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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°23 - Octobre 2003 > ENJEU DE SOCIETE

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ENJEU DE SOCIETE


interview de membres de la Caisse primaire d’assurance maladie de Nantes, syndiqués CGT
Quelle analyse faites-vous du dernier mouvement de lutte contre la réforme des retraites ?

Une analyse rapide et sans doute superficiel amènerait comme conclusion : le projet du gouvernement a été voté donc RAFFARIN a gagné.


Pourtant, malgré le "lâchage" de ceux (CFDT/CGC) qui avaient été amenés à signer un texte commun à toutes les confédérations, le mouvement n’a pas perdu de son ampleur.

De même, le gouvernement a perdu la bataille des idées :

•La grande majorité des français reste hostile à la réforme des retraites imposée par le gouvernement Raffarin,

•Malgré un acharnement médiatique, le gouvernement n’a pas réussi a opposer les salariés du privé à ceux du public.

Ce mouvement est donc porteur d’avenir parce qu’il a montré la combativité du monde du travail et qu’il laisse entrevoir des perspectives de conquête sociale. Il a également (c’est vrai aussi pour les intermittents) montré la nocivité du droit social actuel sur la possibilité d’accord minoritaire contre l’avis de la majorité des salariés.


Une réforme de la Sécurité Sociale, branche maladie, est-elle utile et nécessaire ? Si oui, depuis quand ? Pourquoi ? Et quels seraient les points à développer ?

La CGT est favorable, bien évidemment, à une réforme qui améliore les conditions de remboursement des soins des assurés sociaux.

Encore faut-il sortir de la pensée unique qui ne préconise que la baisse des dépenses de santé.

Or, depuis plus de 20 ans, les exonérations de charges patronales, les politiques salariales des entreprises (la part des salaires ne cesse de décroître dans le PIB), l’absence de politique de l’emploi ou le maintien d’un taux de chômage (coercitif face aux exigences des salariés), ont creusé le déficit de l’assurance maladie et plus modérément de l’ensemble du système de protection sociale.

Entre 1997 et 2001, l’activité économique a généré davantage de croissance et près d’un million d’emplois ont été créés. En conséquence, la Sécurité Sociale est devenue excédentaire.

Il n’y a donc pas de fatalité au déficit de l’assurance maladie, lequel est inférieur au plafond (même si ce n’est pas la référence CGT) préconisé par les critères de MAASTRICH (3%), à comparer au déficit de l’Etat (aux alentours de 4%).

C’est pourquoi une réforme ne peut être efficace que si l’on se donne les moyens de la mettre en œuvre. Pour cela, il faut assurer un autre financement de la Sécurité Sociale (prise en compte de la valeur ajoutée, des revenus du capital ;).

Dans ces conditions, il sera possible de répondre aux dépenses nouvelles, générées par le vieillissement de la population et les nouvelles technologies médicales, mais aussi de permettre à la Sécu de mieux rembourser certaines prestations (lunettes, soins dentaires ;) et pourquoi pas de prendre en compte de nouvelles approches médicales.

Cependant, l’Assurance Maladie ne doit pas se contenter d’être un payeur et seulement un payeur.

A l’origine, la Sécu devait agir préventivement, notamment dans le cadre des accidents du travail.

Malheureusement, les moyens consacrés à cette orientation sont très limités. La CGT estime à 100 milliards de francs le coût des affections professionnels prise en charge indûment au titre de la maladie.

Alors oui, une véritable réforme de l’assurance maladie doit être mener, qui prenne en compte les nouveaux risques auxquels sont soumis les salariés et les évolutions de notre société. Elle devra conduire à consacrer à la santé une part plus importante des richesses créées et améliorer l’efficacité du système de santé et de sécurité sociale.

Gageons que cela nous conduirait à nous rapprocher de l’esprit dans laquelle la Sécu a été créée*.


Quel est votre avis sur une nouvelle répartition des interventions de l’Assurance maladie entre la part obligatoire et la part complémentaire ?

La CGT est favorable a une augmentation des interventions de la Sécurité Sociale et non pas à un "rabougrissement" au profit (SIC !) des organismes complémentaires.

Dans ce cadre, elle demande :

une meilleure prise en charge des soins par la Sécurité Sociale (90% pour les consultations et suppression du secteur "honoraires libres")

La définition de ce que doit être un acte médical, en temps, en qualité et en contenu.


Que pensez-vous du projet du gouvernement RAFFARIN de réforme de la Sécurité Sociale ?

Pour l’instant, le gouvernement n’a pas fait connaître clairement ses intentions. C’est, sans doute, l’un des résultat du mouvement sur les retraites, le gouvernement se méfie des réactions.

Néanmoins, ses orientations ultra libérales le conduiront vers une remise en cause d’une Sécu solidaire gérée par les assurés sociaux ; c’est à dire d’une masse financière qui ne profite pas (re-SIC !) aux grands groupes financiers (banques, assurances...).

Depuis la création de la Sécu, les patrons n’ont pas digéré que la santé des travailleurs ne soit pas soumise à la loi du marché.

Pour la CGT, la protection sociale constitue un enjeu de société fondamental, à nous de construire le mouvement pour imposer d’autres choix.


Que pensez-vous de l’offensive des assureurs privés se déclarant prêts à rembourser le tout-venant laissant à la CPAM les affections graves et de longue durée ?

Il s’agit avant tout pour eux de récupérer une manne financière qu’ils convoitent depuis la création de la sécurité sociale, sans pour autant apporter d’amélioration au système de santé.

C’est la même "philosophie" qui prévaut dans le dossier des retraites et la mise place sournoise des fonds de pensions.

Si nous laissons faire, le mercantilisme sera la poutre maîtresse de notre régulation sociale. Nous avons suffisamment d’exemple (Angleterre, Etats Unis...) des dégâts qui en résulteraient.

La santé entre les mains des marchands seraient la pire des choses, il suffit de regarder la position des laboratoires américains sur la mise à disposition de la tri-thérapie pour le traitement du SIDA dans les pays pauvres.

La CGT est sur une toute autre conception et considère que la protection sociale est un élément essentiel de réponses aux besoins des assurés sociaux et de croissance économique.


Comment envisagez-vous la lutte qui se dessine pour la rentrée contre ce projet ? Avec les autres syndicats ? Au sein du personnel des caisses de l’assurance maladie ?

C’est une question à laquelle nous aimerions pouvoir répondre avec certitude, mais l’expérience montre que rien n’est jamais écrit à l’avance.

Pour autant, depuis un an et demi le gouvernement Raffarin, sous l’égide du MEDEF, ne cesse de s’attaquer aux salariés.

Ceux-ci ont montré, à plusieurs reprises, leur détermination de ne pas s’en laisser compter.

Les dossiers sur les retraites, la décentralisation (qui touche l’ensemble des services publics), la remise en cause du régime des intermittents du spectacle, les chasses aux sorcières syndicales, la minorations des aides aux plus démunis (AME, APA...) sont autant de pilules qui ne sont pas digérées.

Tout cela préfigure de la façon de gérer les dossiers à venir : négociations sur les retraites complémentaires, remise en cause du droit du travail, déstructuration de l’assurance maladie par étape pour l’amener probablement, en phase ultime, à la privatisation de la partie "rentable", et bien sûr dans la même veine, privatisation d’EDF GDF en attendant le rail.

Le ferment des luttes existe donc, cependant la CGT pense qu’il serait erroné de se cantonner à l’opposition de ces projets.

C’est dans cet esprit que la CGT travaille avec ses militants et ses syndiqués. Des droits nouveaux doivent être conquis comme par exemple :

Une sécurité sociale moderne adaptée aux évolutions de notre société sans pour autant remettre en cause les fondements sur lesquels elle a été bâtie*.

C’est pourquoi le retour à une véritable démocratie sociale est impératif.

Les assurés sociaux doivent pouvoir élire leurs représentants.

Nous devons également la reconnaissance d’un statut du salarié instituant une sécurité sociale dans l’entreprise protégeant les salariés des licenciements abusifs, offrant des possibilités d’évolutions dans l’entreprise et également obligeant les employeurs à traiter à égalité les femmes et les hommes, jeunes et moins jeunes ;.

Enfin, il est un élément de notre système social qui doit absolument être réformé : il s’agit de la prise en compte des accords minoritaires, dont les salariés mesurent la nocivité, qui déstabilise le syndicalisme représentatif.

Vaste programme (non exhaustif) qui exige de rassembler largement au-delà de la CGT et du syndicalisme classique. Le mouvement sur les retraites a démontré notre capacité à resté uni sur le fond, même si des divergences sont apparues sur la formes.

C’est un point sur lequel il faudra travailler.

Mais avant tout, l’unité doit s’organiser autour des acteurs du terrain et ne pas se cantonner à des slogans de prêt à porter dont chacun connaît les limites.

Pour notre part, comme à chaque fois, la CGT essaiera de rencontrer les autres organisations syndicales de la caisse primaire, et nous rechercherons les moyens de travailler avec ceux qui le souhaiteront.

Force est de constater que le passé récent et moins récent ne laisse que peu d’espoir d’organiser la lutte aux côtés de la CFDT et de la CGC.

Dans le même temps, nous continuerons d’aller au contact des salariés de la caisse pour débattre et penser avec eux, les moyens de l’action, tout en étant, d’ores et déjà, prêts à nous inscrire dans toutes les initiatives qui seront proposées.



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