleurs l’évolution du Front et la prise de contrôle progressive de l’appareil par le clan de Marine Le Pen a brouillé singulièrement les perspectives puisque ce n’est un secret pour personne que la fille Le Pen ne porte pas les radicaux dans son cœur. Les Identitaires ont donc affiché de plus en plus ouvertement une position concurrente du FN, concurrence manifestée par leur participation aux élections cantonales puis législatives en 2006-2007 sur Nice.

Le Bloc ou les JI ont donc été obligés de se débrouiller tout seuls, en partenariat avec des mouvements partageant certains points de doctrine ou de tactique avec eux. C’est le cas en Bretagne avec Adsav ou en Alsace avec Alsace d’Abord. Dans les deux cas, les Identitaires ont renoncé à créer des sections locales susceptibles de nuire à ces mouvements très proches idéologiquement et qui lui renvoie «  l’ascenseur » par le biais de Novopress par exemple ou de la soupe identitaire à Strasbourg. Par ailleurs certains militants jouent le rôle de « passerelle » comme Fabrice Lauffenburger en Alsace ou Dominique Lambert en Bretagne. Ailleurs les Identitaires sont globalement en bons termes avec Terre & Peuple (certains cadres ont la double casquette comme Yvan Lajeanne en Franche-Comté) ou la revue Réfléchir & Agir (on y retrouve Yvan Lajeanne ou Alexandre Faria à Toulouse), ainsi qu’Europae Gentes de Frédéric Pichon et l’Action Française Étudiante à Paris ou encore le Club de la Cité de Patrice Zehr et Alain-Christian Fragny à Nice. Ayant affirmé leur vocation européenne, les Identitaires se devaient également d’essayer de développer des relations internationales, essentiellement à destination des pays francophones : Belgique, Suisse, Québec. C’est évidemment en Belgique avec Nation que le travail a été le plus fructueux. Des militants belges sont fréquemment présents en France et Fabrice Robert est déjà plusieurs fois monté à Bruxelles pour des conférences. Nation a d’ailleurs relayé certaines campagnes, en particulier celle anti-Sniper en essayant de faire interdire le concert de Tournai début avril 2004 et en faisant annuler ceux de Bruxelles (25 avril) et Liège (30 avril). Fabrice Robert ou Philippe Vardon ont également fait plusieurs fois le déplacement en Suisse pour y travailler avec feu l’Avant-Garde ou constituer les JI Romandies, structure identitaire romande.

Mais hors de l’espace francophone, ils ont également établi des liens avec la Serbie par le biais de Tomislav Sunic, vieux contact du GRECE en Croatie. Par ailleurs, les Identitaires de Flandre - Hainaut ont de nombreux contacts avec les Flamands belges, en particulier le NSV de Gand. Des JI ont ainsi participé par le passé à la Zongfeest d’Anvers. Enfin le tableau ne serait pas complet si nous n’évoquions pas des rapports cordiaux avec le BNP britannique ou le NPD allemand même si cette dernière structure demeure très marquée par le passé allemand... C’est cependant avec les milieux néo-fascistes romains que ces contacts sont les plus poussés et réguliers, le camp d’été des JI ayant d’ailleurs eu lieu cette anée dans la capitale italienne.

(suite au prochain numéro)


[1] [http://reflexes.samizdat.net/spip.php ?article184].

[2] [http://reflexes.samizdat.net/spip.php ?article132].

[3] L’association SDF a ainsi utilisé les services d’un avocat connu pour sa proximité avec la LDJ, lors de ses démêlés avec le Préfet de Paris en 2006, David Dassa-Le Deist

[4] http://reflexes.samizdat.net/spip.p....


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