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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°4 - Décembre 2001 > Les libertaires vont-ils décrocher la lune ?

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Les libertaires vont-ils décrocher la lune ?


Patsy a été militant de la FA durant une douzaine d’années. Sans attache organisationnelle aujourd’hui, il participe aux différents collectifs de lutte qui émergent sur Nantes et est un des animateurs du collectif LUNE. Ses propos n’engagent évidemment que lui.


NP : Tu fais partie d’un collectif sur Nantes pour l’Unité appelé LUNE, peux-tu rapidement nous expliquer sa formation et son activité ?
Patsy :
En mai dernier, un certain nombre de signataires de l’Appel à l’unité ont appelé à une réunion pour discuter autant de l’unité du mouvement libertaire que de la situation image 310 x 315nantaise. A l’issue de cette réunion, un groupe d’environ dix personnes a créé un collectif : les AA (les Anarchistes Anonymes). Le but des AA était triple : favoriser en son sein les débats et confrontations entre libertaires, préparer collectivement des débats ouverts aux libertaires et à la mouvance (le seul à s’être tenu concernait l’antinucléaire et précédait la grande manif du 20/10 dernier), enfin, reparler des tensions qui ont secoué et secouent encore le " milieu " nantais. Après les rencontres de Niort, les AA ont décidé de se tranformer en un collectif LUNE (Libertaires, Unitaires Nantes-Estuaire), collectif qui sera signataire en tant que tel de l’Appel à l’unité, à la différence des AA. L’objectif de LUNE (qui regroupe des militants venant de sphères diverses : FA, OCL, No Pasaran, CNT ou des inorganisés comme moi) est simple : continuer le travail entamé par les AA et travailler au sein du secrétariat national technique né à Niort.

Après les rencontres de Niort de l’Unité (voir No Pasaran n°3), les ambitions des membres présents sont assez réduites, la rencontre autour du thème du fédéralisme dans un an. Est-ce pour toi un handicap de ne pas avoir développé un calendrier plus fourni ou au contraire est-ce le signe d’un nécessaire approfondissement de cette idée de convergence tant en terme théorique que pratique ?
Ce n’est pas un handicap. Les rencontres de Niort ont montré une nouvelle fois que la "planète libertaire" était très diverse, comme les cultures organisationnelles et les pratiques collectives. Certains signataires sont isolés et sans pratique militante ; d’autres sont membres d’un groupe et ont des pratiques collectives importantes. Certains veulent contraindre les organisations libertaires à faire l’unité ; d’autres s’en foutent complètement et veulent travailler en réseau à partir des dynamiques unitaires existantes à la base. Nous sommes engagés dans une sorte d’aventure dont nous ne savons absolument pas ce qu’il en sortira. Prendre son temps me semble dès lors de bon sens. A Niort, ce qui m’a semblé révélateur, c’est l’absence totale de débat autour de l’Appel lui-même. Ce n’est ni un bien, ni un mal : c’est juste un fait. Cela veut dire que les gens n’étaient pas là pour s’empailler des heures sur un texte identitaire mais pour dire qu’il fallait faire quelque chose, sortir du marasme, agir en commun et casser les logiques partidaires ou sectaires.

L’appel pour l’unité a pour idée centrale que les organisations libertaires ne sont plus liées à des courants libertaires définis. Ce constat doit conduire à échafauder des transversalités entre organisations ou/et indvidu-e-s pour agir en commun. Cet appel signifie aussi que ce n’est pas des organisations que viendra cette dernière, - ce qui s’est passé à Toulouse (voir note de bas de page) en est la démonstration-, mais quels moyens et quelles idées fortes à ton avis peuvent servir d’axes pour conduire à cette dynamique collective ?
A la FA, j’ai défendu longtemps avec l’Union régionale centre-ouest l’idée des Inter-régionales. Ces IR thématiques n’étaient pas une création fédérale, elles étaient juste un moment durant lequel les groupes FA les plus dynamiques et actifs se retrouvaient pour débattre et impulser des actions collectives au sein de l’orga entre deux congrès. Evidemment, ce type d’initiatives a heurté certaines consciences : certains voulaient les liquider, d’autres les mettre sous la direction d’un secrétariat fédéral. Cette idée d’IR a été impulsée notamment par le groupe Bakounine dans lequel Jean-Marc Raynaud était actif. Ce n’est pas un hasard. Dans l’Appel à l’unité, on retrouve le même état d’esprit : faire des choses en se reposant sur les volontés d’agir en commun présentes à la base sans attendre la sanctification du congrès annuel, donc contourner l’inertie des structures hexagonales ou les logiques sectaires présentes au sein de chacune des organisations. C’est l’idée forte à laquelle je tiens. Quant aux moyens, ils sont simples : créer un collectif local pour l’unité pour rassembler les bonnes volontés, affirmer clairement sur la ville son identité, être un lieu de débat et de réflexions sur le passé commun des militants (aller à la racine des engueulades non pour donner des bons points aux uns et aux autres mais parce qu’il ya toujours nécessité de tirer le bilan des positionnements politiques passés).

En analysant la mobilisation contre la guerre, on ne peut que remarquer la faiblesse d’action des libertaires. N’est-ce pas une raison supplémentaire de la nécessité d’une convergence pour peser politiquement sur les événements ?
Evidemment ! Le mouvement a montré à cette occasion sa faible capacité de riposte collective. Mais il est vrai, à mon sens, que la situation se prêtait moins à de grands rassemblements que la guerre du Golfe. A Nantes, nous avons ressuscité le Groupe de résistance et d’opposition à la guerre (GROG), transformé pour l’occase en Groupe de résistance et d’opposition à la Busherie. Le GROB s’est associé à l’initiative lancé par Tours et ma pomme autour du 11 novembre. Il a repris comme ailleurs dansl’hexagone le long tract proposé, a organisé un rassemblement... Cette initiative lancée à la va-vite est à mon sens un bon exemple de ce qu’il faut que nous fassions. Quelqu’un ou un groupe propose une initiative ; celle-ci est réappropriée par d’autres qui se sentent en mesure de la faire vivre. On connaît tous la lourdeur des organisations libertaires et le jeu de poker menteur auxquelles elles se livrent quand elles se rencontrent. Elles auraient eu besoin de deux mois de rencontres et chamailleries pour pondre 20 lignes insipides... Le travail en réseau lancé par des membres de Convergence est à mon sens plus porteur que la vieille logique partidaire.

N’est-il pas plus approprié de parler de convergence plutôt que d’unité du mouvement libertaire ? Les problèmes ne résidant pas dans le fait qu’il existe plusieurs organisations - historiquement le mouvement anarchiste a toujours été multiforme -, mais l’incapacité du courant libertaire à s’affirmer comme courant politique du fait de ses querelles internes ?
Tout à fait. " Convergence " induit une volonté d’" aller vers ". Elle repose sur une dynamique et le volontarisme de ceux qui y adhèrent. Pour répondre plus complètement à ta question, je crois qu’il est vital pour le mouvement libertaire d’entamer un vrai travail de réflexion sur les fondements mêmes de l’idéologie anarchiste. En 1968, Waldeck-Rochet, bousculé par le gauchisme, écrivait " Qu’est-ce qu’être révolutionnaire dans la France de notre temps ? ". Je crois qu’on devrait faire de même et cesser de radoter nos vieilles formules toutes faites. Bref, renouer avec l’esprit critique d’un Berneri dans les années 1930, avec celui développé par " Noir et rouge " dans les années 1960. Je ne dis pas, loin de là, qu’aujourd’hui nous ne réfléchissons pas, un certain nombre de publications sont là pour prouver le contraire (Agone, Oiseau-Tempête, Réfractions, les Temps maudits), mais j’aimerais vraiment que ce mouvement-là se développe à la base dans tous les collectifs locaux. Je demeure persuadé que nous ne pourrons nous affirmer comme courant politique qu’au moment où notre façon particulière d’analyser les événements politiques et sociaux apparaîtra comme pertinente et intelligible aux yeux de celles et ceux qui nous côtoient. La cooptation des analyses géopolitiques de Chomsky par la "gauche sociale" est un bon exemple de ce que j’essaie d’exprimer.

Propos recueillis par Laurent

(1) A Toulouse lors de la réunion organisé par des membres du Collectif local pour l’Unité des libertaires, des membres de la FA, de l’OCL et de la CNT-AIT ont été porté la contradiction d’une manière très virulente, pour ne pas dire plus.


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