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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°4 - Décembre 2001 > La guerre... quelle guerre ?

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La guerre... quelle guerre ?


Depuis le 7 octobre les armées américaine et britannique bombardent l’Afghanistan. Selon les responsables politiques occidentaux, cette guerre a pour objectifs la disparition du gouvernement des talibans et l’éradication du terrorisme. Mais au delà du discours officiel, qu’en est-il vraiment ?


Le premier sentiment c’est qu’on ne sait pas grand chose. Est-ce Ben Laden le véritable instigateur des attentats du 11 septembre ? On nous a parlé de preuves irréfutables : lesquelles ? Le Monde Diplomatique, dans son édition du mois de novembre 2001, rappelle que dans les années 60 certaines composantes des image 315 x 279 services secrets et de l’armée américains avaient imaginé des attentats similaires sur Miami et Washington. "Après l’échec de l’invasion anticastriste de la Baie des Cochons, en avril 1961, les chefs de l’état-major américain concoctèrent un projet étrange… "visant" à lancer une "campagne de terreur" à l’encontre des citoyens américains et à l’imputer à Cuba afin de justifier une invasion généralisée de l’île. Un rapport secret avançait que "la publication de la liste des victimes dans les journaux américains provoquerait dans le pays une vague d’indignation instrumentalisable". Baptisé "Northwood opération", ce plan prévoyait des détournements d’avions et des attentats à la bombe à Miami et à Washington. Les documents préparatoires précisaient qu’il fallait "donner au monde l’image d’un gouvernement cubain représentant (…) une menace grave et imprévisible pour la paix dans l’hémisphère occidental.

L’administration Kennedy n’approuva pas l’opération Northwood mais deux ans plus tard un "incident" similaire dans le golfe du Tonkin déclenchait la guerre du Vietnam." (in La NSA, De l’anticommunisme à l’antiterrorisme, Au cœur du renseignement américain, in Le Monde Diplomatique 11/2001). La seule chose que nous observons, c’est que des responsables politiques (occidentaux, russes… et …… Ben Laden) ont saisi des opportunités que certains d’entre eux ont créées, sans que l’on sache réellement qui. Toujours est-il que depuis le 7 octobre la population afghane subit des "bombardements chirurgicaux", avec des bombes à fragmentation, de plusieurs centaines de kilos, ou pour certaines dépassant la tonne et causant des cratères de plusieurs dizaines de mètres. On ne connaît pas le nombre de victimes civiles et militaires. Cela n’est pas sans rappeler la guerre du Golfe. A ce jour, le chiffre officiel des morts et des blessés irakiens n’est toujours pas connu.

Chute des talibans ?

On nous annonce, à grand fracas médiatique, la chute des talibans. Là encore, on ne peut qu’être circonspect. Certes, l’Alliance du Nord semble avoir reconquis, avec l’appui de l’aviation américaine, la grande majorité du territoire afghan. Les talibans n’auraient qu’à bien se tenir. Mais visiblement, le scénario ne se déroule pas comme prévu. L’alliance du Nord n’arrive pas à réduire plusieurs poches de résistance talibane. Mais ce recul des talibans ne vise-t-il pas à préserver des forces en prévision d’une guerre civile, si les occidentaux n’arrivent à imposer un ordre sous couvert de l’ONU ? En effet, il y a tout lieu de craindre que la coalition des différentes composantes afghanes ne tiennent qu’en raison de l’existence d’un ennemi commun : les talibans. Quelles perspectives politiques vont pouvoir se dessiner pour que ce pays puisse se sortir réellement de 20 ans de guerre ? La partition du pays est-elle envisagée ? Certains placent leur espoir dans la conférence de Bonn, où doivent se rencontrer les différents responsables des groupes afghans. Les Etats-Unis auraient un lapin sorti du chapeau : l’ancien roi d’Afghanistan, ayant émigré en 1973.

Où est passe l’anthrax ?

De même, à grand fracas médiatique, on essaye d’installer une psychose. Pendant plusieurs semaines, la chasse à la poudre blanche contenant de l’Anthrax bat son plein. Encore une fois, les terroristes islamistes seraient à l’origine de ce bioterrorisme. Ensuite, il a été évoqué l’hypothèse que l’extrême droite américaine serait responsable des morts dus à la maladie du charbon. Maintenant, on n’a plus d’information sur le sujet. Pourquoi ce silence, alors qu’on compte plusieurs victimes, que des mesures exceptionnelles ont été prises, selon les médias ? Est-ce que l’enquête s’orienterait de plus en plus vers les réseaux d’extrême-droite alors qu’il aurait été préférable qu’elle reste sur le terrain de l’intégrisme islamiste ? Déjà, en 1996, lors d’un attentat contre le World Trade Center, le premier réflexe avait été d’accuser des réseaux intégristes musulmans. Puis, il fallut se rendre à l’évidence : des militants d’extrême droite américaine avaient organisé cet attentat. Certes, on ne peut exclure l’hypothèse qu’il y ait des liens entre des groupes intégristes islamistes et des groupes d’extrême droite au niveau international. Mais l’ennemi actuel étant le taliban, il vaut mieux cacher que des groupes américains se saisissent de l’opportunité des attentats pour concrétiser leur volonté de déstabiliser le pays afin de faire appel à un Etat fort, autoritaire, sécuritaire. Il y aurait quelques similitudes avec les mesures mises en œuvre par Bush qui pourraient être dérangeantes pour celui-ci.

Les enjeux ?

Quels sont les objectifs réels des Américains ? Bien évidemment les enjeux économiques sont présents : pouvoir exploiter le gaz et le pétrole de la région de la Mer Caspienne. Pour se faire, il faut construire des oléoducs et gazoducs traversant l’Afghanistan pour acheminer ces produits énergétiques vers des ports du Pakistan et des autres pays de la région. Cela suppose la mise en place d’un gouvernement suffisamment coopératif pour que ces projets voient le jour. A plusieurs reprises, des gouvernement américains ont essayé de négocier avec les talibans sans que cela n’aboutisse. Il y a tout lieu de penser que si les occidentaux avaient obtenu gain de cause, ils se seraient satisfaits du régime des étudiants en théologie, au grand dam des femmes afghanes et de toutes les autres victimes… Ne souhaitent-ils pas maintenir une présence militaire dans la région et renforcer ainsi leur domination impérialiste ? De même, le gouvernement français envoie des troupes sur place. Pour y faire quoi ? Quel est l’objectif politique ? Nul ne le sait. Pour l’instant ce détachement est coincé en Ouzbékistan et n’arrive pas à franchir la frontière, malgré la présence d’un ministre français sur place. Il y aurait beaucoup de dégâts si le ridicule tuait.

L’objectif déclaré de cette guerre est d’en finir avec le terrorisme. Sans sortir de Saint Cyr ou de Sciences Po, il tombe sous le sens que cela est absurde. Le problème du terrorisme est avant tout politique ; c’est donc politiquement qu’on pourra lutter contre. Tant qu’Israël pourra continuer à occuper militairement la Palestine, il y aura des groupes armés. La misère aussi est source de terrorisme. L’imposition du modèle culturel, sociétal et économique occidental à l’ensemble des populations de la planète fera qu’il y aura toujours des gens ayant recours aux armes pour ne pas disparaître et voir disparaître leur mode de vie ; et, partant, d’imposer un retour aux traditions à travers des courants réactionnaires. L’exemple de l’Iran est, à ce titre, très instructif. La Révolution Islamique de 1979 est en parie due à la volonté de la population iranienne de ne pas être occidentalisée.

L’objectif caché n’est-il pas de maintenir un état de guerre permanent, tout au moins en Occident qui légitimerait les législations de plus en plus répressives à l’encontre de tous les fauteurs de troubles et cautionnerait le racisme de plus en plus déclaré ? Ainsi, l’on voit se mettre en place un arsenal de plus en plus répressif. Cela passe par la militarisation de la société, avec la banalisation de la présence policière et militaire dans tous les lieux publics et dits sensibles (centrales nucléaires…). Ainsi les Etats pourront réprimer tout ce qu’ils jugeront portant atteinte à l’intégrité des pays : du resquilleur des transports au militant luttant contre le capitalisme.
Cela ne traduit-il pas une faiblesse de réponse politique et idéologique de la classe dominante ? Face à l’iniquité du capitalisme et la montée en puissance des mouvements contre la globalisation, il apparaît que les gouvernants n’ont plus de discours approprié. La violence policière n’a pu empêcher l’expression politique des manifestants à Gènes. Maintenant, les organisateurs du G8 ou des sommet de l’OMC vont se cacher dans les montagnes du Canada ou au Qatar.
Mais ne sombrons dans un optimisme béat. Il y a tout lieu de regretter la faiblesse du mouvement contre la guerre. Sans doute le sentiment d’impuissance y est pour beaucoup. L’union sacrée (présence du PC et des Verts au gouvernement) a sans doute contribué à la faiblesse des mobilisations.

Luttons contre les lois liberticides

Il n’en reste pas moins vrai que la lutte contre les lois liberticides est fondamentale. A l’échelle européenne se met en place un arsenal juridique qui, s’il en rentre en vigueur, sera un outil fantastique pour réprimer tout ce qui bouge : mandat d’arrêt européen, nouvelle définition du terrorisme, vote à la va-vite, en France, d’une loi amalgamant les délits de la vie quotidienne, comme la resquille des transports, la réunion de personnes dans les halls d’immeuble et les mesures prises dans la lutte contre le terrorisme : fouille de voiture en dehors de la présence de son propriétaire (ainsi la police peut fracturer une voiture pour pouvoir la fouiller), etc. les Etats-Unis ne sont pas en reste. Ainsi Bush propose que des tribunaux militaires, fonctionnant à huis clos, soient mis en fonction pour juger les "terroristes" ; c’est-à-dire toute personne contestant radicalement l’impérialisme. En tout cas, les populations occidentales ne pourront pas éternellement se dire irresponsables des politiques mises en œuvre par leurs gouvernements respectifs. En effet, c’est en leur nom que la barbarie capitaliste s’exerce. La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple. Les gouvernements, dits démocratiques, sont élus sur la base de programmes proposés à leurs électeurs, sans que ceux-là n’aient de compte à rendre à personne. La réalité montre que les populations n’ont aucun contrôle et ne déterminent pas les politiques menées par leurs gouvernements. Ceci montre que les démocraties actuelles sont un leurre.

JC


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