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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°2 - Octobre 2001 > Zapatistes : l’impasse ?

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Zapatistes : l’impasse ?


Après l’événement historique de la marche des zapatistes sur Mexico, qui vous avait été raconté dans un précédent numéro, l’espoir soulevé avait vite reçu une bonne douche froide. Le Sénat et le parlement mexicain ont en effet bel et bien adopté une loi sur les droits et la culture des indiens (revendication principale des zapatistes pour reprendre les négociations de paix mais aussi de l’ensemble des organisations indiennes lors de la marche sur Mexico) mais tellement édulcorée et vidéede son contenu qu’elle était appelée par les zapatistes : "loi des droits et de la culture des latifundiaires et des racistes". Suite à l’adoption de cette loi scélérate fin avril, ils ont rompu tout dialogue avec le gouvernement, s’enfermant dans le silence.


image 315 x 197Retournant au Chiapas pour travailler à la clinique d’Oventic, après y avoir déjà été l’an dernier, je me demandais quelle situation j’allais trouver. J’étais aussi impatient de savoir comment les gens des communautés avaient ressenti ces événements et comment ils voyaient maintenant le futur des prochains mois.

Les impressions au retour sont contrastées. Sentiment qu’on cache sous le tapis ce qu’on ne veut pas montrer. A San Cristobal, ville largement touristique, la présence des militaires est moins présente et voyante que l’an dernier. De même le barrage militaire qui se trouvait sur la route pour aller à Oventic a disparu et les vols militairesrasant sur ce même village ont disparu. Oventic est une des cinq Aguascalientes zapatistes ou passe beaucoup d’étrangers, située en bordure d’une route très fréquentée ; une sorte de vitrine. La situation est toute différente en allant à la commune d’El Bosque, située à moins de 45 mn de route mais ou il n’y a pas de "campamento" et donc quasiment jamais aucun étranger. Après être passé devant deux gros campements militaires à San Cayetano et Puerto Cate-La Tijeria, j’arrive dans une communauté ou, au-dela de l’accueil extrêmement chaleureux des habitants, une tension très forte est perceptible. Le matin même un représentant du gouvernement est venu prendre le transformateur dans le village afin de couper l’électricité dans celui-ci. Cependant, seules les familles zapatistes sont touchées, celles progouvernementales ayant une alimentation indépendante fournie par le gouvernement. Ainsi le soir seules deux maisons sont éclairées et toutes les autres sont plongées dans le noir. Après sept années d’une lutte dans des conditions matérielles très difficiles, usantes, quel meilleur moyen pour pousser à l’affrontement intracommunautaire, suscitant ainsi une reprise en main militaire sur le thème : "on est bien obligé d’envoyer les soldats pour les empêcher de s’entretuer" ? La tension était encore exacerbée par le passage environ toutes les demi heure de convoi militaires ou policiers sur la route jouxtant le village. Les groupes paramilitaires sont en effet très actifs dans cette région (on m’avait d’ailleurs conseillé de ne pas emprunter la route après 16h) et la semaine précédente plusieurs d’entre eux avaient mitraillé deux membres d’une ONG, le Fray Bartolomé de Las Casas, qui circulaient dans leur voiture. Ceux-ci s’en étaient sorti miraculeusement mais un policier qui passait par là était mort. Depuis deux autres agressions ont eu lieu. Les paramilitaires armés et encouragés par le gouvernement (qui a libéré après la marche certains de leur dirigeant qui avait été interpellé) paraissent de plus en plus incontrôlables. Le gouvernement récolte là ses fruits de sa stratégie de la tension, de sa sale guerre de basse intensité.

La perception qu’ont les habitants de ces communautés de base de la situation est teintée de fatalisme. A la question de savoir comment ils pensent que la situation va évoluer, la réponse quasi unanime est : "quien sabe !". S’il est certain que l’adoption d’une loi sur les droits et culture indiens aussi éloignée de leurs revendications les a profondément déçu (d’autant plus que la délégation zapatiste, après l’énorme succès de la marche était revenu assez convaincue de l’adoption d’une loi favorable), les gens de ces villages se reconcentrent sur la construction de l’autonomie au quotidien. Vaste projet allant de la mise en place d’un système éducatif à celui d’un système de santé et soulevant maints problèmes. Problèmes tant économiques (beaucoup de communautés par exemple n’ont pas les moyens de rémunérér les promoteurs de santé qui ont été formés pour donner les soins dans les cas les plus simples et rediriger les autres vers des structures hospitalières. Ils doivent donc gagner en plus de quoi se nourrir. Sachant que ceux qui ne font que travailler dans les champs n’ont bien souvent que le strict minimum, le statut de promoteur de santé relève bien souvent d’un engagement militant) que politique. Cette autonomie se heurte en effet directement aux projets gouvernementaux. Celui-ci prévoit au travers du plan Puebla-Panama d’ouvrir toute la partie sud du pays (et notamment le Chiapas) et l’Amérique Centrale à l’exploitation minière et forestière et à la construction de maquiladoras, ces sinistres manufactures ou nos chères multinationales (qui comme par hasard ont largement investi dans ce plan) délocalisent leur production pour exploiter une main d’oeuvre bon marché. Les récentes déclarations de Fox comme quoi le plan Puebla-Panama était bien plus important que quelques communautés indiennes laissent augurer des jours difficiles.
F.X.


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