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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°4 - Décembre 2001 > N’oublions pas le peuple palestinien

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N’oublions pas le peuple palestinien


Les événements qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient semblent définitivement condamner les espoirs qu’avaient fait naître le processus de paix, entamé pourtant voici près de huit années entre Itzsak Rabbin et Yasser Arafat.


La lente marche qui avait enfin conduit à la reconnaissance mutuelle des deux nations qui se faisaient face, ponctuée de tragédies sanglantes et de cinq conflits militaires, ne doit pourtant pas mourir sous les coups de boutoirs de la logique du pire. Les efforts qui ont déjà été réalisés ont permis aux palestiniens une certaine reconnaissance sur la scène internationale. Il s’impose que cette avancée diplomatique soit image 194 x 284 complétée par des relations et des échanges toujours plus nombreux impliquant notamment les acteurs associatifs, la jeunesse palestinienne, et tous ceux qui se disent anti-colonialistes, afin notamment de conjurer les tentations de repli sur soi et les passions extrémistes qui, inévitablement, apparaissent dans des conjonctures similaires. Depuis le 11 septembre rien ne va plus pour le peuple palestinien, la chasse est ouverte, et les soldats israéliens sont rentrés dans les territoires sous autorité palestinienne. Les habitants de Gaza et de Cisjordanie subissent en effet la spirale d’une violence dont ils ne sont pour rien, l’amalgame rapide entre terroristes et palestiniens a engendré de nouveau un immense mur sur lequel les deux peuples foncent.
Des délégations de plus en plus nombreuses se font jour, et leurs allers retours entre Paris et Tel Aviv contrecarrent l’enfermement géographique de la jeunesse palestinienne dans les zones enclavées. Ces délégations par leur présence et leurs témoignages, ouvrent des horizons à la population palestinienne, soumise depuis 1967 à une occupation qui ne disait pas son nom, aujourd’hui corsetée dans des frontières hermétiques, et subissant les barrages et les couvre-feux de l’humiliation. Ces délégations permettent un autre témoignage, celui de d’individus plutôt que celui de la presse, trop souvent aveuglée par l’essence même de sa nature : "Je scoope et je pars".
Ci-dessous la présentation du TIPH recueillie cet été.

No Pasaran :Qu’est-ce que le T.I.P.H. ?

TIPH :Temporary international presence in Hébron (présence temporaire internationale à Hébron). Cette présence internationale est composée de ressortissants de six pays : l’Italie, la Suisse, la Suède, la Norvège, l’Allemagne et la Turquie. Elle a été mise en place à la demande des palestiniens en 1994 suite au massacre à la mosquée.

Quel est le rôle du T.I.P.H. ?

Officiellement il est présent ici pour rapporter ce qu’il se passe dans une ville où se trouve le tombeau des patriarches (tombeau d’Abraham), deuxième lieu saint chez les juifs et quatrième lieu saint chez les musulmans. On essaie de prévenir des massacres comme celui de 1994. C’est une illusion mais c’est ce qu’ils espèrent .Notre deuxième rôle est de créer une situation de sécurité avec (pour ?) les palestiniens, d’améliorer les conditions de vie dans la ville, et enfin de normaliser la situation. Ce dernier rôle a été fixé au départ et donc pas dans un contexte d’intifada.

Aidez-vous la population économiquement ?

On essaye d’aider des projets, des gens très pauvres, des femmes, des handicapés, des enfants pour leur éducation…

Comment se manifeste cette aide ?

Des O.N.G., surtout palestiniennes et quelques étrangères qui demandent des aides financières pour acheter du matériel, pour leur organisation de projets, pour aider à demander quelque chose… Ca peut être de tout : depuis le côté materiel jusqu’au culturel. Par exemple, à Beitl Tifl (maison de l’enfance palestinienne), on finance une activité pour apprendre à faire des dessins avec du sable dans des verres. On sponsorise aussi l’écriture de pièces de théâtre pour les enfants dans les écoles, on sponsorise des livres sur la culture palestinienne, de dessins et de poésies…

Vous travaillez sur plusieurs niveaux, culturel, économique et social.

Nous avons même des collaboration avec des associations comme Terre des Hommes qui viennent d’offrir un scanner ; d’autres associations peuvent offrir des fauteuils roulants.

Quelles sont les exactions que vous relevez le plus souvent ?

Toute forme d’excès à l’encontre des palestiniens : répliques aux jets de pierres par des balles enrobées de caoutchouc, colons qui attaquent des citoyens palestiniens proches des colonies. Il y a certains terrains disputés qui appartiennent aux palestiniens mais ou les colons essayent de s’agrandir et de s’installer de facto : par exemple, le problème se pose à Tel roneyda où le projet de départ affiché était la construction d’un musée. C’est un lieu qui a plus de 4000 ans, c’est un site archéologique protégé, ou se trouve entre autre la tombe de Jess Russ, lieu saint pour les juifs. Aujourd’hui, il s’avère qu’ils sont en train d’y construire des logements, c’est une vraie colonie. En 1984 s’est installée la première caravane.
Ces gens-là font partie du CAR, un mouvement sioniste interdit par l’Etat d’Israël. C’est une organisation terroriste. Depuis 6-7 mois ils construisent à la va-vite sur les ruines archéologiques. Ils ont détruit les ruines, elles ne sont plus visibles et exploitables.
image 191 x 251 Note aide s’oriente aussi vers les différentes associations palestiniennes qui luttent pour leur terre. Ils ont besoin d’aller devant la haute cour de justice israélienne pour que les colons arrêtent leurs constructions. On a des gens très qualifiés sur le plan juridique pour les aider. C’est toujours trop cher pour des palestiniens de prendre un avocat israélien. On aide ces gens a obtenir les documents nécessaire et l’assistance juridique. Pour les défendre nous nous appuyons sur les documents dont nous disposons comme un bon nombre d’archives.

Les rapports que nous produisons s’appuient sur les observations que nous faisons sur le terrain, parfois sur des photos : nous avons des réunions internes au TIPH chaque semaine et des réunions avec les deux parties. Les compte-rendus de ces deux réunions ainsi que les rapports de la situation sur le terrain sont transmis a différentes organisations, des organisations étrangères, avec l’UNESCO, avec des représentants des différents pays impliqués dans le TIPH, et tout ceux qui veulent être informés.
D’autres réunions sont prévues une ou deux fois par semaine avec le Joint Hebron Commitee (JHC). Si on ne trouve pas de solutions au problèmes posés, ce qui arrive souvent car les colonies sont stratégique pour l’Etat d’Israel, nous avons recours à une réunion à un plus haut niveau, avec des responsables militaires israéliens et palestiniens, toujours en notre présence. Si cela ne suffit pas nous montons encore plus haut. Nous réunissons les directeurs des Ministères des affaires étrangères des deux parties.

Depuis quand existe le T.I.P.H. ?

Notre première intervention remonte à 1994, mais nous ne sommes restés que trois mois faute d’un accord de principe des deux parties. Notre deuxième mission remonte à 1997. Elle a été acceptée par les deux côtés et nous sommes là depuis. Notre mandat est renouvelable tous les trois mois par les deux parties.

Le rôle du T.I.P.H. est-il respecté et votre présence est-elle nécessaire au processus de paix ?

La position officielle israélienne est de considérer que notre présence est bien, mais pour eux ça ne change rien sur le terrain. Du côté palestinien, ils considèrent que le T.I.P.H. joue un rôle important dans la mesure où le comportement des soldats israéliens change du fait qu’ils savent qu’on fait des rapports. Il peut y avoir un rapport disciplinaire concernant le soldat qui commet des exactions et un rapport qui nuit à l’image du pays. Ce qui change aussi sur le terrain si nous sommes présents physiquement : les arrestation sont beaucoup plus courtes, beaucoup moins de passages à tabac, moins d’humiliations, etc. Les rapports que nous faisons sont neutres. On peut aussi s’appuyer sur des photos pour prouver les exactions, c’est toujours plus fort que nos rapports écrits.

Pourquoi vous n’êtes présents qu’à Hébron, ne seriez-vous pas autant ou plus utile ailleurs ?

Certes, mais les israéliens refusent. La raison pour laquelle nous sommes présent à Hébron et pas ailleurs, est que c’est la seule ville où les colons habitent directement dans la ville. Ici, les confrontations se font dans la ville, car elle est revendiquée sur un principe de religion par les deux côtés (mosquée d’Abraham). Les palestiniens sont toujours d’accord sur le principe d’une présence internationale. Pour l’O.N.U., il serait difficile de rester alors que les israéliens ne respectent pas les traités ratifiés, et donc leur position serait totalement discréditée.
Du point de vue du T.I.P.H., officieusement on pense que notre présence a évité que ça se passe comme à Gaza où il y a eu beaucoup de bombardements. Il y en a toujours ici, mais il y en a beaucoup moins, et ils sont très localisés. Par exemple les Q.G. de la police palestinienne ont été bombardés partout ailleurs sauf à Hébron.

Les israéliens se rendent bien compte que s’il cassent les accords sur Hébron, sur le découpage des zones en H1 et H2, le T.I.P.H. quitte le pays et un discrédit diplomatique ne serait pas à leur avantage.
En 1994, suite au massacre de la mosquée d’Abraham, un partage du site religieux a été négocié : une partie musulmane, une partie juive. Mais cet accord a été violé il y a quelques semaines : les israéliens ont fermé la mosquée aux palestiniens pendant toute une journée, alors que les accords prévoyaient de leur laisser le bâtiment dans son ensemble. C’était le jour de la fête du Prophète (Mouloud El Nabi).

Quel est le profil des personnes recrutées par le T.I.P.H. ?

Ce n’est pas uniforme, chaque pays a son propre recrutement.
Les turcs sont issus de l’armée, terre, mer ou air, ils sont tous haut-gradés, ont une bonne connaissance de l’anglais .
Pour les italiens, ce sont essentiellement des carabiniers, tous des hommes, sauf deux infirmières.
Pour les suisses , la majeure partie d’entre eux sont des civils, de milieux académiques et ont une grande connaissance du Moyen-Orient.
Nombre d’entre eux sont originaires du Maghreb et du Mashreek, par exemple en ce moment avec nous il y en a un, qui est d’origine palestinienne et un autre d’origine irakienne.
Les suédois, les norvégiens, et les danois, recrutent à la fois des policiers, et des civiles de formation académique .
Tous les membres du T.I.P.H.. doivent parler au moins une des langues suivantes : anglais, arabe ou hébreu. Une bonne connaissance de la région est plus que nécessaire, et toutes les patrouilles sont mixtes, afin d’avoir des regards différents sur la situation.

Il existe plusieurs axes de travail :
- purement militaire,
- intendance et logistique,
- recherche juridique,
- travail médiatique,
- recueil d’informations sur la région et s’informer sur tout ce qui pourrait influer sur la situation israélo-palestienne,
- travail de relation publique,
- projets de développement ,
- patrouille
- animation de centre de vacance pour enfants
Pour ma part j’ai une formation académique, et je maîtrise six langues. J’ai attendu trois années avant de pouvoir être ici et je suis très heureux de pratiquer une telle mission, même si les changements sont très longs et les décisions toujours trop longues à prendre.

Que vas-tu faire après un an de présence ici ?

Je vais aux îles Malaouis.

Une interview de la jeune Rasha, 16 ans , en classe de 2nd.

Comment tu-vis l’occupation des colons ?

Je suis née en 1985, et je n’ai jamais rien connu d’autre que l’instabilité dans cette région. Je n’ai pas l’impression de vivre dans un Etat. Les colons sont arrivés et se sont installés et nous ont pris nos terres. Comment voulez-vous que je vive en étant occupée ? Hébron est une immense prison.

C’est quoi l’occupation pour toi ?

C’est confisquer quelque chose, une terre, la terre palestinienne alors qu’elle ne leur appartient pas.

Quelles solutions tu envisages ?

Comme pour la Jordanie, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Algérie : il y a eu une occupation et ensuite une libération avec reconnaissance d’un vrai Etat. J’aimerai qu’il en soit ainsi pour mon peuple, plutôt qu’un morcellement d’un territoire et de tout un peuple.

Parle-moi de ton quotidien ici à Hebron ?

On est loin des endroits qui tirent mais pas trop, les bombardements à Gaza ou ailleurs me touchent comme si Hébron était sous le feu des Israéliens. On vit pas trop mal, mais la vieille ville, du fait de son morcellement, engendre beaucoup de difficultés pour circuler dans la ville, beaucoup de quartiers sont bouclés, il peut arriver que l’on ne puisse pas se rendre à l’école, que l’on ne puisse pas voir notre famille, etc.
Beaucoup ont quitté leur maison, qui se trouvait dans la zone H 1, sous autorité israélienne. Pendant les périodes de bombardements personne ne peut circuler et à cause de cela beaucoup de lycéens n’ont pas pu passer leur bac, comment voulez-vous que l’on se concentre sur les études alors que nous sommes en guerre.
Il y a des traumatismes parmi les jeunes, le fait de voir des enfants tués aussi facilement , comme le petit Mohamed Dora dans les bras de son père, le bébé Imen Iho, tout cela ne leur permet pas d’être bien dans leur tête et de s’épanouir comme n’importe quel jeune d’Europe. Nous sommes tristes même si notre propre famille n’a pas été affectée par la mort ou la prison. Le peuple dans sa globalité souffre du plus petit jusqu’au plus grand.
Nous nous retrouvons souvent enfermés dans nos maisons à défaut d’être enfermés dans des quartiers ou des zones h1, h2. Ma vie est fragmentée, vous savez je fais parfois des rêves en découpage, je vous jure, c’est étrange. Il vaut mieux en rire mais ce n’est pas toujours possible.

Pourquoi beaucoup de jeunes hébronnais parlent de quitter la région ?

Moi, pour ma part, je leur déconseille de partir, on perdrait tout, je partirai pas. Où voulez-vous que j’aille, bien sur j’ai des rêves de voyage comme tout le monde, mais en me disant, tout comme toi d’ailleurs, je vais pouvoir rentrer chez moi ensuite.

Comment vois-tu l’avenir Rasha ?

Il est dit dans le Coran que bientôt les colons quitteront notre terre et j’aimerai que cela puisse se produire dès demain. Je veux étudier la médecine, travailler et aller à la rencontre du monde comme toi.

Interview d’Ayman, responsable jeunesse et sport, 35 ans.

Comment vivez-vous depuis la 2nd intifada (Mosquée d’El Akssa) ?

Cette question est présentée comme s’il y avait un avant et un après Akssa, mais en fait la situation d’occupation existait déjà. Il y a des périodes où c’est plus grave et plus tendu. Les choses ont empiré, car la plupart des palestiniens travaillent en Israël et aujourd’hui, du fait du blocage de certains accès, ils ne peuvent plus se rendre à leur travail.
La situation à Hébron est catastrophique, il y a à peu près 400.000 habitants, et la majeure partie des salariés travaillent dans le commerce. L’absence de circulation engendrent une pénurie de produits et nous ne pouvons finalement ni vendre , ni acheter . Parfois ils ouvrent les routes et de nouveau nous faisons les stocks, mais ça reste précaire et aléatoire selon le bon vouloir des Israéliens.
Depuis son arrivée, l’autorité palestinienne a créé un peu d’emploi, mais cela ne suffit pas a dynamiser l’économie hébronnaise.
Même nous qui travaillons sous autorité palestinienne, il nous faut demander des laisser- passer pour nous rendre à Jérusalem.
Depuis l’Intifada les salariés ne peuvent plus aller ailleurs, alors ils se sont mis à cultiver leur terre. D’un certain côté c’est plutôt positif, ceci a empêché que les colons s’approprient plus de terre dans la région.

Dans la zone h2 beaucoup de maisons sont vides à cause de l’exil de palestiniens, alors les colons se les approprient malgré l’existence d’actes notariaux validant la possession de la maison et des terres qui l’entourent, et le pire est qu’on ne peut rien faire, ils sont tout puissants.
L’Etat Israélien n’a rien à faire des actes de propriété, il se base sur la Torah qui dit que c’est la terre de leurs ancêtres. Que voulez vous faire contre un discours aussi cinglé, dans ce cas là l’humanité entière peut revendiquer cette terre, puisque les trois religions monothéistes ont pris naissance dans cette région du monde.

Propos recueillis par Houria


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