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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°4 - Décembre 2001 > Résistances à l’écran

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Résistances à l’écran


Comme tous les mois, voici une sélection partielle (et partiale) de quelques films, plus ou moins récents, jugés intéressants au vu des thèmes sur lesquels lutte le réseau No Pasaran…


- L’emploi du temps
- Kandahar (Safar e Ghandehar)
- Paria

L’emploi du temps

image 197 x 263 Film français de Laurent Cantet - 135 min. – 2001
On peut se souvenir du premier long métrage de Laurent Cantet : Ressources Humaines, un film poignant où se dispute la lutte des classes. Son second long métrage est inspiré d’un fait divers : l’affaire Romand (un homme qui a fait croire à sa famille pendant 18 ans qu’il exerçait comme médecin, avant de tuer sa femme et ses enfants). Mais de ce fait divers plutôt croustillant, Cantet (et son coscénariste et monteur Robin Campillo), ne va garder que la trame sociale, sans retenir le spectaculaire sanglant qui aurait pu donner un ton racoleur à son propos.
L’emploi du temps raconte comment Vincent, consultant en entreprise, marié et père de trois enfants, cache son licenciement à sa famille, tout en prétendant avoir trouvé et exercer un poste de consultant en développement industriel à l’ONU. Si le mensonge est un thème fort du film (comme les tensions familiales en sont un autre), Laurent Cantet poursuit toujours une réflexion initiée dans Ressources Humaines, réflexion sur la place du travail dans notre société.
L’emploi du temps questionne la centralité du travail. D’une force émotionnelle considérable et contradictoire, l’Emploi du temps porte un regard critique et lucide sur une société où la reconnaissance, l’identité, et le lien social s’articulent autour du seul travail salarié. Le tout est filmé avec une maîtrise et une finesse désarmantes, et bouleverse en profondeur. Un film remarquable.

Kandahar (Safar e Ghandehar)


image 276 x 157 Film iranien de Mohsen Makhmalbaf - 85 min. – 2001
Kandahar est un film d’actualité. Pourtant, ayant tourné bien avant les évènements du 11 septembre, Makhmalbaf n’aurait jamais imaginé que le thème de son film puisse devenir soudain à la mode. Les talibans étant devenus en l’espace de quelques mois les nouveaux représentants de la barbarie sur terre, Kandahar se trouve soudain nanti d’une caution officielle bien supérieure à ce qui serait advenu si son film était sorti un peu plus tôt. Ce très beau long métrage, profondément esthétique, montre des images d’une dureté sans pareille. Si on peut y voir les méfaits des mines antipersonnel sur toute une population (qui pense à avoir des jambes en plastique de rechange au cas où…), on assiste surtout à une description minutieuse de la condition des femmes sur place. Le voyage de la narratrice, venue chercher sa sœur restée au pays, montre une société où les femmes portent la burka (le tchador afghan qui couvre de la tête aux cuisses, une grille de tissu au niveau des yeux), où elles sont totalement assujetties à leur mari (une femme seule n’a pas d’existence ni de droit), et où même les consultations médicales se font au travers d’un rideau troué en un unique point pour laisser apercevoir les parties infectées.
Kandahar est un film au rythme lancinant, qui dépeint par petites touches tout le poids d’une société patriarcale.

Paria

image 236 x 315 Film français de Nicolas Klotz - 125 min. – 2001 Paria raconte 36 heures de la vie de François, Momo et Blaise, tous trois habitants de la rue. Mais Paria n’est pas un de ces films voyeurs ou larmoyants, qui dépolitiserait la question de la misère pour donner des images en pâture à une bourgeoisie en mal de sensations.
Sur fond de piano (musique improvisée au montage par Brad Meldhau, ancien héroïnomane à qui la musique a permis de remonter la pente), les images de Paria (tournées avec des acteurs et actrices pour la plupart non-professionnel-le-s) sont crues et pourtant fictionnelles. Mais pas de ces fictions qui nous font croire à une vie en carton pâte rose fuschia, plutôt de celles qui travaillent le matériau même de la vie, de la vie quotidienne d’aujourd’hui.
Si les histoires de François, Momo et Blaise sont celles de personnages fictifs, le cadre dépeint par le film est celui de milliers de personnes exclues du jeu de la consommation, exclues et criminalisées par un système capitaliste qui n’a que faire des parias qu’il génère.
En ce sens, Paria est un grand film, une histoire terrible et réelle, un regard lucide sur l’existence ici et maintenant : un grand moment où se mêle la vie et le cinéma dans un geste profondément politique.

Pirouli (Paris)


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