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Gratuité des transports


Histoire d’une lutte actuelle

Depuis plusieurs années, la revendication du transport gratuit s’est amplifiée en France comme en Europe. Elle est d’abord le fait des plus pauvres (souvent qualifiés de marginaux) qui empruntent le train ou le bus sans argent. Les moyens de rétorsion classique contre les resquilleurs n’ont aucun impact sur eux. Quel effet a une amende, fut-elle majorée, sur une personne de toute façon insolvable ?


image 315 x 169 Parallèlement, depuis les années 90, souvent en marge des mouvements politiques et syndicaux, l’utilisation gratuite du train s’est développée. Confrontées à des besoins de transports, les adhérents aux associations de chômeurs réclament concrètement ce droit sans attendre d’éventuels fruits d’une quelconque négociation. Ainsi, AC reconnaît cette revendication et la légitime par la mise en place d’une carte non reconnue par la SNCF qui demande le transport gratuit, tout en la limitant aux chômeurs. La revendication du transport prend de l’ampleur suite au mouvement des chômeurs de l’hiver 97-98. Les échanges entre collectifs permettent de partager différentes pratiques. De plus, certains collectifs qui tentent de se rencontrer se heurtent à la barrière du coût des transports. Logiquement ces collectifs ou personnes adhèrent avec intérêt à cette forme de réappropriation sociale qu’est l’utilisation gratuite des transports.
Des organisations anarchistes mettent en avant la dimension d’action directe comprise dans la prise de train gratuit. La CNT en 1998 pour une manifestation européenne à Strasbourg appuie une initiative lancée par les chômeurs d’AC ! En 1999, le Réseau No Pasaran organise un départ contre le sommet du G8 à Cologne en train gratuit. Cette opération réunit près de 300 personnes et permet aux participants de rejoindre la ville allemande. La revendication de la gratuité des transports devient une pierre d’achoppement pour réclamer la gratuité d’autres services collectifs (santé, éducation, etc.) L’action directe est le moyen légitime de faire valoir celles-ci. En décembre 1999, un train gratuit pour Monaco à l’appel d’AC et du Réseau No Pasaran est un véritable succès dont l’aspect public est occulté par la tempête qui touche alors l’Hexagone. La manifestation dans Monaco contre "les paradis fiscaux" conclut cette campagne.
Au niveau hexagonal, l’action "un train gratuit pour Nice" est plus mitigée. Les trains sont bloqués, seulement une partie des manifestants atteint difficilement la ville de Nice, tandis que certains collectifs sont brutalement réprimés. Par ailleurs, la revendication de la gratuité est mise en cause par certains, au profit d’un douteux discours "réaliste", prêt au compromis sinon à la compromission.
Pourtant, après trois années de lutte, la revendication a émergé. La campagne hexagonale en faveur de la gratuité des transports du 17 au 23 septembre est le fruit de ces luttes passées. Des collectifs agissent depuis près d’un an pour réclamer la gratuité des transports comme à Bordeaux, Lyon, Saint-Etienne, Nantes, Paris, etc. De nombreux collectifs se sont créés à l’occasion de cette semaine et entendent perdurer l’action.
Il apparaît aujourd’hui artificiel de séparer les besoins de déplacements hexagonaux, régionaux ou urbains. L’utilisation du train ou du car et ensuite du bus, du tramway ou du métro fait partie d’un tout lors d’un déplacement. Il faut traiter cette question de façon globale. Ce sont les gestionnaires (SNCF, sociétés de transports urbains) qui séparent le transport en train du transport urbain, aidés par les politiciens défendant leur précarré (conseils généraux en charge du transport départemental, conseils régionaux en charge du transport régional, etc.) Pour l’instant la gratuité dans les transports urbains est réservée aux revenus les plus modestes dans quelques villes. Il n’existe pas de règle nationale en la matière. Une loi récente tente de mettre en place une réduction au minimum 50 % aux personnes dont le revenu est inférieur à 3600 F/mois (seuil de pauvreté officiel). Cette mesure n’envisage la gratuité que sous l’angle de la pauvreté alors qu’elle est aussi un des enjeux dans la lutte contre la pollution, dans la réflexion sur l’aménagement urbain, les services collectifs, etc.
Le succès de la semaine des transports gratuits, symbolisée par les nombreuses initiatives locales, marque la continuité d’une lutte qui s’articule d’une manière cohérente, intégrant les dimensions locales aux réalités hexagonales. L’information délivrée aux usagers (et non pas aux clients), la réappropriation des transports urbains, les pressions sur les dirigeants des entreprises de transport, sur les politiciens sont autant d’initiatives quiconstruisent un mouvement qui a su se servir de ces réussites et de ces échecs passés pour rebondir.

Campagne transports gratuits

Près d’une trentaine de villes ont participé à la campagne initiée par AC ! et le Réseau No Pasaran. S’il reste encore beaucoup à faire pour pouvoir mener des actions de masse, la sensibilisation autour de "Zéro franc, zéro fraude" a été un vrai succès. Ci-dessous quelques comptes-rendus.

Paris : Circulez, y’a rien à devoir ! Après que des bus est fait la promotion de la semaine des transports gratuits avec des affiches " gratuité des transports " collée à la place des pubs, l’ironie du sort a voulu que cette semaine débute par le procès de Jean-Charles. Militant actif d’AC, il conteste une amende infligée suite à une distribution de tracts dans le métro. Pour la septième fois, il se présentait au tribunal de police. La cinquantaine de personnes présentes ainsi que les témoins ont été empêchés d’accès à l’audience pourtant publique. Au final, n’ayant toujours pas obtenu l’aide juridictionnelle, le procès est reporté au 11 décembre, 4 ans après les faits !
Le lendemain, comme un clin d’oeil à Jean-Charles, le Réseau pour l’Abolition des Transports Payants organisait une manif’ de République à Nation, mais dans le métro (une première !), qui s’est prolongée sur d’autres lignes. Manifester dans le métro est en fait interdit depuis 1942 et la loi sur la police des chemins de fer. Tout ce chemin nous a conduit au sud de Paris à l’inauguration du festival des " transports en tout genre " organisé dans le cadre de la semaine des transports publics. Revendiquant l’accès libre au service public, donc à la culture, nous sommes entrés sans payer. Le film fut beaucoup plus intéressant qu’un débat organisé par une pseudo-association antenne du PS qui sert à dépenser les subventions, notamment dans les petits fours (certes fort bons !)
Le vendredi nous sommes aller réclamer l’annulation des contraventions. La RATP a préféré fermer le bureau de recouvrement des amendes quelques secondes avant notre arrivée. Cette occupation a pris des tournures inhabituelles : les agents de recouvrement des amendes étaient enfermés dans le bâtiment tandis que nous étions à l’extérieur. Ils n’ont pas voulu dialoguer préférant appeler les flics. Samedi pour clôturer la semaine de la gratuité, une action porte ouverte à la station Opéra a permis à plus dix mille de personnes de rentrer gratuitement dans le métro. Durant plusieurs heures, nous avons distribué les tickets " zéro franc, zéro fraude " en notre possession. Des cadres de la RATP nous ont rencontré, nous accusant notamment d’empêcher les gens de circuler librement. Incroyable ! Bien sur les personnes n’étaient pas compétentes, n’était à la RATP, etc. Une semaine au bilan positif qui annonce une mobilisation plus longue et de nouvelles actions. Yann Lupec Scalp-Reflex Paris
Angers :
Samedi 22 sept, Le rendez-vous était donné à 14H pour une diff’ de tracts et un gros collage en faveur des transports collectifs gratuits. Les équipes montées dans les bus afin de distribuer tracts et faux tickets, ainsi que pour informer usagers et conducteurs, ont été plutôt bien accueillies... Dimanche 23 sept - Manifestation à vélos, rollers, skates et à pieds,...à 10H30 du mat. De bonne heure et de bonne humeur ! La police, qui ne voulait pas qu’on trouble l’ordre public (avec la voiture-sono) et surtout qu’on ne dérange pas les grands électeurs préparant leurs sénatoriales, a consenti à ouvrir le dialogue à condition qu’on la ferme et qu’on dégage... Menaces de saisie concernant la voiture-sono, pressions tous azimuts, résultat : une piste cyclable inachevée... Heureusement, il faisait beau et nous avons pu finir ce week-end d’actions par un pique-nique, les flics n’ayant pas trouvé d’excuses valables pour nous en empêcher...
Besançon : Le 23 sept. une quinzaine de militants d’AC ! se sont rendus à la gare de Besançon-Viotte. Leurs objectifs étaient : - de faire une diffusion de tracts relatifs à la question des transports régionaux dans lequel nous dénoncions le Conseil Régional comme étant hors
la loi pour na pas mettre en application l’article 133 de la loi contre les exclusions. - de procéder à un collage d’affiches sur trois trains dont le départ était fixé entre 18 h 15 et 18 h 30. Ce qui fut fait pour deux d’entres eux, arrêtés par l’arrivée des forces de l’ordre.
A Lyon, le 23 sept.c’est près d’une centaine de personnes ont participé au cortège de la manif à l’appel d’AC !, la CNT, le collectif de Vaulx en Velin, la FA, le Point Moc, Izmir, SUD Travail, de la place Carnot (Perrache), où les demandeurs d’asile ont réquisitionné un hôtel abandonné vendredi dernier dans la matinée, à la place des Terreaux.
À Montpellier diff de tract "Aujourd’hui gratuité des transports et demain ? le 22septembre : à l’occasion de la journée sans voiture, les bus et tramways étaient gratuits !!!! (merci pour les infos sur la liste concernant la semaine des transports, car la mairie n’en faisant pas trop la pub, on ne l’aurait pas su). La réception fut assez favorable : tous les jours se seraient pas si mal.
Nous avons prévu une grosse réunion de rentrée mardi 2 octobre en invitant syndicats (locaux et professionnels) et associations (sur l’environnement, d’usagers des transports, de quartiers, de parents d’élèves, pour des pistes cyclables, sur le logement, de consomateurs, ...).
A Nantes, le mercredi 19 septembre le collectif TGV (Transports Gratuits Vite) a été en délégation au Conseil régional pour rencontrer les responsables de la commision qui s’occupe des transports, suite à une première entrevue au mois de juin 2001. Ces derniers ont laissé entrevoir pour les années à venir un certain nombre d’aménagements sur les coûts pour le transport régional. Le jeudi 20, un débat a eu lieu avec un représentant du RATP de Paris. Le samedi 22, c’est une distribution de ticket "Zéro franc, zéro fraude" qui a eu lieu sur la place centrale de Nantes avec un très bon accueil de la part du public.
Marseille - Autour de la semaine d’action pour les transports gratuits, un collectif d’associations (AC !, Chiapacans/No pasaran, CNT éduc., AL, LCR, Resister, Ras’l’front Marseille et Vitrolles, etc.) a mis en place une série d’action de sensibilisation de la population marseillaise. Des tracts rappelant la piêtre situation du transport en commun dans la cité phocéene : mauvaise desserte des quartiers périphériques, prix exhorbitant du ticket (9frs !), inconfort et vetusté des équipements, pas de métros après 21h, ... ont été massivement distribués, ainsi qu’un argumentaire précis sur l’exigence de la mise en place de la gratuité. Ces diffusions ont eu lieu mardi 18 et samedi 22 sept. à l’occasion d’opérations "aujourd’hui, c’est à ouf !" (c’est gratuit en marseillais). En effet, durant plusieurs heures, nous avons ouvert les barrières de deux stations de métro très fréquentées, distribuant avec le tract un vari-faux titre de transport "zéro francs, zéro fraude !". Succès garanti et grande discrétion des autorités furent au rendez-vous. (...)
Ces actions devraient être le marche pied d’une campagne de longue haleine tant la question du transport collectif et de son accès crystalise bon nombre de problèmes de vie urbaine ici. Si nous nous intéressons pour l’instant au transport urbain (métro, bus et tram) c’est parce que déjà tout y est à gagner. La gratuité y est limitée à des catégories très précises de chômeur-ses, ce qui en fait une réelle mesure de façade. Dans un premier temps, il faut gagner son extension à l’ensemble des bas revenus tout en popularisant une conception de services publics collectifs gratuits pour toutes et tous en tant que droit social inaliénable. Cependant, nous n’oublions pas la SNCF et projetons de rapidement leur mettre la pression. Chiapacans/No Pasaran 13

Soutien au Collectif Sans ticket

Les plaidoiries des avocats dans l’affaire opposant 18 usagers du CST à la direction de la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles (STIB) auront lieu le 5 octobre. Rappelons que la STIB demande aux tribunaux de pouvoir user d’astreintes si le CST continue de parler avec les autres usagers ou les travailleurs, de transporter, d’éditer, de diffuser toutes informations sur les transports publics.
Le CST, qui réclame la gratuité des transports, se met en risque quotidiennement à travers une pratiquede désobéissance et de construction civiles avec la "carte de droit aux transports" et par des interventions hebdomadaires dans les transports bruxellois (cf No Pasaran ! du mois dernier). Cette manière de joindre les actes à la parole gêne le comité de gestion de la STIB qui veut faire taire et criminaliser le collectif belge.
Le CST réclame, en réponse à l’action judiciare, le retrait de l’action judiciaire, le droit à la libre information publique non commerciale, le droit à l’expression de la société civile et la promotion dans la mesure de leurs moyens d’un débat collectif sur les transports publics et l’accès à ceux-ci en fait comme en droit.
Début septembre, le collectif sans ticket avait subi une double perquisition. La police fédérale et la BSR (RG belges) sont venues saisir toute la documentation, les tracts, les ordinateurs, etc. Cette action des flics s’inscrit dans un double mouvement : le procès décrit ci-dessus et le renouvellement des fichiers en perspective du sommet de l’Union Européenne, bien que le motif officiel soit l’action judiciaire menée par la STIB.


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